Chaque semaine pendant le Vendée Globe Tip & Shaft donne la parole à un expert – skipper, spécialiste météo, membre d’un team, architecte, journaliste… – pour décrypter la course autour du monde. Cette semaine, c’est au tour d’Antoine Gautier, directeur technique des projets Macif, de livrer son analyse.
- Un pacifique tordu : “Les conditions qui attendent les leaders vont être compliquées. La situation sur le Pacifique est particulièrement complexe et évolue rapidement. Il n’y a pas de train de dépression comme dans l’Indien. Les 8-10 prochains jours jusqu’au Horn vont être très intéressants tactiquement. Armel a peut-être réussi un très beau coup en avançant suffisamment vite pour rester dans le flux de nord-ouest sous l’anticyclone. Mais la journée d’aujourd’hui va être décisive, il peut soit s’échapper, soit se faire rattraper. Ça va se jouer à très peu de chose.“
- Pas de hasard : “On peut dire ce qu’on veut sur toutes les incertitudes du Vendée Globe. Mais ce n’est pas un hasard si Armel Le Cléac’h est en tête. C’est le meilleur marin de la flotte, il a la meilleure équipe et c’est un remarquable gestionnaire. Il n’a qu’un seul objectif, c’est de remporter la course, et tout ce qu’il fait va dans ce sens. Sa communication (ou non-communication) est à son image : il ne dit rien, ne donne pas de véritables informations. Les images filmées aux Kerguelen étaient assez révélatrices du bonhomme et de sa manière de naviguer. Très efficace.”
- Première en Tasmanie : “Le choix de Jean-Pierre Dick de passer par le détroit de Bass est très curieux. Quand on sait que les fonds remontent de 3 000 à 150 mètres en 50 milles, qu’il faut naviguer dans des zones où il y a 20 mètres d’eau, on peut se demander si c’était vraiment le meilleur endroit pour être à l’abri. En tout cas, l’option était très engagée, c’est une première dans l’histoire du Vendée Globe et ça a permis de faire de très belles images (rires). Ce qui est intéressant, c’est qu’au final, Yann Eliès a dû se mettre à la cape un moment, et qu’il ne s’est pas échappé. Jean-Pierre l’a même rattrapé de 150 milles et va se retrouver très proche, voire même le dépasser. Mais celui qui réalise la meilleure opération, c’est Jean Le Cam. Il a probablement moins souffert de la dépression avec un placement un peu en arrière, et il a pu en profiter pour recoller aux deux autres.”
- Révélation : “Ces derniers jours de course ont véritablement permis de révéler Thomas Ruyant qui montre toute sa valeur. C’est un skipper très complet, qui ne lâche rien, qui ne se plaint jamais. Il sait faire face aux problèmes, toujours relancer la machine, attaquer malgré les difficultés. Ce bateau n’a jamais été aussi vite qu’avec lui. Je trouve qu’on en parle pas assez. Ce gars à l’étoffe d’un futur grand favori du Vendée Globe. Paul Meilhat apparaît également comme l’autre révélation de cette course. Mais il y a d’autres belles histoires : peu de gens auraient pensé que Sébastien Destremeau ou Alan Roura seraient encore là aujourd’hui. Et pourtant, ils font aussi une très belle course.“
- Où sont les images de mer : “Je suis assez frustré des images que nous recevons. On voit principalement les skippers faire des commentaires sur les conditions depuis l’intérieur des bateaux. On sent bien que ça bouge, mais c’est complètement statique. Jean Le Cam est le seul à avoir pris la peine d’envoyer des images de mer dans la tempête, et elles sont vraiment magnifiques. Il y a réellement quelque chose à développer pour diversifier un peu les plans.“
- Sympathique Thomson : “Alex Thomson a clairement gagné en capital sympathie durant la course. Sa réputation de bourrin casse-bateau ne lui va pas, il mérite bien mieux. Les gens, particulièrement en France, ont été trop sévères avec lui, pas vraiment fair-play. Il n’est pas le seul à avoir eu des avaries. C’est quelqu’un d’enthousiaste et très intéressant. La qualité de ses interventions en vidéo en dit long. Il est en train de remettre les pendules à l’heure. Une victoire de Thomson est ce qui pourrait arriver de mieux au Vendée Globe.“
L’exploit en cours de Coville : “Avec son tableau de marche et une situation assez limpide après l’Equateur, il peut potentiellement boucler son tour en moins de 50 jours ! – même si le conditionnel reste de mise, évidemment. Thomas a fait le meilleur temps de l’histoire entre Bonne Espérance et le Horn, mieux que des voiliers de 40 mètres menés par 12 hommes ! C’est énorme, il met la barre très haut ! Lorsqu’on construisait Macif, trois chiffres nous interpellaient : l’Atlantique en 5 jours, 700 milles en 24 h, et le tour du monde en moins de 50 jours. Thomas pourrait bien réaliser ce dernier exploit.”