Jacques Caraës félicite Clarisse Crémer 12e du Vendée Globe

Jacques Caraës : “J’ai besoin de naviguer à nouveau”

Directeur de course du Vendée Globe pour la deuxième fois, Jacques Caraës dresse un premier bilan d’une neuvième édition loin d’être terminée puisque, après les arrivées samedi de Jérémie Beyou et de Romain Attanasio, ils seront encore 11 en mer.

Seulement 8 abandons sur 33 à ce jour, est-ce une surprise pour toi ?
C’est effectivement la première fois qu’on atteint un chiffre aussi élevé de concurrents encore en course, quasiment 80% pour l’instant. Je pense que les bateaux étaient mieux préparés, on le constatait au départ et on voit bien que le seul qui n’a pas du tout préparé son bateau, Sébastien Destremau, n’a pas terminé, il a « jeté » son bateau à l’eau, ça n’a pas marché.

Cet exemple peut-il conduire à revoir les règles de qualification ?
Pour moi, la règle de donner un avantage aux « finishers » du précédent Vendée Globe doit évoluer. Le que fait Sébastien l’ait été en 2016 ne l’a pas incité à beaucoup naviguer. On va en débattre, mais je pense que c’est une clause qui n’existera probablement pas la prochaine fois. Il faut obliger tout le monde à naviguer.

L’avarie la plus sérieuse a touché PRB, en sais-tu plus ce qui lui est arrivé ?
Même si Kevin avait rajouté 200 kilos de renfort, c’était sans doute insuffisant, on sait que c’est un bateau qui, déjà à la base, était un des plus légers, il a ensuite été fortement modifié avec notamment des foils, il était trop fragile. On a aussi vu qu’un des bateaux les plus proches de PRBV&B, a montré des signes de faiblesse, avec une amorce de fissure assez sérieuse sur le pont, il était temps qu’il arrive.

 

On a compté 25 montées dans le mât

Que faire selon toi pour offrir plus garanties sur ces bateaux transformés ?
C’est vrai que quand ces bateaux passent de main en main, on ne sait jamais exactement ce que font les équipes, on n’a pas de fiche technique, comme sur les voitures. Certains enlèvent les ballasts à l’avant, dans la plupart des cas pour alléger le bateau, il faut se méfier de ça, car tu retires de la structure. Avec le jaugeur René Boulaire, on s’est vus jeudi pour recenser tous les problèmes techniques. Il y a eu pas mal de points sensibles : les hooks, les hydrogénérateurs, les anémomètres, un incendie d’électronique, des montées dans les mâts… En tout, on en a compté 25, je ne sais pas si c’est plus qu’avant, je crois qu’il y a quatre ans, on ne le savait pas ! Là, on avait vraiment demandé aux marins de nous prévenir, il y a eu plus de rigueur.Sur la fin du parcours, vous avez conseillé à Maxime Sorel et Armel Tripon de s’abriter de la tempête Justine au nord de l’Espagne, est-ce votre rôle de demander à des marins de freiner ?
C’est notre rôle de s’assurer que le skipper ait toutes les informations et de le prévenir qu’un système actif peut le mettre dans une situation difficile, d’autant plus qu’on savait que le bateau de Maxime avait une cassure sur le pont. Les fichiers annonçaient 12-13 mètres de vagues, c’était de notre devoir de le prévenir. Après, ce n’était pas une obligation, loin de là, on a vu qu’il avait l’air serein et qu’il savait ce qu’il faisait, ce n’était pas la peine d’insister et on n’a rien à lui reprocher.Que penses-tu de la victoire de Yannick Bestaven ?
C’est un beau vainqueur, il ne faut pas oublier qu’il était en tête au cap Horn et qu’il a été leader en temps réel pendant presque un mois, il mérite sa place. Il avait misé sur un bateau plus raisonnable, plus abouti, qu’il n’a pas cherché à booster, une sorte de 4×4 qui passe dans toutes les conditions, l’essai a été transformé. J’ai aussi aimé la sportivité de Charlie, parce que c’est toujours dur de laisser sa place sur une histoire de temps compensatoire, il n’y a pas eu le moindre doute émis de sa part.

Aujourd’hui, dans ma tête, je n’y retourne pas

On a l’impression qu’après ce Vendée Globe, certains veulent revenir à des choix architecturaux moins radicaux, qu’en penses-tu ?
Oui, c’est plutôt la polyvalence qui va être recherchée. Là, on était peut-être parti sur un axe très élitiste, avec des angles et des états de mer très précis, je pense que sur un tour du monde, surtout quand tu fais du VMG descendant avec beaucoup de mer, le foiler avec une version 2 ou 3 de foils n’est pas stable. Et quand les skippers les rentrent, ça ne les aide pas, au contraire, ça leur nuit presque. Peut-être que la solution sera d’avoir une version de foils pour le tour du monde et une autre pour la Route du Rhum.Parlons de l’assistance : les skippers échangent en temps réel en permanence avec la terre, notamment par WhatsApp, ne risque-t-on pas une dérive ?
Effectivement, c’est la première fois que WhatsApp est autant utilisé. Pour nous, à la direction de course, c’est un gros plus en termes de sécurité, on l’a vu avec Kevin qui a envoyé son message à son équipe quand il coulait. Les coureurs peuvent l’utiliser en vocal, c’est très simple d’utilisation et instantané. On avait aussi demandé que la direction de course soit intégrée dans les groupes des teams, certains ont joué le jeu de la confidence technique, je pense à Hugo Boss, d’autres moins, rien n’empêche de toute façon de créer un autre groupe à côté. Donc pour ce qui est sécurité et technique, c’est un plus. Mais c’est vrai que c’est un outil diabolique si tu l’utilises pour tricher et j’espère que personne ne s’en est servi pour faire du routage.Finissons par ton cas personnel, as-tu envie de rempiler dans quatre ans ?
Aujourd’hui, dans ma tête, je n’y retourne pas. C’est aussi pour ça que je ne me suis pas porté candidat pour continuer sur la Route du Rhum. J’ai un bateau classique, Mariquita, dont je vais m’occuper, j’ai besoin de naviguer à nouveau. Après, épauler une équipe de direction de course, pourquoi pas ? Je pense que c’est bien d’ouvrir à d’autres et à des plus jeunes, j’espère que la Fédération française de voile va plus intégrer les adjoints dans les commissions de direction de course.
Photo : Christophe Favreau

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