Pendant toute la durée du Vendée Globe, Tip & Shaft vous propose un décryptage de la météo et des trajectoires des 40 solitaires par Loïs Berrehar et Gaston Morvan, respectivement 2e et 3e de la Solitaire du Figaro Paprec 2024, qui se relaieront une semaine sur deux. Pour cette première, les deux marins unissent leurs forces pour raconter comment ils ont vécu aux Sables d’Olonne la semaine précédant le départ et évoquer le scénario météo des premiers jours de course.
Dans quatre ans, Gaston Morvan et Loïs Berrehar seront-ils au départ du Vendée Globe 2028 ? Les deux marins travaillent activement pour, eux qui viennent de tourner la page Figaro, leurs contrats respectifs avec la Région Bretagne et le Crédit Mutuel de Bretagne pour le premier, la Macif pour le second, arrivant à échéance en fin d’année. D’où l’importance pour eux d’être présents aux Sables, à la fois pour s’immerger dans l’ambiance du village, mais également de se montrer.
“Quand tu vois l’engouement, la foule, les pontons qui ne désemplissent pas avec des gens qui font la queue pendant des heures, on se rend compte que la magie opère encore. Le Vendée Globe est la course au large qui draine le plus de monde, le fait de vivre ça donne envie d’être côté mer et non côté terre dans quatre ans. Et pour nous, c’est clairement un endroit intéressant pour rencontrer de potentiels partenaires“, explique Gaston Morvan, qui sera dimanche sur une vedette armée par l’équipe Paprec Arkéa de Yoann Richomme pour commenter le départ.
Pour Loïs Berrehar, l’immersion va plus loin, puisque le deuxième de la dernière Solitaire du Figaro Paprec est le skipper remplaçant de Charlie Dalin sur Macif Santé Prévoyance. “Cela veut dire que j’ai fait toutes les formations – médical, sécurité, montée dans le mât… -, mais que j’ai aussi navigué le plus possible pour être en capacité de prendre le départ. C’est idéal pour moi de vivre cette expérience au sein d’une super équipe avec un marin qui fait partie des favoris et navigue sur une machine incroyable. J’ai pris tout ce que je pouvais.”
Quel peut être l’état d’esprit des 40 skippers à 48 heures du départ ? “Je pense qu’ils doivent forcément ressentir du stress et de l’appréhension, parce que ce n’est pas anodin de faire un tour du monde en solitaire sur ces machines très pointues qui malmènent les bonshommes, mais aussi de l’excitation de la compétition et du fait que ces bateaux sont en même temps hyper grisants”, estime Loïs Berrehar, qui a disputé la Transat Jacques Vabre en Imoca il y a un an avec Romain Attanasio.
Pour Gaston Morvan, qui était lui aussi sur cette Jacques Vabre avec Giancarlo Pedote, “les trois-quatre jours avant le départ sont souvent les plus difficiles à vivre, parce que tu as toujours le petit stress d’oublier quelque chose. Le Vendée Globe ne va pas se gagner là, mais il peut se perdre sur un petit détail que tu as oublié. D’où le soulagement quand tu pars, tu laisses tout ça derrière toi.” Et le soulagement s’annonce d’autant plus fort dimanche, que les conditions du départ s’annoncent particulièrement clémentes.
“Ça retire un poids énorme, confirme ce dernier. L’année dernière, j’ai vu sur la Transat Jacques Vabre la complexité que c’était de faire sauter ton équipe dans l’eau avant le départ quand il y a de la mer et plus de 15-20 nœuds, c’est une grosse source de stress. Même chose pour se placer sur la ligne, c’est beaucoup plus difficile d’anticiper ce que font les autres quand le bateau accélère fort, je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de marins doivent être soulagés.”
C’est également le cas de Loïs Berrehar, puisque c’est lui, qui, pendant la descente du chenal, sera à la barre, à partir de 8h30 dimanche matin, de Macif Santé Prévoyance, pendant que Charlie Dalin sera sur le pont pour partager ce moment fort avec le public et les médias présents à bord. “Je prendrai les commandes du camion, en l’occurrence, je parlerais plutôt d’une Ferrari, on a prévu de sauter à l’eau maximum 10 minutes avec le départ avec le responsable technique, Guillaume Combescure. C’est une responsabilité importante, ça m’arrange forcément d’avoir des conditions plutôt clémentes.”
La météo du départ, dimanche à 13h02 ? “Hier (jeudi), on pouvait se demander si le départ pourrait être lancé comme prévu parce qu’il n’y avait quasiment pas de vent prévu, là, j’ai l’impression qu’un petit flux de sud-est s’installera assez tôt, 5-6 nœuds de sud-est [voir l’image ci-dessus], suffisant pour voir les bateaux partir à l’heure, répond Gaston Morvan. Par contre, je ne pense pas qu’on aura des images d’Imoca en vol.” Selon le Finistérien, “ces conditions pourraient favoriser les bateaux assez légers et polyvalents, notamment ceux à dérives. Certains pourraient avoir leur heure de gloire en pointant en tête après quelques heures, je pense par exemple à une Violette Dorange.”
Cela ne durera sans doute pas très longtemps, puisque, toujours d’après Gaston Morvan, “le vent va rentrer dans la soirée, avec un tronçon dans du portant jusqu’au cap Finisterre, où il va falloir faire les bons choix de voiles et enchaîner pas mal d’empannages, on va voir ceux qui vont faire les bons bords [voir les différents routages ci-dessous]. Le schéma est assez simple, il n’y aura pas de grands choix stratégiques et je ne serais pas étonné de voir les favoris aux avant-postes au cap Finisterre, où le vent va forcir, jusqu’à 25 nœuds. On aura sans doute à ce moment un petit aperçu des comportements des bateaux dans du portant fort.”
Le cap Finisterre devrait être franchi mardi matin par les bateaux de tête, après quoi, Loïs Berrehar prédit “quelques difficultés sur la route, entre le cap Finisterre est les Canaries”, avant d’expliciter : “Ça va être technique, avec des centres dépressionnaires qui viennent desserrer le gradient de pression, donc apporter moins de vent. Ça veut dire qu’il va y avoir des couloirs de vent à exploiter, donc beaucoup d’empannages pour rester dans des zones de vent suffisantes. Pendant ces premiers jours de course, ce sera plus ambiance finesse et réglages que casque lourd et bourrinage. Il va falloir être précis et bon régatier.” Et ce dernier d’ajouter dans un sourire : “Ça peut être pas mal pour Charlie, car il a un bateau plutôt léger et on sait que le skipper est techniquement hyper fort.”
Photo : Lloyd Images / Alea