Lauriane Nolot

JO : l’heure du bilan

Les compétitions de voile des Jeux olympiques de Paris 2024 se sont achevées ce vendredi sur le plan d’eau de Marseille avec le kitefoil masculin (voir tous les résultats). L’occasion pour Tip & Shaft, accompagné de quatre experts tous présents sur place – Pierre Le Coq, médaillé de bronze en planche à Rio, Jonathan Lobert, en bronze en Finn à Londres, Aude Compan et Julien d’Ortoli, spécialistes de 49er et 49er FX -, de dresser un bilan de ces JO.

A domicile, l’équipe de France abordait les Jeux avec de grandes ambitions et un objectif, “faire mieux qu’à Tokyo”, où la France avait décroché une médaille d’argent (Thomas Goyard en planche) et deux de bronze (Charline Picon en planche, Camille Lecointre/Aloïse Retornaz en 470 féminin). L’objectif n’est pas atteint, puisque les Bleus terminent avec deux breloques, en argent pour Lauriane Nolot (kitefoil), en bronze pour Charline Picon et Sarah Steyaert (49er FX).

“On avait beaucoup d’attentes, d’autant que quasiment tous avaient fait un podium international pendant l’olympiade et que la France avait remporté cinq médailles lors du test event à Marseille un an plus tôt. Finalement, sur les cinq, il n’y a que Lauriane qui remonte sur le podium, le bilan sportif n’est pas facile, résume Julien d’Ortoli. Y a-t-il une explication commune à ces résultats en deçà des espérances bleues ?

Pour Pierre Le Coq, la météo a rebattu les cartes, on est tombés sur deux semaines de petit temps, de loin les plus légères ces dernières années sur le site. Ça a vachement rouvert le jeu, d’autres nations en ont fait les frais, je pense aux Anglais qui ramènent en général beaucoup plus de médailles (deux sur ces Jeux), on trouve beaucoup plus de « petites » nations sur les podiums“.

Effectivement, la répartition des médailles est particulièrement équilibrée cette année avec 19 pays qui se répartissent les 30 médailles, 7 pour l’or, seuls l’Italie, l’Autriche et les Pays-Bas (première nation au bilan final) décrochant deux titres.

Lauriane Nolot pas loin

La France a donc décroché deux médailles à la saveur différente, entre l’argent pour Lauriane Nolot qui visait l’or et le bronze pour Charline Picon et Sarah Steyaert, clairement outsiders dans leur série. Lauriane Nolot, directement qualifiée pour la finale à quatre après sa première place au terme des qualifications, peut-elle s’en vouloir de laisser le titre à la Britannique Eleanor Aldridge ?

“Lauriane avait choisi sa grosse voile, la 21, l’Anglaise la 15, cette différence a créé des écarts de vitesse qui ont visiblement été favorables à cette dernière qui a passé toutes les bouées au vent en tête. Ce qui est dommage, c’est qu’il y avait tellement peu de vent à la plage que Lauriane n’a pas pu changer de voile entre les manches”, constate Julien d’Ortoli.

Pour Aude Compan, l’Anglaise a été solide sur les deux courses, elle a fait des choses simples, Lauriane a voulu peut-être un peu trop attaquer, elle a manqué de réussite en sortant du cadre sur la deuxième manche, je pense que si elle fait sa layline, elle passe en tête. Maintenant, même en argent, c’est une belle médaille, on est très peu à pouvoir en remporter”. Reste que Jonathan Lobert regrette que la Varoise n’ait pu saisir “une formidable opportunité de gagner l’or, parce que sur la prochaine campagne, tout le monde va monter en compétence, il y aura forcément plus de niveau et de concurrence”.

Une prochaine campagne sur laquelle on ne devrait pas revoir Charline Picon et Sarah Steyaert qui ont décroché le bronze en 49er FX, elles qui se sont lancées sur ce support il y a moins de trois ans – la première avait décroché l’or à Rio et l’argent à Tokyo en planche, la seconde est une ancienne lasériste. “Au vu de l’olympiade, on ne les imaginait pas sur le podium, c’est juste incroyable ! Elles n’avaient jusqu’ici jamais navigué à ce niveau, c’est très fort de le faire aux Jeux”, admire Julien d’Ortoli.

Elles ont exploité leurs points forts, analyse Aude Compan, qui, avec Mathilde Lodavina, a été partenaire d’entraînement des futures médaillées. Les deux premières journées, dans peu de vent, elles ont joué leur carte à fond en ne faisant quasiment que des places de 2, ensuite, elles ont su limiter la casse dans des conditions qui leur étaient moins favorables.” Au point d’aborder la medal race en tête, Jonathan Lobert constatant qu’elles ont alors surtout cherché à assurer la médaille : Elles y sont allées en mode défense, ça a failli leur coûter le podium, c’est le seul reproche que je leur ferai, car avant, c’était superbe !”

“La machine s’est enrayée”

La médaille, ils étaient un certain nombre d’équipages français à la convoiter et n’y sont pas arrivés pour différentes raisons. Premiers en lice, Erwan Fischer et Clément Péquin, champions du monde en titre de 49er et 12e au final, ont, selon Julien d’Ortoli, “été un peu minés par la répétition des jours sans vent, eux qui étaient réputés performants dans la brise. “Ça les a atteints moralement, confirme Jonathan Lobert. Il faut arriver à accepter que les conditions ne soient pas comme tu veux et réussir à faire des choses simples, or, ils ont souvent fait des choses trop compliquées, ils se sont mis un peu en difficulté tout seuls.”

En kitefoil, Axel Mazella (6e) a, selon Pierre Le Coq, “été un peu frustré, car généralement, les coureurs arrivent à faire 20 manches, là, ils sortent des qualifications à 7, c’est dommage parce qu’on sentait qu’Axel avait le couteau entre les dents pour remonter. Déception également en iQFoil pour Nicolas Goyard (15e), qui, pour Jonathan Lobert, “n’était pas dedans, on a l’impression qu’il a été complètement dominé par l’événement”.

Quant à Jean-Baptiste Bernaz, 12e en ILCA 7 pour ses cinquièmes Jeux, “les JO, c’est sa bête noire”, constate Pierre Le Coq, tandis que Julien d’Ortoli peine à trouver des explications : “On avait l’impression que « JB » avait tout en main pour réussir, il a pris de bons départs, attaquait tactiquement souvent du bon côté, il allait bien en vitesse, mais des erreurs minimes l’ont plusieurs fois remis dans le paquet, il a perdu des points qui ont fini par s’accumuler, la machine s’est enrayée.”

Le 470 de Camille Lecointre et Jérémie Mion termine quant à lui 6e, victime d’une première journée manquée. Ils ont traîné ces trois premières manches comme un boulet, ensuite, ils sont derniers de la quatrième à mi-parcours et là, ils ont une espèce de déclic, ils traversent la flotte, terminent 4e et enchaînent quatre bonnes manches. Ils terminent quand même 6e en remportant la medal race, il n’y a pas à rougir, ça reste une jolie place”, analyse Julien d’Ortoli.

En iQFoil féminin, ILCA 6 et Nacra 17, nos experts estiment que les représentants français, Hélène Noesmoen (7e), Louise Cervera (10e) et le tandem Tim Mourniac/Lou Berthomieu (5e), ont joué à leur niveau“Hélène est 4e après les qualifications, elle perd sa demi-finale sur une bascule favorable aux deux filles parties de l’autre côté, c’est la voile, elle ne peut pas s’en vouloir, elle était bien. Idem pour Louise qui gagne sa première manche et fait quatre autres dans les cinq, elle a toujours été là”, poursuit Julien d’Ortoli. Tim et Lou ont respecté le plan, analyse de son côté Jonathan Lobert. Ils terminent derrière des duos qui ont tenu leur rang de favoris, mais ils étaient en embuscade, juste derrière, ils peuvent seulement avoir un petit regret sur leur manche OCS (départ volé), mais ça montre qu’ils étaient à l’attaque, c’est de très bon augure pour la suite.”

Les Italiens Tita/Banti stars des JO

Quelles sont, pour nos experts, les stars de ces JO de Paris 2024 ? Les Italiens Ruggero Tita/Caterina Banti, tenants du titre, quadruples champions du monde, et de nouveau sacrés en Nacra 17, raflent tous les suffrages. “Techniquement et en vitesse, ils sont au-dessus, en termes de régate aussi, ils ne font jamais d’erreurs, prennent toujours de bons départs, tout est ultra posé, ça donne envie d’avoir des stars comme ça chez nous, c’est fou et hyper inspirant ! s’exclame Pierre Le Coq.

Les Néerlandaises Odile van Aanholt/Annette Duetz, sacrées en 49er FX, ont impressionné Aude Compan : “Elles méritent amplement leur médaille d’or, c’est un équipage qui a beaucoup de légèreté, tout le temps en train de rigoler, même quand ça ne va pas, ça leur permet de rebondir.” En 49er, les Espagnols Diego Botin/Florian Trittel (49er), vainqueurs trois semaines plus tôt de la saison 4 de SailGP, ont confirmé leur statut de favoris, faisant dire à Julien d’Ortoli : “La plupart de leurs concurrents ont eu du mal à jouer aussi bien que d’habitude, on a senti beaucoup de stress, les Espagnols ont été les seuls à naviguer à leur niveau et proprement tout au long de la semaine.”

Pierre Le Coq cite également la Néerlandaise Marit Bouwmeester et son “mental de tueuse à gage”, qui décroche son deuxième titre en ILCA 6 (et sa quatrième médaille olympique), et Jonathan Lobert l’Australien Matt Wearn, qui a conservé son titre en ILCA 7, “attendu, archi favori, et qui a réussi à être tout le temps aux avant-postes.”

Pour finir, nos quatre spécialistes n’oublieront pas de sitôt l’ambiance qui a embrasé la marina de Marseille, faisant dire à Pierre Le Coq : “Pour moi, il y aura un avant et un après, jamais je n’aurais cru que le site allait faire le plein jusqu’au dernier jour. En plus, on était très proches des athlètes, ce qui n’était pas le cas sur les autres Jeux où il y avait une marina fermée, loin des spectateurs. C’est la première fois que des médaillés ressentent des émotions aussi fortes.”

Photo : Sailing Energy

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