Yves Auvinet, président de la SAEM Vendée, qui organise le Vendée Globe, a annoncé le mercredi 2 octobre l’élargissement de la liste des inscrits à la prochaine édition du tour du monde à 34 skippers (30 et 4 invitations). Tip & Shaft vous explique comment cette décision a été prise.
Yves Auvinet a fini par céder. Alors qu’il restait jusqu’ici inflexible, s’en tenant à l’avis de course (voir notre article), le président de la SAEM Vendée a finalement décidé d’élargir à 34 – au lieu de 30 – le nombre de places sur le prochain Vendée Globe dont le départ sera donné le 8 novembre 2020. La solution retenue ? 30 inscrits – au lieu de 26 – avec des critères qui restent les mêmes (priorité aux finishers du précédent Vendée Globe et aux nouveaux bateaux, sélection sur le nombre de milles parcourus sur les courses des Imoca Globe Series pour les autres), plus 4 invitations à la discrétion de la SAEM.
Comment son président a-t-il infléchi sa position, lui qui a annoncé la nouvelle jeudi aux skippers lors d’un premier briefing destiné à leur présenter les grandes lignes de l’édition 2020 ? “Pour être franc, j’étais arc-bouté sur les 30 dans la mesure où nous avions sorti le règlement très tôt, nous a-t-il répondu. Après, vous ne pouvez pas ne pas écouter, vous ne pouvez pas laisser des skippers entre deux eaux pendant un an et se préparer sans savoir s’ils pourront partir ou pas, ni laisser des entreprises s’engager sans savoir si elles feront le Vendée Globe. Ce qui m’a aussi fait réfléchir, c’est le nombre des candidatures déposées, 34 à ce jour. Donc j’ai décidé d’élargir pour permettre d’apporter de la sérénité à tout le monde, je voulais que la question soit réglée avant cette réunion du 3 octobre.”
Y a-t-il eu pression de la part de certains skippers ou partenaires, comme Banque Populaire et PRB, partenaires historiques de la voile et du Vendée Globe, mal placés dans la course aux milles (voir la liste ci-dessous) ? “Il y a un certain nombre de gens que je connais bien, donc j’ai discuté avec beaucoup de monde, dont des partenaires, j’ai consulté assez largement depuis trois mois”, répond Yves Auvinet. Kevin Escoffier, skipper de PRB, ne va pas jusqu’à parler de pression : “Bien évidemment, Jean-Jacques Laurent (patron de PRB) et Yves Auvinet en ont parlé, parce qu’ils se voient et se connaissent bien. L’organisation savait pertinemment que ça nous arrangeait de passer à 34, mais à aucun moment, Jean-Jacques n’a mis la pression là-dessus. Au contraire, il m’a toujours dit qu’il fallait qu’on soit irréprochables sur la qualification pour la course. Donc l’objectif reste de se qualifier dans les règles, je n’ai pas spécialement envie de participer au Vendée Globe sur une wild-card”.
Le Malouin le reconnaît tout de même, cette annonce est “un soulagement” pour lui et pour d’autres : “Même si je n’ai jamais douté qu’on réussirait à se qualifier, tu imagines forcément les pires scénarios, et je ne concevais pas que l’organisation annonce à quelqu’un dans huit mois qu’il ne pouvait pas faire le Vendée Globe alors qu’il avait acheté un bateau et engagé des frais. Cette annonce va permettre à tout le monde de naviguer plus sereinement sans avoir le couteau sous la gorge en cas d’abandon au bout de trois jours de course.”
Même son de cloche chez Benjamin Dutreux, dernier au classement des milles parcourus : “C’est un gros soulagement, ça va surtout nous aider à concrétiser des partenariats avec des sponsors qui nous aident déjà et étaient prêts à aller plus loin, mais à condition qu’il y ait un Vendée Globe”. Un peu plus de sérénité aussi chez Isabelle Joschke, 15e : “C’est très appréciable que l’organisateur ait fait l’effort de réfléchir à la question et de prendre cette décision, c’est un geste important, parce que pour les skippers et les sponsors, ce sont de très gros engagements”. La skipper de MACSF précise cependant : “Après, ça ne change pas notre objectif sur la Transat Jacques Vabre qui est avant tout de finir. Parce que si on ne finit pas une course, on dégringole dans le classement des milles, ça ne change donc qu’à moitié la situation.”
La course aux milles devrait en effet rester d’actualité car s’ils sont 34 à avoir déposé leur déclaration de candidature, préalable obligatoire à l’inscription (qui doit être finalisée au 1er juillet 2020), ils devraient être davantage au 1er novembre, date limite du dépôt des candidatures. Trois skippers ont en effet une candidature en cours d’élaboration : le Finlandais Ari Huusela – qui compte déjà 5 600 milles de sélection -, l’Espagnol Didac Costa et le Néo-Zélandais Conrad Colman, ces deux derniers étant des finishers donc pas concernés par la course aux milles. Ari Huusela et Didac Costa nous ont assuré que ce serait chose faite dans les temps. Conrad Colman nous a de son côté indiqué : “Le but est toujours d’avoir un dossier de candidature complet début novembre. Nous sommes en recherche d’un bateau à louer, nous avons plusieurs pistes, mais rien de confirmé.”
Les candidats au prochain Vendée Globe seront donc 36 ou 37 pour 34 places disponibles. Ce qui signifie que certains resteront potentiellement au bord de la de la route le 1er juillet, sous réserves que tous parviennent à boucler leur financement. Ce qui fait dire à Yoann Richomme, qui confirme au passage avoir trouvé un partenaire principal et disposer des deux tiers d’un budget total de 1,5 million d’euros : “C’est clairement la bonne nouvelle qu’on attendait, ça va faciliter les choses, mais ça reste compliqué si on dépasse les 34 inscrits. On ne sait pas trop sur quels critères seront attribuées les wild-cards. Quand je vois la liste des skippers potentiellement au-delà des 30, Sorel, Giraud, Joschke, Escoffier, Crémer, Richomme, Dutreux, on comprend bien qu’ils vont repêcher les gros sponsors historiques en priorité s’ils sont dans ce cas. Pour le reste, c’est plus flou. Est-ce qu’ils ne peuvent pas encore trouver deux-trois places de plus ?“
La réponse d’Yves Auvinet est claire : “Les critères de choix, je vais me les garder pour moi pour l’instant, je prendrai mes responsabilités le moment venu. Quant au chiffre de 34, il est ferme et définitif pour le Vendée Globe 2020″. Car pour le président de la SAEM, pas question de mettre des bateaux ailleurs qu’au ponton d’honneur du Vendée Globe, alors que l’hypothèse d’emplacements dans le port de commerce avait un moment circulé : “J’y suis opposé, ma volonté a toujours été de tout concentrer dans un même lieu pour que la fête soit belle pour tous, public, skippers et partenaires.”
Le ponton du Vendée Globe va donc être aménagé en fonction du nouveau nombre maximum de concurrents. La configuration a été présentée aux skippers jeudi et les emplacements donneront lieu à trois tirages au sort par type de bateaux – nouveaux foilers, anciens foilers, Imoca à dérives – après des travaux de déroctage qui étaient de toute façon prévus, selon Yves Auvinet : “Même dans une configuration à 30, il fallait le faire pour accueillir les nouveaux foilers, plus larges, et permettre de mettre des bateaux à la perpendiculaire sur la droite du ponton.” Coût de ces travaux ? “680 000 euros HT“, précise le président de la SAEM, à la charge du département et de la communauté d’agglomération des Sables d’Olonne.
Les 34 candidats à ce jour :
- 8 skippers d’un bateau neuf : Jérémie Beyou, Charlie Dalin, Thomas Ruyant, Kojiro Shiraishi, Sébastien Simon, Alex Thomson, Armel Tripon, Nicolas Troussel.
- 7 finishers du Vendée Globe 2016 : Fabrice Amedeo, Romain Attanasio, Arnaud Boissières, Louis Burton, Sébastien Destremau, Jean Le Cam, Alan Roura.
- 19 skippers départagés par le nombre de milles : Boris Herrmann, Stéphane Le Diraison, Manu Cousin, 6 550 milles ; Alexia Barrier, 6 250 ; Damien Seguin, 5 900 ; Erik Nigon, 3 600 ; Sam Davies, 2 840 ; Yannick Bestaven, 2 752 ; Giancarlo Pedote, Miranda Merron, Pip Hare, Denis Van Weynbergh, 2 300 ; Maxime Sorel, 2 050 ; Clément Giraud, 2 000 ; Isabelle Joschke, 1 102 ; Kevin Escoffier, Clarisse Crémer, Yoann Richomme, 300 ; Benjamin Dutreux 0.
Les 3 candidatures en cours :
- Conrad Colman et Didac Costa, finishers, Ari Huusela, 5 600 milles.
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Photo : Défi Azimut/Yvan Zedda