C’est fait : présenté aux teams jeudi dernier à La Haye, le partenariat entre la Volvo Ocean Race et l’Imoca a été formellement signé vendredi matin. Tip & Shaft vous dit tout sur cet accord historique qui va contribuer au rapprochement de deux univers longtemps opposés de la course au large.
Sept mois de réflexion
Il aura fallu environ sept mois pour aboutir à un accord. Un accord qui n’aurait sans doute pas eu lieu, en tout cas pas si vite, sans la « porte ouverte » – dixit Antoine Mermod, président de l’Imoca – par Mark Turner, qui, en mai 2017, avait annoncé le passage de la Volvo Ocean Race, dont il était alors le CEO, au Super Sixty, un 60 pieds “compatible” avec la jauge Imoca. Si ce dernier s’est vu opposer une fin de non recevoir de l’Imoca – avant de démissionner -, les ponts n’ont pas été rompus entre la Volvo et l’Imoca, qui ont repris langue à l’automne dernier.
« Nous nous sommes rencontrés en novembre avec Johan Salén [qui a succédé, avec Richard Brisius, à Mark Turner, avant de racheter début juin la Volvo avec leur société Atlant, NDLR]. L’objet était juste d’analyser ce qui marchait et ne marchait pas d’un côté comme de l’autre et nous avons très vite fait le constat qu’on avait chacun des événements dingues, mais qu’il était compliqué pour les teams de trouver de l’argent pour y participer de façon correcte. A partir de là, on s’est dit que ce n’était pas délirant de travailler ensemble pour créer un modèle solide et valorisable et aboutir à un réservoir de dix-quinze équipes vivant bien de nos deux histoires », explique Antoine Mermod.
Chacun a ensuite planché de son côté sur ce projet commun, devenu concret mi-mars avant d’être adopté fin avril par l’AG de l’Imoca à une très large majorité. Un moment-clé pour Antoine Mermod : « A 51/49, on n’y allait pas ». La procédure de rachat de la Volvo Ocean Race a mis les discussions en stand-by, elles ont repris et abouti mi-juin, le partenariat ayant été signé ce vendredi à midi pour deux éditions de la Volvo entre les nouveaux propriétaires de la course et Antoine Mermod après avoir été présenté la veille aux équipes. L’annonce officielle, qui aurait dû intervenir vendredi, a été repoussée à lundi en raison de la collision mortelle qui a endeuillé le port de La Haye jeudi soir.
Première Volvo Ocean Race en Imoca à l’automne 2021
Si les termes précis de l’accord qui lie la Volvo et l’Imoca seront dévoilés lundi par communiqué de presse, la principale information est que la douzième édition de la Volvo Ocean Race aura lieu en 2021-2022 sur des 60 pieds Imoca existants ou neufs avec sans doute des équipages de cinq marins. Pourquoi cette date ? « Pour la Volvo Ocean Race, ce n’était pas possible avant ; pour nous, le choix était entre 2021 et 2022. La Route du Rhum étant une épreuve très importante pour les Français, nous avons choisi 2021, pour un départ vraisemblablement à l’automne. La seule course en concurrence sera la Transat Jacques-Vabre. Mais, sur les 30 bateaux qui font le Vendée Globe, s’il y en a 5 qui partent faire la Volvo, il restera encore un beau plateau potentiel au Havre », répond Antoine Mermod.
L’accord entre les deux parties comporte-t-il également un volet financier ? « Dans la mesure où l’Imoca apporte un service, c’est-à-dire un certain nombre d’expertises techniques et sa flotte, mais aussi prend quelques engagements, il y a une contrepartie financière, comme il en existe avec d’autres courses, comme le Vendée Globe [qui verse 80 000 euros chaque année à l’Imoca, NDLR] », répond le président de l’Imoca. Le montant ? « Confidentiel ».
Une « crew section » dans la jauge annoncée en fin d’année
La veille de la signature du partenariat ont eu lieu à La Haye deux réunions essentiellement techniques autour du projet. La première a réuni les patrons de la Volvo – accompagnés de leur « shore team » mené par Nick Bice -, les architectes qui construisent aujourd’hui des Imoca – Vincent Lauriot-Prévost et Quentin Lucet pour VPLP, Guillaume Verdier, Juan Kouyoumdjian et Sam Manuard – des représentants des sociétés GSea Design et Gurit, ainsi qu’Antoine Mermod et Vincent Riou – « On m’a demandé de venir partager mon expérience », explique ce dernier, qui fut longtemps le responsable de la commission technique de l’Imoca. “L’objet de cette réunion était d’évaluer ensemble si les accords signés avaient du sens et de trouver des solutions techniques. Nous avons tous été plutôt d’accord pour dire que les deux programmes étaient compatibles, à quelques détails près“, précise Vincent Lauriot-Prévost.
Le projet a ensuite été présenté aux teams de cette édition lors d’un « educational meeting » qui a essentiellement consisté en un questions-réponses d’ordre technique. « Comme ils sont encore tout feu tout flamme de leur dernière édition dont le résultat final s’est joué dans les dernières minutes, ils voulaient savoir s’il y aurait toujours des régates au contact et si on pouvait leur garantir qu’on n’allait pas casser en tirant sur les Imoca », poursuit Vincent Lauriot-Prévost. Autant de questions dont les réponses dépendront des adaptations de la jauge : dans les six mois à venir, l’Imoca et la Volvo Ocean Race vont en effet travailler via une commission bipartite à la rédaction d’une « crew section » de la jauge existante, spécifiquement pour la Volvo 2021. La jauge actuelle ne sera pas modifiée sur les autres points d’ici le prochain Vendée Globe.
« L’objectif principal, c’est qu’un bateau qui fait le Vendée Globe 2020 puisse être compétitif pour la Volvo 2021 ; l’idée n’est pas de changer mais de s’adapter aux problématiques de l’équipage », explique Antoine Mermod, une problématique à laquelle tiennent particulièrement les skippers. « La force de l’Imoca a toujours été de faire évoluer ses règles en faisant en sorte de conserver la flotte existante, ce sera encore le cas », confirme Vincent Riou. Cette « crew section » sera dévoilée en fin d’année. Quid des éditions suivantes ? « Pour la campagne suivante, des discussions auront lieu en 2019-2020 pour être validées après le Vendée Globe 2020 », ajoute le président de l’Imoca.
Quel impact pour l’Imoca ?
Certains skippers s’inquiètent d’un risque d’inflation des budgets liés à ce rapprochement. Pour Antoine Mermod, ce contrat n’a que des avantages : « On va pouvoir réunir sur les deux plus grandes courses du monde, dans la même catégorie, les meilleurs Français et les meilleurs marins du monde, des champions olympiques, des vainqueurs de la Coupe… Et pour une course comme le Vendée Globe,c’est l’occasion à la fois d’augmenter la notoriété à l’étranger et d’attirer plus de skippers internationaux ». Moins exalté, Vincent Riou y voit, de manière prosaïque, une victoire symbolique pour l’Imoca : « C’est enthousiasmant, le début d’une belle aventure. Pour nous, c’est le modèle de la Volvo qui se rapproche de notre modèle et non l’inverse. C’est une satisfaction quand tu as participé à tout mettre en place. Maintenant, ça ne va pas être un long fleuve tranquille… ».
Il y a en effet du travail en perspective, en particulier au sein même de l’Imoca, appelée à se structurer davantage, techniquement et juridiquement. « Forcément, on va se renforcer, ça va nous demander un vrai investissement. C’est un énorme boost pour nous, c’est passionnant de se lancer là-dedans », confirme Antoine Mermod. Le rapprochement entre Volvo Ocean Race et Imoca pourrait également accélérer le développement de certaines écuries impliquées en Imoca, à l’heure où elles se structurent et se professionnalisent. « Nous avons une structure sportive et technique en train de développer un Imoca, qui aurait donc le potentiel pour travailler sur un Imoca version Volvo, avanceJérémie Beyou, auréolé se sa victoire avec Dongfeng. Nous avons le savoir-faire, un bureau d’études qui connaît parfaitement la jauge et le développement de ces bateaux : pourquoi pas travailler pour une équipe ? »