Du 26 janvier au 3 février, Lanzarote accueille les championnats du monde d’iQFoil, dernier grand rendez-vous avant la sélection finale des deux athlètes français pour les Jeux Olympiques 2024. Tip & Shaft fait le point sur les forces tricolores en présence.
Sur les huit femmes et douze hommes ayant participé à la préparation olympique en iQFoil pour les JO 2024 (28 juillet-8 août), ils ne seront que deux athlètes (un homme et une femme) à représenter la France sur le plan d’eau olympique marseillais. Début mars, le comité de sélection – composé de Jean-Luc Denéchau, président de la Fédération française de voile, de Guillaume Chiellino, directeur technique national, et de Philippe Mourniac, directeur de l’équipe de France – soumettra les noms des deux heureux élus au Comité national olympique et sportif français, en charge de valider cette sélection.
Cette sélection s’annonce ardue puisque “la France est très bien armée en iQFoil, souligne Philippe Mourniac. Chez les femmes, ce sont Hélène Noesmoen et Lucie Belbéoch qui font figure de favorites, accompagnées de quelques autres athlètes très talentueuses, comme Lola Sorin, Manon Piannaza ou encore Delphine Cousin. Et chez les hommes, le plateau est encore plus dense puisqu’ils sont aujourd’hui au moins six à prétendre au top 10 mondial, à l’instar de Nicolas et Thomas Goyard, Louis Pignolet, Clément Bourgeois, Tom Arnoux ou encore Adrien Mestre.”
Si les championnats du monde à venir à Lanzarote seront l’ultime occasion pour les planchistes tricolores de marquer le coup avant l’annonce de la sélection, “ce n’est qu’un rendez-vous parmi d’autres sur la route des JO que l’on prépare depuis trois ans”, relativise Nicolas Huguet, entraîneur d’une partie des féminines.
Le niveau s’est densifié
Depuis les Jeux de Tokyo en 2021, qui ont marqué la fin de la RS:X, planche olympique depuis 2008 (dépourvue de foil), le niveau est monté crescendo, ce que confirme Pierre Noesmoen, l’un des entraîneurs des féminines tricolores (notamment de sa sœur Hélène) : “Les très bonnes planchistes qui ont fait les JO de Tokyo en RS:X ont mis un peu de temps à prendre en main l’iQFoil, mais aujourd’hui, le niveau s’est bien densifié.” Ce que confirme sa sœur : “A six mois des Jeux, on sent que tout le monde est dans le réglage fin et la précision.”
En trois ans, les athlètes ont dû apprivoiser techniquement le nouveau support, mais aussi, pour ceux issus de la RS:X, changer de gabarit et prendre de la masse pour performer en vitesse. “Si en RS:X, les athlètes pesaient autour de 73-75 kilos, en iQFoil, il faut faire entre 90 et 95 kilos pour être compétitif”, précise ainsi Nicolas Goyard. “Au départ, on ne savait pas trop quel serait le poids idéal, mais cela commence à se stabiliser autour de 63-65 kilos pour les filles”, ajoute Pierre Noesmoen.
Les planchistes ont également dû prendre leurs marques sur les différents formats de courses proposés sur les championnats. “Nous devons en effet pouvoir nous adapter à trois types de parcours selon les conditions météo – slalom, marathon et course racing – contre un seul sur le précédent support”” explique Lucie Belbéoch, 28 ans.
Un match Noesmoën/Belbéoc’h
Donnée favorite pour l’unique sésame olympique chez les filles, Hélène Noesmoen, 32 ans, championne du monde (2021) et triple championne d’Europe (2020, 2021 et 2022), mais non retenue pour le test-event de Marseille en juillet 2023, a manqué de peu les podiums l’an dernier (4e aux championnats d’Europe et 5e aux championnats du monde). Pour convaincre définitivement le comité de sélection lors des Mondiaux de Lanzarote, Pierre Noesmoen met en avant “son savoir-faire de régatière et sa polyvalence puisqu’elle s’exprime aussi bien dans 8 que dans 30 nœuds. Elle a également cette capacité à faire la différence physiquement et mentalement sur les derniers jours d’un championnat, au moment où ça commence à être dur pour certaines.”
Et si jusqu’alors, ses points les plus limitants concernaient ses départs au vent de travers, configuration rencontrée sur les slaloms et les finales, “nous avons beaucoup travaillé sur ce point”, précise son frère et entraîneur.
L’autre principale prétendante au ticket pour Marseille, Lucie Belbéoch a signé de son côté une très belle performance l’an dernier en décrochant la seconde place de l’épreuve de Coupe du monde à Palma. Même si son résultat au test-event de Marseille a été plus décevant (13e), “elle cumule l’expérience et la polyvalence et s’est beaucoup entraînée dans le vent très fort, conditions météo dans lesquelles elle pouvait avoir quelques déficits”, analyse son entraîneur Nicolas Huguet, avant d’ajouter que “Lucie est une bosseuse et ne lâche rien.” Et Pierre Noesmoen, qui l’a entraînée en 2022, de compléter : “C’est une super tacticienne qui a notamment toutes ses chances dans une flotte dense, comme ça va être le cas à Lanzarote.”
Duel fraternel
Chez les hommes, le grand favori est Nicolas Goyard, champion du monde (2021) et double champion d’Europe (2021 et 2022). Des performances qu’il a confirmées en 2023 en remportant notamment le test-event de Marseille, érigé en priorité de la saison par l’encadrement tricolore. “Je me sens assez confiant vis-à-vis de la sélection. Techniquement, je me sens prêt, à l’aise et rapide”, affirme le Néo-Calédonien de 28 ans. Ses atouts ? “Sa vitesse, clairement, et une auto-analyse de sa performance assez pertinente qui lui permet de progresser”, répond Julien Bontemps, entraîneur de l’équipe masculine.
Les axes de travail, selon ce dernier, médaillé d’argent olympique en RS:X à Pékin (2008), “ont notamment porté sur les départs, domaine dans lequel Nicolas a un léger déficit. Sur les slaloms, le départ au travers est complètement différent d’un point de vue technique et stratégique. Le placement et la distance à la ligne sont notamment plus difficiles à appréhender. Et je ne connais personne aujourd’hui qui est très très fort sur ce départ-là.”
Son principal rival pour la qualification olympique n’est autre que son frère, Thomas Goyard, médaillé d’argent en RS:X à Tokyo et régulièrement dans le top 10 mondial en iQFoil. “S’il a l’avantage de connaître les difficultés d’une préparation olympique, son premier gros challenge a été de changer de gabarit (plus de 15 kilos pris en 18 mois), souligne Julien Bontemps. Il a lui aussi une bonne vitesse. Comme il s’entraîne avec son frère, il a un super lièvre au quotidien. Au portant, allure très importante sur les slaloms pour creuser des écarts, c’est aussi l’un des plus rapides au monde aujourd’hui.”
Si Thomas Goyard affirme “ne pas être sous pression concernant la sélection” et se considère plutôt comme outsider par rapport à son frère, il veut croire que le jeu reste encore ouvert : “Ce championnat peut encore rebattre les cartes car chaque mois, le niveau évolue de façon assez conséquente, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre !”
Photo : Sailing Energy