La course à la qualification et à la sélection pour le Vendée Globe 2024 s’est achevée jeudi 13 juin avec l’arrivée du 27e et dernier concurrent de la New York Vendée, Denis Van Weynbergh. Sur les 42 candidats, 2 ne seront pas, sauf dérogation, sur la ligne de départ le 10 novembre prochain, la liste définitive sera connue le 2 juillet. Tip & Shaft vous en dit plus.
La New York Vendée-Les Sables d’Olonne a été remportée samedi dernier par Charlie Dalin, devant Boris Herrmann et Jérémie Beyou. A l’issue de cette transat en solitaire, 42 candidats ont rempli leurs formalités de qualification pour le Vendée Globe. Le suspense n’existait guère, puisque pour valider ce processus (voir l’avis de course), les 9 marins qui ne l’avaient pas encore fait n’avaient qu’à couper la ligne de départ au large de New York.
Le processus de sélection avait quant à lui pour objectif de départager les candidats au cas où ils seraient plus de 40 qualifiés à l’issue de cette New York Vendée. Ce qui est le cas, puisqu’ils sont donc 42, dont 13 n’ayant pas été concernés par cette « course aux milles » car disposant de l’exemption accordée aux bateaux neufs.
Mis à jour sur le site du Vendée Globe, le tableau de sélection a donc livré son verdict : ils sont 39 à « passer le cut », la dernière sur la liste étant Violette Dorange. Dont le père Arnaud, impliqué dans le projet, ne cachait pas sa satisfaction jeudi, juste après l’arrivée de sa fille aux Sables (18e) : “On était encore une douzaine sur la sellette, je faisais mes calculs tous les matins, c’est un gros soulagement. Ça ne peut que nous donner un coup de pouce dans notre recherche de sponsor titre.” 16e de la NY Vendée et 37e du tableau de sélection, Clarisse Crémer nous a de son côté confié : “J’ai l’impression de sortir de trois ans de brouillard ! J’y ai sans cesse pensé pendant la course, c’est vraiment un immense soulagement.”
Pour qui la wild card ?
La 40e place étant réservée à la wild card à discrétion de l’organisateur, la SAEM Vendée, les trois marins en sursis sont dans l’ordre Oliver Heer, 41e, James Harayda, 42e, et François Guiffant, 43e. Ce dernier est de toute façon « hors concours » en ce qui concerne les milles, puisqu’il navigue sur un Imoca mis à l’eau en 2004, la règle d’antériorité imposant que les bateaux aient été lancés à partir de 2005. Ce qui l’avait conduit à demander une dérogation à la SAEM Vendée (acceptée) au cas où il resterait une place parmi les 40.
Une (petite) incertitude demeure sur le cas d’Oliver Heer, en attente d’une décision du jury de The Transat CIC, saisi par la direction de course pour une suspicion d’assistance (voir l’article du Télégramme). “A mon arrivée hier, mon équipe m’a informé que le jury de The Transat CIC avait posé quelques questions pour déterminer s’il y avait un cas d’assistance. Nous coopérons pleinement avec eux“, nous a fait savoir le Suisse ce vendredi.
La sanction encourue si l’assistance est avérée ? “De deux heures à la disqualification, qui reste peu probable”, nous a répondu le président dudit jury, Yves Léglise, qui “attend les conclusions de l’enquêteur désigné”. Cette sanction peut avoir son importance, car si elle est très sévère en pénalité de temps, elle peut conduire Oliver Heer à une arrivée hors délai sur The Transat CIC (il avait coupé la ligne le 17 mai, un peu plus de trois jours avant la fermeture, le 20) et donc à éventuellement le priver des milles acquis sur la course. Ce qui le ferait passer au tableau de sélection derrière James Harayda et François Guiffant.
Or, la SAEM Vendée doit choisir parmi ces trois-là l’heureux récipiendaire de sa wild card. Compte tenu des profils des trois candidats, aucun ne semble se détacher, ce qui pourrait conduire l’organisateur à se fier au tableau de sélection. Interrogée sur le sujet, la SAEM Vendée n’a pas souhaité nous répondre, nous renvoyant à la conférence de presse du 2 juillet à La Roche-sur-Yon, au cours de laquelle sera officialisée la liste des participants. François Guiffant veut y croire : “J’ai montré que je pouvais être là avec un bateau fiable et un petit projet qui est dans l’ADN du Vendée Globe. J’ai fini toutes les courses auxquelles j’ai participé, dans les temps. Maintenant, si ce n’est pas moi, je serai hyper déçu, mais je respecterai la décision.”
Un élargissement peu probable
Le skipper de Partage espère par ailleurs que la SAEM Vendée acceptera finalement de déroger à l’avis de course en acceptant 42 marins. “Au départ, il y avait 56 pré-projets, on n’est plus que 42, ce n’est pas la même chose. Ce serait tellement dommage de laisser sur le carreau deux personnes qui ont mis beaucoup d’énergie en trois ans.” Arnaud Dorange milite également en faveur de cet élargissement : “On espère une dérogation pour ceux qui ne sont pas retenus, parce que quand on voit l’investissement monumental qu’on met dans un tel projet, ça serait vraiment trop triste de les laisser à quai.“
Président de la classe Imoca, Antoine Mermod n’y croit guère : “C’est difficile à accepter pour ceux qui n’y seront pas, mais il faut comprendre que c’est déjà un énorme effort de la part de la SAEM d’avoir élargi à 40. Tout le monde connaissait le règlement qui a été discuté il y a longtemps. C’est aussi la force d’une compétition de respecter ses règles.”
Le verdict sera donc connu le 2 juillet – les deux marins écartés passeront en liste d’attente – tandis que le règlement sera appelé à évoluer en vue de la prochaine édition. “L’objectif de ce processus de sélection était de pousser les skippers à beaucoup naviguer pour être prêts au challenge incroyable que représente le Vendée Globe, ajoute Antoine Mermod. Quand on voit le nombre de milles réalisés par l’ensemble des skippers, avec la 39e qui est à plus de 13 000 milles, on peut dire que la préparation a été extrêmement solide. En revanche, il y a eu des sujets qui ont donné lieu à des polémiques et à des moments de stress, il faudra corriger ce qui n’a pas fonctionné.”
Et le président de l’Imoca d’expliciter : “Il y a le cas des étrangers qui sont désavantagés, parce que c’est plus compliqué pour eux de faire des courses qui sont quasiment toutes basées en France. On a vu avec l’affaire Clarisse Crémer que la maternité n’avait pas été suffisamment intégrée, pareil avec le forfait de Charlie Dalin en fin d’année, il faut tenir compte des blessures ou problèmes médicaux.”
Un règlement qui va évoluer
La classe Imoca a déjà largement réfléchi au sujet puisque, lors de sa dernière assemblée générale en avril, elle a adopté sa proposition pour 2028. “Elle est basée sur un système de points avec une approche sportive mieux respectée par rapport à ce qui existe actuellement, poursuit Antoine Mermod. On a vu que l’assiduité, sans forcément considérer la qualité de cette assiduité, pouvait mener à certaines limites. Côté Imoca, on pense qu’il faut davantage récompenser les skippers qui prennent des risques pour gagner des courses.”
En clair, la classe veut mettre les résultats en haut de la pile des critères, ce que confirme Clarisse Crémer : “Le système actuel crée trop de déséquilibre, avec des gens qui s’arrachent comme jamais et ne sont pas sûrs d’avoir leur place, et d’autres qui n’ont pas grand-chose à faire. Ce n’est pas logique et je ne suis pas sûre que ça soit représentatif des valeurs du Vendée Globe.”
La proposition de l’Imoca supprime par ailleurs la règle de la prime aux bateaux neufs. “Ça a bien fonctionné sur ce cycle, mais la règle a été assez critiquée et impopulaire pour des raisons que l’on retrouve dans d’autres classes, comme en Mini [limitation des budgets et de l’impact écologique, NDLR], explique le président de la classe. Ça ne pénalisera pas pour autant les projets qui investissent dans un bateau neuf et risquent donc de partir plus tard, car celui qui a un bateau neuf a plus de chances de faire rapidement de très bons résultats, qui seront pris en compte.”
La règle a, sur cette campagne, largement profité à Jean Le Cam qui a ainsi pu faire l’économie de la course aux milles – il en comptabilise 3 539, très loin derrière tous. “C’est très compliqué de faire un règlement qui concerne tout le monde, concède Antoine Mermod. Clairement, le système du Vendée Globe 2024 ne s’adressait pas à son type de profil, ça fait vingt ans qu’il court le Vendée Globe, il n’a pas besoin qu’on lui montre le chemin.” Pour éviter que de tels cas particuliers cristallisent des tensions, Antoine Mermod plaide pour davantage de wild cards : “Ça pourrait être une bonne solution pour gérer les quelques cas particuliers.”
Les candidats au Vendée Globe 2028 seront bientôt fixés sur ce nouveau règlement, puisque la SAEM Vendée compte le dévoiler avant le départ de l’édition 2024.
Photo : Fred Olivier / Nefsea / Alea