Apivia 4 ans de plus avec Charlie Dalin

Le Sud, enfin ! – L’analyse du Vendée Globe par Yoann Richomme

Chaque semaine pendant le Vendée Globe, le double vainqueur de la Solitaire du Figaro, lauréat de la Route du Rhum 2018 en Class40, livre son analyse tactique et stratégique de la course, en exclusivité pour Tip & Shaft.

Le moment-clé de cette semaine, pour moi, c’est la prise du pouvoir par CharlieApivia s’est emparé des commandes d’abord du fait des problèmes techniques rencontrés par Thomas (Ruyant), qui a dû monter dans son mât et a cassé son foil bâbord, mais aussi en raison de la qualité de la navigation – exceptionnelle – de Charlie.

 

Charlie prend le pouvoir

Quand on regarde sa trace, il y a très peu de déchets. C’est une trajectoire très compliquée à réaliser qui nécessite un niveau de maîtrise élevé pour mener un Imoca toujours dans la bonne direction alors que le vent est instable et qu’il faut manœuvrer souvent.

La stratégie fine dans l’anticyclone et, surtout, la capacité à trouver le bon moment pour être à fond sur les réglages, c’est vraiment la signature de Charlie. Je n’aime pas trop dire ça, mais c’est typique d’un coureur passé par la Solitaire du Figaro : il a le couteau entre les dents aux moments où il faut être dessus. Cela indique une grosse concentration et sûrement peu d’ennuis techniques.

Je pense que Charlie a gagné son premier pari : avoir un bateau polyvalent pour être en tête à Bonne-Espérance. Son deuxième pari, c’est la fiabilité et, pour l’instant, il n’a pas été desservi par sa monture, contrairement à Alex et à Thomas qui ont été fortement ralentis par leurs déboires techniques.

 

Thomas pas trop gêné pour le moment

LinkedOut ne va pas trop souffrir pour l’instant car il y a beaucoup de bâbord amure au programme dans les prochains jours. Thomas va se retrouver en tribord sans foil à partir du 29 novembre dans l’après-midi, une fois que le front sera passé.

Je pense qu’il ne sera pas trop handicapé non plus quand la mer sera chaotique, dans les passages à 35 nœuds, rafales à 45 et 6 mètres de mer, qu’ils vont rencontrer la semaine prochaine (voir ci-dessous). Parce que globalement dans ces conditions, tu oublies le mode vol. Donc tant que c’est fort, ça va aller. Au pire, il aura l’équivalent d’un très bon bateau à dérives.

 

Alex doit tester Hugo Boss

On a vu qu’Alex a emmené avec lui énormément de matériel, sa vidéo dans laquelle il nous présente ses plaques de carbone est parlante. On perçoit à travers ça une expérience des casses, mais aussi probablement une inquiétude sur la fiabilité du bateau. Il y a eu un gros travail de l’équipe à terre pour le conseiller sur les réparations avec le matériel disponible à bord.

Alex vient juste de commencer à bien reprendre de la vitesse et je pense que, globalement, il va être en confiance. Mais, de toutes façons, il a plutôt intérêt à tirer sur son Hugo Boss maintenant pour voir si ça tient. Ça va aller assez facilement pour lui jusqu’au passage du front ; ensuite, dans le premier gros coup de vent, c’est là où il pourra montrer ce qu’il a vraiment dans le ventre.

 

Routage Charlie par Yoann

 

Sainte-Hélène finalement pas si décisif

Derrière, il y a eu plusieurs options entre ceux qui sont partis à l’ouest en rallongeant la route – Bureau Vallée et Initiatives Coeur – ceux qui sont restés au milieu – PRBArkéa PaprecMaître CoQMalizia -, et Yes We Cam à l’est. A l’arrivée, Louis et Sam ont bien joué, parce qu’ils étaient derrière Kevin et Sébastien et qu’ils vont se retrouver juste devant quand ils vont converger. Mais finalement, ils s’en sont tous bien sortis, je ne mettrais pas de mauvaises notes !

Je trouvais au début que la route de Jean Le Cam était super risquée, je ne comprenais pas. Mais, en fait, il va s’en sortir, alors que les routages de ces derniers jours n’étaient pas très favorables à son choix de route. C’est là que je suis admiratif : il a une espèce de vision extérieure assez incroyable, il nous démontre une expérience énorme des situations météo sur cette course. Il s’est sans doute dit que l’anticyclone allait finir par migrer et lui ouvrir la porte doucement, je pense qu’il doit simplifier les situations météo, il ne doit regarder que les grandes lignes, pas les détails.

 

Quatre jours de retard sur 2016 à Bonne-Espérance

Charlie va être dans le vif du sujet des mers du sud à partir de ce soir, et pourrait se rapprocher du record des 24 heures entre samedi et dimanche [536,81 milles par Alex Thomson sur le dernier Vendée Globe, NDLR], avant l’empannage du 30 novembre. Date à laquelle il devrait passer la longitude de Bonne-Espérance après environ 22 jours de mer : c’est très loin du temps de passage de référence de Hugo Boss en 2016 – 17 jours 22 heures.

Confirmation que Sainte-Hélène n’aura pas généré de gros écarts, la flotte devrait être assez compacte derrière Apivia : sur mon routage, je vois LinkedOut à environ 200 milles, le groupe emmené par Bureau Vallée à 350, Yes We Cam à 500, Apicil à 700 ; jusqu’à La Fabrique, on devrait trouver 18 bateaux en 1 000 milles, je pense que c’est assez inhabituel à ce stade du Vendée Globe.

Ce week-end, les concurrents vont évoluer dans des vents portants de 20 à 30 nœuds, avec des rafales à 35. A partir du lundi 30 novembre, ils seront dans le secteur froid de la dépression, ce sera le premier gros coup de vent du sud avec sûrement de nombreux grains, de fortes rafales (jusqu’à 45 nœuds) et une mer grosse (5-6 mètres). Ce sera enfin le grand Sud.

Photo : Jean-Marie Liot / Alea | Portrait : Alexis Courcoux

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