Arrivé jeudi à 4h19, Yannick Bestaven, par le jeu des 10 heures et 15 minutes récupérées suite à sa participation au sauvetage de Kevin Escoffier, a remporté la neuvième édition du Vendée Globe. Team manager de l’équipe Maître CoQ, Anne Combier évoque pour Tip & Shaft ce succès que très peu imaginaient avant le départ.
Quels sont les ingrédients de la victoire de Yannick Bestaven ?
Une bonne préparation avec un bateau fiabilisé, une équipe très soudée et très compétente, un skipper qui a beaucoup de talent et de ressources en lui-même qu’il n’imaginait même pas. Et le destin !
Quand tu parles de ressources qu’il n’imaginait pas, à quoi penses-tu ?
Au-delà de son talent de marin, je pense qu’il a réussi à aller au bout de lui-même à certains moments, notamment dans l’océan Indien quand il évoquait sa vie de sanglier et dans la grosse dépression qu’il a affrontée avant le Cap Horn. Mais aussi quand il a fallu faire face aux casses techniques qu’il a su gérer à chaque fois. Ils sont tous allés au bout d’eux-mêmes sur ce Vendée Globe, mais il m’a quand même étonné, dans le bon sens du terme, c’est-à-dire que je suis admirative de ce qu’il est parvenu à faire. Je le voyais dans les cinq premiers, mais je ne m’attendais pas qu’il arrive à s’arracher à ce point pour aller chercher mieux. Je le savais combatif, mais la combativité dont il a fait preuve en mer, tu ne la vois pas quand tu côtoies le marin au quotidien, tu ne vois pas ces instants où il est dos au mur.
Il a notamment été dos au mur quand il a perdu toute son avance et sa place de leader le long des côtes brésiliennes, comment a-t-il fait pour se remobiliser ?
Il y a eu deux périodes très lourdes à gérer, celle après le sauvetage de Kevin (Escoffier) et effectivement celle-là. Quand tu es planté dans une bulle sans vent pendant 48 heures et que tu perds tes 400 milles d’avance, c’est extrêmement compliqué à vivre, mais son équipe n’a pas lâché l’affaire, son préparateur mental, Eric Blondeau, a joué un rôle important aussi, ses enfants, sa famille… Et au bout d’un moment, il est reparti, parce qu’il savait que le Vendée Globe ne serait fini qu’une fois la ligne d’arrivée franchie.
Sur la fin de parcours, il a choisi une option nord peu avant les Açores, était-ce osé ?
Là, c’est tout son talent qui se révèle. Yannick est très bon dans le domaine stratégique, il sait prendre des risques et aller où d’autres ne vont pas, ce n’est pas un mouton. C’était pareil à la fin de l’océan Indien et au début du Pacifique.
Ce succès valide finalement votre choix d’avoir racheté l’ancien Safran en janvier 2019, alors qu’au début, le projet était sur un bateau moins performant (l’ancien Initiatives Coeur, plan Farr de 2006) ?
En toute modestie, c’est moi qui ai décidé de racheter ce bateau qui n’appartient pas à Maître CoQ, parce qu’après l’année 2017 que nous avions courue sur l’ancien Initiatives Cœur, je me suis dit que Yannick ne supporterait de naviguer sur un bateau à dérives, il avait des ambitions sportives élevées. Du coup, j’avais entamé des recherches à la fois pour vendre le bateau et en acheter un autre. Effectivement, c’était un choix payant.
Photo : Jean-Marie Liot/Alea