Du 28 juillet au 8 août, Marseille accueille les dix épreuves de voile des Jeux olympiques. Quelles sont les chances de médailles au sein du groupe France ? Tip & Shaft a posé la question à plusieurs athlètes passés par la voile olympique (ou encore en activité), à l’instar de Jonathan Lobert (Finn), Pierre Le Coq (planche à voile), Lili Sebesi (49er FX) et Marie Barrué (ILCA 6), ainsi qu’à Didier Ravon, journaliste pour Voiles et Voiliers.
“La France ne s’est jamais présentée aux Jeux olympiques avec autant de chances de médailles et une équipe aussi forte”, clame d’entrée Jonathan Lobert, médaillé de bronze en Finn lors des JO de 2012. Avec cinq médailles, dont quatre en or et une en argent, l’équipe tricolore s’est notamment classée première nation du test event qui s’est déroulé en juillet 2023 sur le plan d’eau olympique, à Marseille, marquant ainsi son territoire à un an des Jeux.
Sur les dix épreuves de voile, nos experts voient six chances de médailles. À l’unanimité, ils considèrent Laurianne Nolot, la représentante en kitesurf (nouvelle discipline aux JO), comme la meilleure chance de titre olympique pour la France. Marin de l’année 2023, double championne du monde, double championne d’Europe et victorieuse du test event de Marseille, la Varoise a tout raflé et se présente comme la grande favorite de ses premiers Jeux.
“Elle est imbattable ces dernières saisons”, estime Marie Barrué, qui était en lice pour la sélection aux JO en ILCA 6 (ex-Laser Radial). “Jusqu’à 20 nœuds de vent, elle a un cran de vitesse vraiment supérieur aux autres”, précise Pierre Le Coq, médaillé de bronze aux JO de 2016 en RS:X. En plus de son talent, “c’est une énorme bosseuse qui se remet toujours en question”, met en avant Didier Ravon. Qui pourrait venir l’inquiéter ? “L’Anglaise Eleanor Aldridge qui n’est jamais très loin, mais derrière, ça a l’air très ouvert”, juge Pierre Le Coq. “Reste à savoir comment elle va gérer la pression de favorite pour ses premiers Jeux”, fait remarquer Lili Sebesi, finaliste des derniers JO de Tokyo en 49erFX.
La force tranquille
du duo mixte en 470
Son homologue masculin en kitesurf, Axel Mazella, médaillé de bronze aux championnats du monde 2022 et 2023 et quadruple champion d’Europe, fait lui aussi figure de prétendant à la médaille selon nos experts. “Plus il y a du vent fort et plus il tire son épingle du jeu, analyse Pierre Le Coq. Et il a l’air d’être à l’aise sur ce plan d’eau sur lequel il a gagné le test event.” Mais il compte un sérieux concurrent : le singapourien Maximilian Maeder. “C’est un peu un ovni, sur les 20 manches du championnat du monde à Hyères, il en a gagné 16, c’est vraiment costaud”, ajoute le véliplanchiste. Et Jonathan Lobert, commentateur des épreuves de voile olympique sur France Télévisions, de préciser : “Axel, avec son plus petit gabarit que Maximilien – 90 kilos contre plus de 100 – pourrait être désavantagé dans du vent soutenu.”
Autre gros potentiel de médaille, l’équipage mixte en 470 composé de Camille Lecointre, double médaillée de bronze aux JO (avec Hélène Defrance en 2016 et avec Aloïse Retornaz en 2021) et Jérémie Mion, médaillé d’or en 470 aux championnats du monde (avec Kevin Peponnet en 2018). “Vainqueur du test event, ce duo a énormément d’expérience“, commente Jonathan Lobert, et “donne une impression de force tranquille“, complète Didier Ravon.
Et ce dernier d’ajouter : “En général ils ne démarrent pas très bien, mais montent en puissance et finissent très fort. Maintenant, la concurrence s’annonce sévère avec les Espagnols, champions du monde cette année, les Suédois, champions du monde en 2023 et les Anglais, meilleure nation du monde en olympisme depuis trois campagnes, dont il faut se méfier même s’ils ont l’air un peu moins saignants cette année.” L’avantage du duo tricolore est, selon Pierre Le Coq, de “connaître le plan d’eau comme sa poche, Jérémie s’entraîne à Marseille depuis très longtemps et Camille s’y est installée il y a quatre ans.”
Jean-Baptiste Bernaz,
enfin la médaille ?
En termes d’expérience, Jean-Baptiste Bernaz, représentant tricolore de la série ILCA 7 (ex-Laser), fait encore mieux puisque celui qui a été sacré champion du monde en 2022 s’apprête à disputer ses cinquièmes Jeux olympiques consécutifs, qu’il a toujours terminés dans le top 8 – son meilleur résultat est une 5e place à Rio. “Début juillet, il a gagné la semaine de Kiel haut la main et la plupart de ses concurrents étaient là, c’est donc assez significatif de sa forme actuelle”, relève Marie Barrué. Selon Pierre Le Coq, “JB est un des plus complets, que ce soit au niveau tactique, stratégique ou au niveau du vécu. Maintenant, deux athlètes semblent globalement au-dessus, l’Australien Matthew Wearn, médaillé d’or aux JO en 2021, ainsi que l’Anglais Michael Beckett.”
Jonathan Lobert ajoute qu’il “faudra aussi compter sur l’Allemand, le Chypriote, le Croate ou encore le Norvégien. Mais Jean-Baptiste peut clairement aller chercher une médaille.” L’éventuel point faible du Varois ? “Il y a toujours une journée où il passe à côté, et ça lui a coûté cher à chaque fois, une médaille à Rio, une autre à Tokyo, répond Didier Ravon. Ceci dit, il a beaucoup travaillé là-dessus mentalement. Son second handicap, c’est ce plan d’eau super compliqué qu’il n’aime pas trop et sur lequel il faut être très joueur, très opportuniste, pour, de temps en temps, taper les bords du cadre. Jean-Baptiste aime bien une tactique relativement saine, où c’est la vitesse et la façon dont tu sens les petites variations du vent qui font que tu vas bien.”
Nos experts voient également une bonne chance de médaille dans le duo de 49er Erwan Fischer/Clément Péquin. Champions du monde en mars à Lanzarote – une grande première pour la France dans cette série -, deuxièmes du test event il y a un an, “ils sont cette année un peu au-dessus, ils ont notamment dominé le championnat du monde de la première à la dernière manche, fait remarquer Didier Ravon. Ils naviguent ensemble depuis très longtemps et ont développé une complicité incroyable.” Lili Sebesi ajoute : “Ils ont traversé des moments difficiles ces deux dernières saisons, ils se sont tous les deux blessés, mais ils sont à chaque fois revenus très forts. Ils peuvent compter sur leur vitesse et leur technique dès qu’il y a un peu d’air. Et même s’ils font partie des équipages les plus lourds, ils vont bien dans le petit temps aussi.”
En iQFoil, support remplaçant la RS:X, Nicolas Goyard, vainqueur du test event, champion du monde en 2021 et double champion d’Europe 2021 et 2022, a lui aussi des chances de podium selon nos experts. “Il est né avec le foil et a développé énormément cette pratique dont il connaît très bien toutes les subtilités”, commente Jonathan Lobert. Parmi ses adversaires, figurent l’Italien Nicolo Renna et le Néerlandais Luuc Van Opzeeland, “un gros gabarit qui va très fort dès que les conditions sont musclées”, ajoute ce dernier. Pour Didier Ravon, “Nicolas Goyard peut être assez irrégulier et a souvent un peu de mal à finir, mais si ce sont des JO de brise il sera dans le match.”
Noesmoen revient
dans le match
Dans les autres séries, nos experts voient plutôt des outsiders capables de créer la surprise, à l’instar d’Hélène Noesmoen, en lice en iQFoil, “qui a dominé le circuit très tôt (triple championne d’Europe et championne du monde en 2021) mais s’est ensuite fait rattraper par les autres nations, souligne Jonathan Lobert. Mais depuis l’officialisation de sa sélection, elle a eu un regain d’énergie et revient dans le match. Donc tout est possible”. Notamment “s’il y a une semaine de brise, conditions dans lesquelles elle est très forte”, complète Didier Ravon.
En 49er FX, Charline Picon et Sarah Steyaert, vice-championnes d’Europe cette année, peuvent performer si les conditions sont légères, selon nos interlocuteurs. La première a été médaillée d’or en planche aux JO de 2016 et d’argent en 2021, avant de se reconvertir sur ce nouveau support avec Sarah Steyaert, championne du monde de Laser en 2008. Ce qui fait dire à Lili Sebesi : “Techniquement, il va leur manquer des compétences s’il y a de l’air. Mais s’il y a peu de vent ou du vent oscillant, je sais que Sarah, avec qui j’ai navigué, est très à l’aise dans ces conditions.”
Quant au duo Tim Mourniac/Lou Berthomieu, engagé en Nacra 17, ““c’est un jeune équipage plein de fraîcheur qui va y aller à fond et peut créer la surprise”, juge Jonathan Lobert. Même chose pour Louise Cervera en ILCA 6 : “Elle est en pleine explosion et a fait de supers résultats cette année, mais c’est encore tout frais”, juge Pierre Le Coq. Et Marie Barrué, qui était à la lutte avec elle pour le ticket olympique d’ajouter : “En terminant 3e sur le championnat d’Europe, elle a prouvé qu’elle était là dans une des séries les plus dures en termes de densité, avec 43 nations représentées sur les grands championnats, contre 20 en kitefoil féminin, par exemple.”
Le mot de la fin est pour cette dernière qui estime que les spécificités du plan d’eau marseillais peuvent rebattre toutes les cartes : “En été, on peut tout avoir, du mistral qui rentre avec un vent soutenu, un thermique qui se lève plus ou moins fort, du courant, des orages avec un vent très très oscillant. Techniquement et stratégiquement, ces Jeux ne vont pas être faciles à naviguer !“
Photo : Sailing Energy