Dernière course de la saison Imoca, Retour à La Base, dont les arrivées se sont enchaînées depuis samedi dernier et la victoire de Yohann Richomme (Paprec Arkéa), a marqué un pas de plus vers la qualification et la sélection des candidats au Vendée Globe. Où en sont les skippers dans ces processus ? Tip & Shaft fait le point.
Si le Vendée Globe compte aujourd’hui 44 candidats officiels, seulement 40 d’entre eux en prendront le départ le 10 novembre 2024, en vertu de l’avis de course, à charge pour eux de remplir, d’ici la clôture officielle des inscriptions, le 30 juin prochain, les critères de qualification. L’article 9.1 de l’avis de course impose à chaque binôme skipper/bateau “d’avoir pris le départ d’un minimum de deux courses en solitaire (dont une en 2022 ou 2023 ET une en 2024) ET avoir terminé classé au moins l’une de ces deux courses. En outre, le skipper validera sa qualification si son temps de course est inférieur ou égal au temps de course du premier de l’épreuve augmenté de 50%.”
Sur les 44 candidats, ils ne sont que 5 à ne pas avoir rempli à ce jour la première condition : avoir terminé une course sur leur bateau du Vendée Globe en 2022 ou en 2023 dans les temps impartis. Arrivé 30e de Retour à La Base, Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group) a terminé 1h30 au-delà du chrono qui lui aurait permis de passer l’hiver serein. “C’est forcément un peu frustrant, nous a confié le skipper belge. Mais je reste content d’avoir cumulé des milles.” Pour décrocher son sésame, il devra boucler, cette fois dans les temps, une des deux dernières courses qualificatives, The Transat CIC ou New-York-Vendée Les Sables d’Olonne au printemps prochain.
Trois autres marins, Éric Bellion, Charlie Dalin et Phil Sharp, n’ont quant à eux pas pu prendre le départ de Retour à La Base sur leurs bateaux neufs, respectivement mis à l’eau en juin pour les deux premiers, en octobre pour le dernier. Dans le cas de Stand as One, c’est un problème structurel sur la Jacques Vabre qui a contraint Éric Bellion et Martin Le Pape à abandonner, avec l’impossibilité de réparer dans les temps pour rejoindre la Martinique.
Une dérogation à l’article 9.1 précise cependant qu’“en cas d’avarie majeure rencontrée sur la Transat Jacques Vabre 2023 rendant impossible la participation du binôme à la course retour de la Transat Jacques Vabre 2023, l’AO (autorité organisatrice du Vendée Globe, la Saem Vendée) pourra accorder une dérogation et accepter que le départ de la Transat Jacques Vabre 2023 se substitue au départ de la course retour.” Stand as One se trouvant pile dans ce cadre, Eric Bellion nous explique avoir “demandé une dérogation qui a rapidement été acceptée”. Avant d’ajouter, à propos de la suite du processus de qualification : “Je dois terminer au moins l’une des deux courses de l’an prochain, mais je reste plutôt serein. Et de toute façon, si je n’y arrive pas, cela voudra dire que je ne suis pas prêt.”
Phil Sharp ne peut formellement
plus se qualifier
Du côté de Charlie Dalin, c’est un problème de santé qui l’a empêché de courir la Transat Jacques Vabre, dont il a seulement franchi la ligne de départ, et Retour à la Base. Joint par Tip & Shaft, le deuxième du dernier Vendée Globe nous a indiqué : “Nous avons demandé à l’organisation si le cas d’avarie majeure pouvait s’appliquer à mon cas, nous en avons eu la confirmation.” Ce que nous avait d’ailleurs annoncé Hubert Lemonnier, le directeur de course du Vendée Globe, le 27 octobre dernier, quand avait été officialisé le forfait du Havrais.
La Saem Vendée, sollicitée pour cet article, n’a, de son coté, pas souhaité prendre la parole. Comme Éric Bellion, Charlie Dalin devra donc terminer une des deux dernières transats en solitaire au printemps prochain, ce qui lui fait dire : “Je vais devoir naviguer de manière assez raisonnée, ce qui n’est pas dans mes habitudes, afin de sécuriser ma qualification sur la Transat CIC. J’espère y arriver pour pouvoir lâcher un peu plus les chevaux sur le retour.”
Quant à Phil Sharp, qui a dû renoncer à Retour à La Base après une avarie survenue lors du convoyage vers la Martinique, ses chances de qualification sont aujourd’hui formellement très compromises : au regard de l’avis de course, il ne peut plus se qualifier. Le Britannique veut cependant encore y croire : “Le Vendée Globe reste un objectif ferme pour OceansLab. Nous explorons actuellement plusieurs options pour maximiser nos chances d’être sur la ligne de départ.”
13 bateaux neufs
à l’abri de la sélection
Dans la liste des 44, il reste un marin sur le point de boucler la première condition de la qualification : Jean Le Cam, encore en mer sur Retour à La Base. Pour terminer dans un temps “inférieur ou égal au temps de course du premier de l’épreuve augmenté de 50%”, le skipper de Tout commence en Finistère-Armor-lux, dont le chrono a été déclenché au passage de la ligne de départ à Fort-de-France le 6 décembre à 17h41, doit arriver à Lorient avant le 20 décembre à 5h47. Or ce vendredi, son arrivée est attendue dans la nuit du 18 au 19. S’il est dans les temps, il lui faudra, pour valider définitivement sa qualification, juste prendre le départ de The Transat CIC ou New York-Vendée.
Surtout, il sera débarrassé de la pression de la sélection, également appelée “course aux milles” qui, rappelons-le, ne servira que s’il y a plus de 40 candidats ayant bouclé leur inscription au 30 juin prochain. L’article 9.2.2 de l’avis de course prévoit en effet que “les treize premiers bateaux neufs à prendre le départ d’une course de qualification dans les conditions fixées à l’article 9.1 de l’AC ne sont pas soumis à la règle générale de sélection.”
Ce qui sera également le cas de celui ou celle qui, si la Saem Vendée décide de jouer cette carte, recevra la fameuse wild-card “laissée à discrétion de l’autorité organisatrice”.
Le cas particulier
de François Guiffant
Restent donc 26 places disponibles qu’ils sont 30 à convoiter via la fameuse course aux milles. Les heureux élus seront ceux qui, sur les douze courses des Imoca Globe Series retenues, auront comptabilisé le plus grand nombre de milles. Sachant que les coefficients varient selon les épreuves (voir le tableau de l’Imoca) et que les marins peuvent cumuler des milles sur un autre bateau que celui à bord duquel ils disputeront le Vendée Globe. Ce qui a notamment permis à Fabrice Amédéo de conserver les milles acquis sur son Imoca perdu dans un incendie lors de la Route du Rhum.
Le skipper de Nexans-Art et Fenêtres a en revanche été contraint de reprendre à zéro son processus de qualification sur l’ancien bateau de Rodolphe Sépho, il devait donc s’aligner au départ de Retour à La Base. “Pour être sûr de terminer, j’ai adopté une stratégie minimisant les risques. Je suis très content car je suis bien situé dans la course aux milles (14e avec 12 281 milles), que pouvais-je rêver de mieux un an après avoir fait naufrage ?” Dans cette course à la sélection, ils sont un certain nombre désormais à être tirés d’affaire ou presque, ce qui est le cas de Louis Duc, 8e avec 14 202 milles : “Je n’ai aucun stress, si ce n’est celui de casser quelque chose. Il ne me reste plus qu’à prendre le départ de la Transat CIC pour me qualifier.”
Dans cette course aux milles, le cas de François Guiffant est particulier, puisqu’il navigue sur un l’Imoca mis à l’eau en 2004, donc hors jauge pour le Vendée Globe – il faut que les bateaux aient été lancés à partir de 2005. “J’avais fait une demande de dérogation pour qu’il soit autorisé à courir s’il restait une place, cela avait été accepté. Je ne suis donc pas prioritaire, mais je poursuis ma qualification comme les autres, je me dis que j’aurai tout tenté.”
Du mieux pour Clarisse Crémer
et Violette Dorange
Autre cas incertain, celui de Nicolas Troussel qui, a non seulement rétrogradé au classement des milles, puisqu’il a été privé de l’aller-retour entre la métropole et la Martinique suite au retrait de son partenaire Corum L’Épargne fin septembre, mais doit surtout trouver un sponsor. “Même si l’heure tourne, je ne lâche pas le morceau, nous explique-t-il. Le dossier circule toujours dans de nombreuses mains et j’ai des appels tous les jours pour faire avancer le dossier.”
Le cas François Guiffant et cette incertitude autour de Nicolas Troussel font forcément les affaires de celles qui lui succèdent au classement après avoir bouclé la Jacques Vabre et Retour à La Base, Clarisse Crémer (6 022 milles), et Violette Dorange (5 674). La pression est en revanche forte pour Oliver Heer (5 018) et James Harayda (4 697 milles) qui ont perdu gros en cette fin d’année : le premier a vite abandonné sur la Jacques Vabre, le second n’a participé à aucune des deux courses.
Joint par Tip & Shaft, le Britannique relativise : “Tout peut encore arriver d’ici le 1er juillet. Beaucoup de variables peuvent entrer en jeu, comme d’éventuelles casses ou autres imprévus, j’ai encore toutes mes chances.” Les mots de Violette Dorange, “soulagée d’être quasiment qualifiée pour le Vendée Globe”, le rassureront peut-être, la skipper de Devenir confiant : “Pour la sélection, je suis persuadée qu’on n’aura pas besoin de la course aux milles, c’est fort probable que tout le monde parte.”
Verdict le 1er juillet prochain.
Photo : Jean-Louis Carli / Retour à La Base