L’équipe SVR-Lazartigue a annoncé cette semaine que Franck Cammas serait le co-skipper de Tom Laperche cette année en Ultim, avec au programme le Fastnet, les 24h Ultim et la Transat Café L’Or. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec l’Aixois de 52 ans, qui cherche par ailleurs toujours des partenaires pour lancer son projet Imoca.
Peux-tu nous raconter comment tu t’es retrouvé embarqué dans ce projet SVR-Lazartigue ?
On s’est rencontrés en fin d’année dernière avec Tom à Guidel-Plage, il m’a demandé si j’étais intéressé à l’idée de travailler et naviguer avec lui. Je n’ai pas hésité longtemps, parce que c’était une super proposition pour moi, tous les ingrédients me plaisaient. D’abord, c’est toujours une chance incroyable de naviguer en Ultim, en particulier sur SVR qui est le bateau le plus innovant en termes de conception et a un très fort potentiel. Avec Tom c’est un couple qui peut gagner des courses, j’aimerais bien l’aider à y arriver. Le fait de travailler avec une équipe très active et agile, qui dispose de toutes les compétences en interne pour faire évoluer les choses rapidement d’un point de vue technologique, m’a aussi beaucoup attiré. Il y a dans ce team une volonté d’évolution permanente, des gens qui ne se donnent pas beaucoup de limites, veulent aller de l’avant sans faire la liste des freins, comme certains peuvent le faire.
Quel est ton regard sur l’Ultim SVR-Lazartigue ?
C’est un bateau parti d’une feuille blanche, avec une conception très innovante, ils ont essayé de pousser dans tous les coins qu’ils pouvaient en prenant les bonnes idées autour d’eux et en s’appuyant sur leur expérience du premier Macif. Il est très bien pensé mais on peut le développer encore, il y a plein de gains marginaux à faire. Jusqu’ici, ce n’est pas la performance qui les a empêchés de gagner, mais plus la fiabilité, la mise au point, on voit qu’ils n’ont pas terminé certaines courses, ou terminé avec un bateau endommagé. Ils sont forcément frustrés d’avoir dû renoncer plusieurs fois au Jules Verne cet hiver, mais ils ont appris énormément, et finalement, ils ont beaucoup navigué, notamment dans la brise au portant, ils ont vraiment l’impression d’avoir progressé.
Et que penses-tu pouvoir apporter pour le développer ?
Mon expérience, les idées que j’ai moi-même développées ou observées, mes propres réflexions après mes navigations sur des grands trimarans, qui ont commencé avec Groupama 3, même si ce n’était pas un bateau volant. A chaque fois, j’essaie d’observer pour imaginer ce qu’on peut améliorer. On ne va pas changer les grands éléments du bateau, mais un Ultim reste tellement un vaste puzzle entre les appendices, les formes aérodynamiques et les systèmes, que beaucoup de couches doivent être acquises avant de réussir à bien l’utiliser. Même après plusieurs années, tu ne peux pas dire que tu as réussi à exploiter 100 % du potentiel, donc plus on est à réfléchir pour faire en sorte d’avoir une meilleure fiabilité et de trouver toutes les bonnes options, mieux c’est. C’est vraiment l’objectif de l’équipe, ce qu’ils demandent, c’est un cerveau de plus et un une vision externe, sans vraiment de limites dans ce que je peux proposer.
“Avec Tom, j’ai l’impression
qu’on se ressemble”
C’est un marin extrêmement complet, quelqu’un de très câblé, non seulement pour bien mener le bateau – il l’a prouvé en gagnant la Solitaire du Figaro et sur sa première course en solitaire en Ultim – mais aussi pour développer à terre ce type de bateau. On sait que sur les Ultim, il ne suffit pas d’être un bon navigant, et lui a une vraie bonne compréhension technique du bateau – en tant qu’ingénieur, il a d’ailleurs participé à la conception de certaines pièces -, on sent que ça lui plaît, il est toujours en train de vouloir faire bouger les choses. J’aime bien cet état d’esprit, là-dessus, j’ai l’impression qu’on se ressemble, il a vraiment envie d’avancer et de ne surtout pas rester sur les acquis du bateau, c’est pour ça qu’il est bon. Et j’ai une grande confiance en lui à bord, il est à la fois très calme et très concentré, on sent qu’il maîtrise son sujet.Quand tu regardes son parcours, te retrouves-tu un peu en lui, à savoir qu’il a vite brillé en Figaro avant de passer en trimaran ?
Je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai qu’on peut voir des parallèles, on est tous les deux passés du Figaro au multicoque à peu près au même âge. Lui a en plus la chance d’avoir pu intégrer un team qui avait déjà une belle expérience avec François (Gabart), ça lui permet d’avoir un avenir tout tracé. Maintenant, son objectif est désormais assez clair, il a vraiment envie de gagner, notamment sur la Route du Rhum. Si je peux l’aider, je le ferai parce que je pense que c’est un gars très méritant.
T’inscris-tu dans la perspective d’aller au-delà de cette saison avec lui ?
Je suis très ouvert là-dessus, c’est un cadre de travail excitant. Maintenant, on fera le bilan avec Tom et l’équipe en fin d’année, en espérant qu’on aura récolté quelques médailles. Et comme tu le sais, j’ai un projet par ailleurs, je vais voir où il me mène.
“Je suis un éternel optimiste”
Je suis toujours dans une phase commerciale, il n’y a rien de concret d’un point de vue opérationnel. J’ai toujours dit que mon objectif était de gagner, ça veut dire qu’il faut bien faire les choses en termes de temps et de moyens, je suis en train de chercher les moyens et de faire en sorte que le temps ne se raccourcisse pas trop. J’ai eu de bonnes rencontres, encore cette semaine avec de super boîtes, j’espère que ça va se concrétiser. Je suis un éternel optimiste, donc je ne baisserai pas les bras tant que c’est possible, mais je ne peux malheureusement pas encore t’annoncer un sponsor maintenant.As-tu eu des échanges avec des teams à la recherche de skippers, comme cela a été le cas avec le Team Banque Populaire ?
Comme je te le disais la semaine dernière (voir notre article), j’ai effectivement échangé avec Ronan Lucas (ancien directeur du Team Banque Populaire), mais ça n’a pas été au-delà, parce que je n’avais pas le profil, ils voulaient quelqu’un qui ne soit pas de la même génération qu’Armel (Le Cléac’h, skipper de l’Ultim). Pour le reste, non, je n’ai pas eu de contacts, ce qui est normal car dans la mesure où j’ai annoncé que je voulais un bateau neuf, tous les teams qui en lancent un ont déjà leur skipper. Donc si je viens, ça sera avec un nouveau sponsor dans la voile, c’est d’ailleurs aussi ce qui rend le défi sympa.
Si une bonne nouvelle arrive, as-tu déjà réservé un « slot » de construction et choisi un architecte ?
Le « slot », ce sera compliqué d’en avoir un en France parce que les chantiers sont bien occupés et tant mieux, donc ce sera sans doute à l’étranger, il y a de bonnes solutions en Europe, mais ça ne me fait pas peur en termes de qualité. Il y a beaucoup de beaux bateaux qui se construisent dans certains chantiers, entre ceux de la Coupe, les TP52 et même des Imoca, et ils sont aussi compétitifs en termes de prix par rapport aux chantiers français. Pour ce qui est de l’architecte, l’idée est de chercher une valeur sûre, je ne vais pas prendre de risques là-dessus, disons qu’aujourd’hui, j’ai deux options.
Te mets-tu une dead line ?
Pour lancer la construction, il faudrait le faire avant début juillet, parce que l’objectif est de prendre le départ de The Ocean Race, j’estime que la meilleure option est de disputer cette course en 2027 pour gagner le Vendée Globe derrière. Après, il peut y avoir une réflexion en se disant que si je ne suis pas prêt pour cette échéance, on débutera par le Vendée Globe avant de faire l’édition suivante de The Ocean Race, ce serait dommage de se fermer la porte si des partenaires arrivent plus tard.
Photo : Guillaume Gatefait