Chaque semaine pendant le Vendée Globe Tip & Shaft donne la parole à un expert – skipper, spécialiste météo, membre d’un team, architecte, journaliste… – pour décrypter la course autour du monde. Cette semaine, c’est au tour de Jean-Yves Bernot, l’expert météo qui a préparé les marins de Port-la-Forêt, de livrer son analyse.
- Le record à Bonne-Espérance. “Ils ont eu de bons enchaînements : un départ dans un vent de nord qui les a emmenés facilement jusqu’au Pot-au-noir, un Pot-au-noir facile à passer et une situation de rêve dans l’Atlantique Sud, puisque, une fois sortis de l’alizé de sud-est, ils ont pu attraper une dépression et partir avec. Ce qui est remarquable, c’est que les bateaux vont désormais assez vite pour pouvoir rester longtemps devant cette dépression. Il y a quatre ans, ils auraient profité du front pendant deux jours, alors que là, ils en ont profité pendant une semaine.”
- Alex Thomson leader. La première place occupée par Alex Thomson à la fin de cette troisième semaine n’étonne guère Jean-Yves Bernot : “On lui a fait une réputation de chien fou qui, à mon sens, n’est pas toujours justifiée, car cela fait quelques courses qu’il mène son bateau proprement. Et il a, à mon avis, le bateau le plus abouti au niveau vitesse, en particulier son système de foils, sans doute plus malin que les autres.” Quid de son avarie de foil qui ne semble pas vraiment le handicaper, au point que certains se mettent à en douter ? “Aux grandes vitesses, on dirait que le moignon qui traîne dans l’eau ne fait pas tant de dégâts. En revanche, on voit en ce moment Armel revenir, on a l’impression qu’il souffre un peu plus aux vitesses intermédiaires. Après, je ne vois pas pourquoi il inventerait une avarie, il faut arrêter avec le complotisme imbécile, on en souffre assez ailleurs pour ne pas en souffrir en plus dans la voile !” Reste à savoir si le Gallois va tenir le coup, ce dont Jean-Yves Bernot ne doute guère : “C’est un costaud ! Il faut aussi prendre en compte l’adrénaline de la première place : en tête, on est beaucoup moins fatigué que quand on est derrière.” Que penser justement de la course de ses deux poursuivants, Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse ? “C’est du grand Armel, comme d’habitude. Ça doit d’ailleurs être très angoissant pour Alex de l’avoir derrière lui. Si tu te relâches une seconde, tu l’as sur le dos. Quant à « Jojo », il a bien navigué jusque-là, ces trois-là font vraiment une jolie démonstration.” Le trou est-il fait ? “Pas tant que ça : les trois premiers vont être bloqués pendant deux jours dans une zone de transition, tandis que, derrière, le trio Beyou-Meilhat-Eliès va toucher en premier la nouvelle dépression qui arrive par l’ouest, ils devraient diviser leur retard par deux.”
- La zone d’exclusion des glaces. Pour Jean-Yves Bernot, l’océan Indien s’annonce fidèle à sa réputation : “L’Indien, on l’appelle le tunnel, parce que tu te retrouves coincé entre les hautes pressions au nord et la zone de glaces au sud. Tu prends pleine bille les dépressions qui y passent, avec une mer croisée. Je pense que vers le milieu de la semaine prochaine, la route ne sera pas pavée de roses… Quant à la zone des glaces, on voit qu’elle pose problème actuellement aux leaders : ils pourraient échapper à la zone de transition qu’ils abordent en plongeant au sud, mais ils n’ont pas le droit. Cela étant, il semblerait qu’il y ait beaucoup de glaces, il ne faut pas trop faire le c… avec.”
- Les abandons. Très proche de Vincent Riou qu’il voyait bien gagner, Jean-Yves Bernot se désole de l’abandon du skipper de PRB. Idem pour Morgan Lagravière,dont il salue la performance : “Il était très tendu au début, mais Morgan c’est un guerrier : une fois qu’il est dedans, il ne rigole pas, il l’avait déjà montré en Figaro.”Quid des problèmes d’antennes Fleet que rencontre Jérémie Beyou ? “Ça ne va pas trop le gêner dans le Sud parce que c’est un peu bourrin, mais vachement plus dans la remontée de l’Atlantique.”
- Les bonnes surprises. Jean-Yves Bernot distingue deux bonnes surprises de cette première partie de Vendée Globe : “Avec un bateau pas tout jeune, Thomas Ruyant fait jeu égal avec Jean-Pierre Dick qui a un Imoca extrêmement performant et avec Jean Le Cam qui est un mec très expérimenté, chapeau ! Conrad Colman, qui a de loin un des bateaux les plus lents de la flotte, se débrouille aussi très bien. C’est bien que ces mecs fassent le Vendée, ça leur permet d’émerger et un jour, on leur donnera de très bons bateaux parce qu’ils le méritent.”