A un peu plus de six ans des Jeux Olympiques de Paris 2024, l’année 2018 s’annonce décisive pour déterminer les épreuves et les supports de la voile sur le site de Marseille. Si rien n’a changé dans la voile olympique entre Rio 2016 et Tokyo 2020 – en dehors du fait que le Comité International Olympique a imposé une stricte parité (175 femmes et autant d’hommes) -, cela ne sera pas le cas en 2024. Alors que les grandes manoeuvres sont en cours dans les couloirs de World Sailing et du CIO, Tip & Shaft vous aide à y voir un peu plus clair.
Dans son Agenda olympique 2020, sorte de feuille de route stratégique adoptée en décembre 2014, le CIO a édicté un certain nombre de recommandations destinées à faire évoluer le programme olympique : égale répartition des médailles entre hommes et femmes, représentativité équilibrée de toutes les typologies de physique, équilibre entre innovation et accessibilité au plus grand nombre, ouverture à un public plus jeune… Consciente de la nécessité de faire évoluer ses épreuves si elle ne veut pas voir son programme olympique rogné, la fédération internationale de voile, World Sailing, s’est donc mise au travail avec un processus en plusieurs temps. Le premier a été de déterminer les “events” (et non les supports, nuance qui a son importance) faisant l’objet d’une “révision” en vue des JO de Paris. Chose faite mi-février par le Conseil d’administration de l’ex Isaf qui a désigné la planche à voile féminine et masculine (RS:X à Rio), le dériveur double féminin et masculin (470), et le dériveur solitaire masculin “poids lourd” (Finn). Ce qui signifie en creux, décrypte Bernard David, directeur administratif et juridique adjoint de la FFVoile que “le 49er, le 49er FX, le Nacra 17 et le Laser Hommes et Femmes seront normalement préservés”.
Un choix qui a forcément donné lieu à de nombreux débats, comme l’explique l’ancien spécialiste français de 49er, Yann Rocherieux, président de la commission des athlètes à World Sailing et à ce titre membre du bureau de direction : “Du côté de la commission, nous aurions aimé des changements moins importants afin de protéger les intérêts des athlètes d’aujourd’hui. Mais nous nous sommes quand même prononcés en faveur de ce choix qui nous paraît un bon compromis entre ne rien changer au risque de se mettre en grande difficulté vis-à-vis du CIO, et tout changer, ce qui aurait un impact trop important pour les fédérations et les athlètes”. Les fédérations nationales, mais également les classes internationales reconnues par World Sailing et certaines instances de World Sailing, ont désormais jusqu’au 19 mars pour proposer des “soumissions” à la commission des événements : en clair, des propositions de programme olympique, qui seront étudiées puis feront l’objet d’un vote du Conseil d’administration de World Sailing pendant son Mid-Year Meeting à Londres mi-mai.
Les tendances actuelles ? Pêle-mêle sont évoqués l’introduction d’une épreuve de course au large, l’arrivée du kitesurf et d’épreuves par équipes, voire de relais, le retour du match-race, une évolution des planches vers le foil, la disparition possible du Finn ou du 470… Mais Yann Rocherieux se montre prudent : “En fonction des forces en présence chez les jeunes aujourd’hui, chaque pays défend les séries sur lesquelles il a le meilleur vivier“. Du côté de la FF Voile, qui planche actuellement sur sa “soumission”, le président Nicolas Hénard se garde de trop dévoiler ses batteries… même s’il reconnaît militer pour le maintien de la planche, grande pourvoyeuse de médailles olympiques. Mais également, on le sait, pour l’introduction d’une épreuve mixte de large : “Nous sommes la patrie de la course au large, on ne peut pas rater le coche. C’est pourquoi je passe en force sur ce dossier avec l’organisation d’un événement de démonstration à Marseilleen juin en marge des finales de la World Cup avec cinq Figaro 3 prêtés par Bénéteau”.
A l’issue du vote de Londres mi-mai, seront connus (si tout va bien) les dix “events” retenus par World Sailing. Un nouveau processus démarrera alors pour déterminer les dix supports correspondants, qui débouchera sur un nouveau vote du Conseil d’administration de World Sailing lors de sa Conférence annuelle en novembre 2018 aux Bermudes. Ce vote ne deviendra définitif qu’un an plus tard, en novembre 2019, histoire de valider les éventuels nouveaux supports qui auront eu un an pour être testés.
Ce ne sera pas fini pour autant ! Car le CIO gardera le dernier mot avec une décision finale à l’automne 2020 sur le programme définitif des Jeux de Paris. “Si la voile est garantie aux JO 2024, le CIO peut cependant remettre en cause le nombre de médailles attribuées. De la même manière qu’après Rio, il a décidé de réduire le nombre d’athlètes de 380 à 350”, rappelle Bernard David. Une décision prise officiellement pour réduire le coût des Jeux, mais que certains ont interprétée comme une mise sous pression du CIO sur World Sailing, pour que la voile olympique se modernise rapidement.
Voilà pourquoi World Sailing a pris les devants et travaille ses réseaux, une bonne partie des membres du CIO ayant ainsi été invitée aux Mondiaux d’Aarhus en août prochain. “Le président Kim Andersen et ses équipes font un gros boulot auprès des acteurs du CIO, explique Yann Rocherieux. Pour éviter de se retrouver devant le fait accompli comme cela a été le cas pour la réduction du nombre d’athlètes.” Une bataille feutrée, qui ne fait que commencer.