Pendant toute la durée du Vendée Globe, Tip & Shaft vous propose un décryptage de la météo et des trajectoires des 40 solitaires par Loïs Berrehar et Gaston Morvan, respectivement 2e et 3e de la Solitaire du Figaro Paprec 2024, qui se relaient une semaine sur deux. Loïs Berrehar est aux commandes ce vendredi.
“Le Vendée Globe a donc livré son verdict pour ce qui est de son podium et on peut dire que c’est un très beau trio, avec trois marins qui ont été particulièrement impressionnants, passant tous sous la barre des 70 jours, même des 65 pour Charlie Dalin. J’ai eu le privilège de monter sur l’un des deux semi-rigides de son équipe technique partis l’accueillir sur l’eau mardi matin, ça restera un grand souvenir, les conditions étaient vraiment parfaites, avec ce lever du soleil sur l’horizon, j’ai ressenti beaucoup d’émotion au moment où j’ai vu le bateau pour la première fois et bien évidemment au passage de la ligne. J’ai aussi eu la chance de monter sur le bateau pour féliciter Charlie en personne, c’était fort, juste un beau moment.
Quatre ans après avoir déjà franchi la ligne en tête, il remet ça, avec cette fois la victoire à la clé, ce qui était son unique objectif, c’est quand même un exploit. Charlie était assez ému au moment de recevoir son trophée, je pense que cette victoire, un mix de travail, d’investissement, de talent, doit être une délivrance pour lui qui était obnubilé par ça depuis quatre ans. Elle va sans doute changer pas mal de choses pour lui, il a atteint son graal et n’a désormais plus rien à prouver. Si, il lui reste à gagner la Solitaire du Figaro, je suis sûr qu’il va y retourner un jour (rires) ! Maintenant, le connaissant, je sais qu’il a déjà d’autres objectifs en tête, et notamment celui de prendre sa revanche sur la prochaine Route du Rhum (il a terminé deuxième derrière Thomas Ruyant en 2022).
J’associe bien évidemment Yoann et Seb aux louanges ; comme Charlie, ils ont fait une course de dingue, j’ai été impressionné par le rythme qu’ils ont été capables de mettre, mais en même temps, pour les connaître tous les trois, pas franchement étonné. Pour un postulant au prochain Vendée Globe comme je le suis, la barre est haute, il va falloir du travail pour prétendre un jour arriver proche de leur niveau, c’est avec beaucoup d’humilité que je vais envisager cet objectif.
A titre personnel, comme j’étais le skipper remplaçant de Charlie, j’ai vécu quelques semaines à l’intérieur du projet. C’était une formation condensée, entre ma saison en Figaro et toutes les courses en solitaire au programme cette année, mais à chaque fois que j’ai passé du temps avec l’équipe, que j’ai navigué sur le bateau en entraînement ou en convoyage, j’ai appris énormément de choses, ne serait-ce que parce que Charlie a un fonctionnement en solitaire hyper intéressant. J’ai essayé d’apporter ma petite contribution, mine de rien, j’en retire un peu de satisfaction. Je suis aussi heureux pour Macif qui m’a aussi accompagné ces trois dernières années sur le circuit Figaro.
Pour finir sur ce podium, on a deux bateaux Guillaume Verdier, un Koch Finot-Conq, les designs des trois étaient assez différents, et je trouve que ce n’est pas évident de tirer des conclusions sur le bien-fondé des choix des uns et des autres. La météo a globalement été assez propice à Macif dans la mesure où il n’a jamais eu plus de 40 nœuds, il a souvent réussi à naviguer devant les dépressions. Mais à l’arrivée, il y a très peu d’écart avec Paprec Arkéa, ce qui veut dire que le choix de ce design était aussi bon, on ne peut pas l’enterrer pour si peu de différence sur la ligne d’arrivée. Je me demande si on a encore vu tout le potentiel du bateau de Yoann, il faudra que j’en discute avec lui et avec les architectes, mais c’était vraiment intéressant de voir les différences entre les deux bateaux et surtout la manière avec laquelle ils les exploitaient.
La course n’est pour autant pas finie, puisqu’ils sont encore plus de trente en mer, avec notamment le groupe des sept qui se battent pour la quatrième place. Les écarts se sont un peu creusés cette semaine dans ce groupe, parce que certains sont handicapés, Thomas Ruyant n’a plus de J2, Boris Herrmann a un problème de foil, Paul Meilhat a cassé son étai, ils ont affronté des conditions globalement plus difficiles que le trio de tête, les bateaux souffrent pas mal.
A priori, on se dirige vers un duel Jérémie Beyou/Sam Goodchild pour cette quatrième place, on devrait en connaître l’issue dans une petite semaine. Sur le papier, c’est peut-être moins stimulant de se battre pour terminer au pied du podium, mais connaissant les deux qui sont des compétiteurs acharnés, je ne les imagine pas lâcher mentalement, c’est leur match dans le match, qui va être sympa à suivre jusqu’au bout.
Sur le papier, Charal a un meilleur potentiel pour négocier cette fin de course, mais Sam a montré depuis le début qu’il était capable d’exploiter son bateau au maximum. On le voit en ce moment dans l’alizé qui n’est pas très fort, il peut aussi creuser dans l’anticyclone des Açores qu’ils vont devoir traverser ce week-end avant d’aller choper le train des dépressions. Le schéma météo semble assez similaire à celui des premiers, c’est pareil a priori pour le groupe Clarisse Crémer/Benjamin Dutreux/Sam Davies (voir le routage ci-dessus de Benjamin Dutreux) avec des dépressions qui ont l’air relativement sages, même si c’est un peu tôt pour aller si loin.”
Photo : Mark Lloyd / Alea