Imoca Benjamin Ferré

“Un Vendée Globe très riche d’enseignements” – L’analyse du Vendée Globe de Gaston Morvan et Loïs Berrehar

Pendant toute la durée du Vendée Globe, Tip & Shaft vous propose un décryptage de la météo et des trajectoires des 40 solitaires par Loïs Berrehar et Gaston Morvan, respectivement 2e et 3e de la Solitaire du Figaro Paprec 2024, qui se relaient une semaine sur deux. Gaston Morvan est aux commandes ce vendredi pour la toute dernière chronique de ce Vendée Globe.

“Depuis ma dernière chronique il y a une semaine, nous avons eu le droit à une salve d’arrivées, de Nico Lunven à Sam Davies. J’ai forcément été marqué par celles de Benjamin Dutreux et de Clarisse Crémer à La Rochelle, j’avais envisagé l’hypothèse vendredi dernier au vu des conditions annoncées au large des côtes vendéennes, la décision de fermer le chenal était logique, ce n’était pas praticable. Maintenant, je me mets à la place des marins, ça a dû être assez spécial de passer la ligne et de devoir aller à La Rochelle, même si, sur les images que j’ai vues, il y avait de l’ambiance pour les accueillir.

Pour Sam (Davies) et Boris (Herrmann), qui se sont mis en stand-by en attendant le passage de la tempête Herminia, les derniers jours ont également été particuliers, ils ont réussi à trouver un petit créneau pour se lancer dans le golfe de Gascogne, mais c’était chaud, il y a eu des relevés de houle en début de semaine qui sont montés jusqu’à 13 mètres. Je ne sais pas si vous avez vu les images de Sam Goodchild au passage du cap Finisterre dans du vent fort, mais elles étaient assez impressionnantes, ça a dû être stressant de se retrouver à jouer dans des conditions comme ça, sans possibilité de s’échapper à cause de la proximité de la terre. Heureusement, ils sont tous passés sans dommages, mais ça montre une fois de plus que le golfe de Gascogne à cette époque de l’année peut être aussi violent que les dépressions australes.

Duel pour la victoire en dérives 

Les prochains attendus aux Sables sont Romain Attanasio et Yannick Bestaven, hors course depuis son arrêt à Ushuaia, ensuite, on va avoir le verdict pour le groupe des huit qui se battent pour la 15e place. En ce moment, ils sont à l’avant d’un front avec du vent soutenu qui ne va faire que forcir, je pense que les premiers vont réussir à tenir devant ce front jusqu’à l’entrée du golfe de Gascogne, leur objectif doit vraiment être de carburer au max pour cavaler sur de la mer plutôt plate et dans du vent de sud-ouest. Ensuite, ils vont récupérer du vent de nord-ouest derrière le front (voir mon routage de Lazare ci-dessous) pour faire une route assez directe vers Les Sables. Sur la seconde partie du golfe de Gascogne, environ à la longitude de Gijon, ils devraient tomber dans un schéma de dorsale anticyclonique et finir au près dans du médium, voire du tout petit temps dans les dernières heures.

Ce qui va être intéressant, c’est de voir si les foilers vont réussir à creuser suffisamment d’écart dans le front pour se prémunir d’un retour des bateaux à dérives dans la dorsale, sachant que ces derniers sont bien plus à l’aise dans le petit temps. Je suis curieux de voir l’issue, mais à la place de Damien Seguin et d’Alan Roura, je mettrais du charbon maintenant pour creuser un peu sur Benjamin (Ferré) et Tanguy (Le Turquais) et avoir un peu de gras. A priori, la “victoire” pour ce qui est des bateaux à dérives ne devrait pas échapper à l’un de ces deux derniers, car Jean (Le Cam) va être le premier à voir le front lui passer dessus, il devrait donc tomber avant les autres dans du vent de nord-ouest et de la mer formée, et voir ainsi l’écart se creuser. J’ai l’impression que Benjamin est toujours un petit peu plus rapide que Tanguy qui n’a pas toutes ses voiles, et vu les conditions, la polyvalence supérieure de Monnoyeur est à mon avis un atout par rapport à Lazare. On sent que cette histoire de premier bateau à dérives est un vrai enjeu sportif pour eux, d’autant que comme ils sont tous les deux de bons chambreurs, celui qui va gagner va venir chambrer l’autre !

Comme c’est ma dernière chronique de ce Vendée Globe, je vous propose les enseignements que j’en ai tirés en quelques points :

  • L’image marquante pour moi sera celle du passage du Horn de Yoann et Charlie, avec 9 minutes d’écart entre eux. C’est un symbole fort de l’intensité sportive folle de ce Vendée Globe, qui s’est aussi matérialisée par les chronos, avec Charlie sous les 65 jours et le record des 24 heures de Sébastien Simon (615 milles). Cette intensité, à quelques skippers près qui ont parfois été un peu isolés, on l’a retrouvée à tous les niveaux de la flotte, avec des groupes compacts qui ne sont pas lâchés pendant des semaines et des semaines, il y a eu du match partout, du début à la fin.
  • La surprise, c’est indiscutablement Sébastien Simon, c’est lui qui m’a le plus bluffé. On savait que c’était un très bon marin, il a gagné la Solitaire et fait de belles choses en Imoca, mais sa campagne d’avant avait été compliquée, il n’avait pas fait étalage de tout son potentiel. Là, malgré la casse de son foil, il a montré qu’il boxait dans la même catégorie que les deux premiers, avec un budget et une équipe très inférieurs.
  • En termes de communication, je ne vais pas être original, mais Violette Dorange a marqué les esprits. Après, les gens découvrent cet aspect sur ce Vendée, mais ça fait longtemps qu’elle communique de cette façon. Je me souviens que quand elle faisait du Figaro, c’était la seule qui arrivait à bien raconter tout son projet, des entraînements d’hiver à la dernière course de la saison, elle faisait ses propres montages vidéos, c’est vraiment une compétence qu’elle a développée depuis des années. J’ai aussi été marqué par Yoann qui a réussi à laisser la dimension sportive en haut de la pile tout en faisant vivre son projet très proprement. Je pense que son Vendée a été très suivi en interne, il a réussi à engager tous les collaborateurs de ses sponsors. C’est clairement un bel exemple à suivre, il a trouvé un bon équilibre entre performance et communication.
  • Ce Vendée Globe aura été riche d’apprentissages pour quelqu’un qui, comme moi, aspire à prendre le départ du prochain en 2028. Je retiens notamment que le fait d’avoir beaucoup navigué en amont a réduit le nombre de problèmes techniques. On n’en a pas trop parlé, parce que les équipes restent souvent discrètes sur le sujet, mais sur les courses avant le Vendée, il y a eu beaucoup de soucis, notamment de structure, qui ont occasionné de gros chantiers. Mais ça a permis aux skippers d’arriver au départ du tour du monde avec des bateaux éprouvés, sur lesquels ils ont pu tirer.

Aujourd’hui, j’essaie de profiter de l’engouement médiatique actuel autour de la course pour tenter de convaincre des partenaires d’embarquer dans l’aventure et compléter ainsi mon budget, ce qui permettrait d’acheter un bateau et d’officialiser mon projet. Ce qui est certain, c’est que pour ceux qui veulent acquérir un bateau performant, je pense notamment à celui de Yoann qui vient d’être mis sur le marché et va être très courtisé (voir le mercato ci-dessous)il faut vite être prêt à appuyer sur le bouton. Je ne manquerai pas de vous tenir au courant dans Tip & Shaft, bonne fin de Vendée Globe !”

Photo : Pierre Bouras

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