La classe Ultim 32/23 a annoncé mercredi que la course autour du monde en solitaire prévue fin 2023 (ex Brest Oceans) aurait bien lieu, avec 5 bateaux déjà pré-inscrits, et un nouvel organisateur, OC Sport Pen Duick. Tip & Shaft vous en dit plus.
A l’origine prévue fin 2019 avant d’être reportée suite aux nombreuses avaries survenues sur la Route du Rhum 2018 – et notamment la perte de Banque Populaire IX – la course autour du monde en solitaire en Ultim est de nouveau sur les rails. C’est le sens de l’annonce qui a été faite mercredi par la classe Ultim 32/23, qui a par ailleurs décidé de s’appuyer sur un nouvel organisateur, OC Sport Pen Duick (déjà à l’oeuvre sur la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro et la Transat Concarneau-Saint-Barthélémy).
Un retour aux affaires pour la filiale du groupe Télégramme qui avait été sortie du jeu au dernier moment fin 2017, ce qui n’avait pas été sans provoquer quelques remous (voir notre article). Le Collectif Ultime (qui deviendra trois mois plus tard la classe Ultim 32/23) avait en effet choisi pour organiser celle qui allait s’appeler Brest Oceans de lancer une SAS, Brest Ultim Sailing, dont le capital était réparti entre le Collectif, les armateurs et Brest’Aim, une société d’économie mixte contrôlée par Brest Métropole.
Après le Rhum 2018, OC Sport Pen Duick a peu à peu repris langue avec la classe pour de nouveau proposer ses services en vue de l’organisation du tour du monde. “Il y a eu un rapprochement en 2019, on a réfléchi à une une possibilité de travailler avec OC Sport et la ville de Brest dans un mode de fonctionnement à trois, mais ça a été compliqué juridiquement de créer cette structure, si bien qu’on est revenus à un modèle plus classique“, raconte Jean-Bernard Le Boucher, qui représentait alors la Macif au sein de la classe et est désormais le nouveau directeur général de la classe Ultim 32/23 (voir ci-dessous).
La classe ne souhaitait plus garder un rôle d’organisateur
“On a toujours cherché des moyens de collaborer avec la classe depuis que le projet a été lancé, ajoute Hervé Favre, président d’OC Sport Pen Duick. On avait eu des échanges avant la dernière édition de la Route du Rhum, on les a repris après, et, à un moment donné, on s’est dit qu’il fallait faire table rase d’un passé qui a été un peu mouvementé pour organiser cet événement ensemble.”
Et si Brest Ultim Sailing, alors dirigée par Emmanuel Bachellerie, a organisé entre-temps Brest Atlantiques fin 2019, la classe a choisi de revenir à un schéma plus classique en ayant recours à un organisateur privé : “On ne souhaitait pas garder ce rôle d’organisateur, et avoir des teams qui soient à la fois participants et organisateurs, c’est un modèle difficile à gérer et c’est un métier différent”, justifie Jean-Bernard Le Boucher.
Ce qui a conduit au choix d’OC Sport, entériné définitivement le 15 juin, aucun autre organisateur n’ayant été contacté. “A l’origine du projet, on en avait sondé plusieurs, mais ça remonte à loin ; là, ça n’a pas été le cas, on a plus été dans une négociation avec OC Sport pendant plusieurs mois”, confirme Jean-Bernard Le Boucher.
Interrogé sur ce changement de paradigme, Emmanuel Bachellerie, toujours directeur général de Brest Ultim Sailing – la SAS, dont le capital est détenu par ce dernier, Sodebo et Actual, a notamment racheté l’ancien Actual Leader pour lequel elle cherche des partenaires – explique : “La cuisine n’est pas importante, ce qui compte, c’est que cet événement ait lieu fin 2023 à la date prévue, parce que ces bateaux ont été pensés dès l’origine pour ce tour du monde, qu’importent les acteurs.”
Un accord à ficeler avec Brest
Ecarté en 2017 par le Collectif, OC Sport Pen Duick revient donc par la grande porte, une sorte de revanche ? “Non, on ne le vit pas comme ça, répond Roland Tresca, directeur général du groupe Télégramme. Mais c’est une belle victoire collective, on arrive aujourd’hui, après peut-être des chemins de traverse qui n’ont pas été des moments faciles, à un résultat extrêmement constructif.”
Dont, nouveauté, Brest ne fait, pour l’instant pas partie, même si la ville reste en pole position pour accueillir l’événement. Ce que confirme Roland Tresca : “Evidemment qu’on choisira Brest en priorité, la ville adhère au projet depuis l’origine. On s’est mis d’accord avec les armateurs et la classe très récemment, c’est normal qu’une collectivité ait besoin d’un peu de temps pour confirmer son souhait. Il y a une volonté commune de faire cette course ensemble, maintenant, il faut qu’on concrétise.”
La balle semble donc dans le camp brestois, où l’on ne s’inquiète pas, comme l’explique à Tip & Shaft son maire François Cuillandre : “La ville et la métropole sont attachées au fait que cette course parte et revienne à Brest. Pour être clair, la période récente a été compliquée, avec le Covid, les élections, nous avons eu le Grand départ du Tour de France, on a beaucoup de salariés en télétravail… mais j’ai eu l’occasion d’échanger avec Edouard Coudurier [patron du groupe Télégramme, NDLR], on va reprendre les discussions et se mettre d’accord.” Autour de quel montant pour accueillir l’épreuve ? “Joker”, répond l’édile brestois, avant d’ajouter : “Il y a aussi d’autres événements, on va notamment relancer la préparation des Fêtes Maritimes en juillet 2024, tout ça est à peser financièrement.”
Le montage du budget de la course va être la priorité des prochains mois des équipes d’OC Sport Pen Duick, un budget estimé par Hervé Favre à “la moitié de celui du Vendée Globe” [qui est de 16 millions d’euros NDLR], il conditionnera sans doute le nom d’une course qui, aujourd’hui, ne s’appelle plus Brest Oceans. “On ne veut pas se bloquer avec le nom, si on trouve un partenaire titre, il rentrera vraisemblablement dans le nom, ça dépendra aussi des négociations avec Brest”, ajoute le patron d’OC Sport.
Sept solitaires espérés
Du côté du plateau, cinq équipes – Sodebo (Thomas Coville), Banque Populaire (Armel Le Cléac’h), Actual (Yves Le Blevec), Brest Ultim Sailing et le Gitana Team (Charles Caudrelier ou Franck Cammas) – ont à ce jour confirmé leur inscription en versant d’ores et déjà la moitié des droits d’inscription (dont nos interlocuteurs n’ont pas voulu nous dévoiler le montant), une sixième devrait suivre, SVR Lazartigue (François Gabart) – “Ils attendent d’être propriétaires formellement du bateau fin août avant de pouvoir vraiment s’engager”, explique Hervé Favre.
La classe et l’organisateur ne désespèrent pas de convaincre Idec Sport de se joindre à la fête. “On les a prévenus avant que le communiqué sorte, mais ils ont toujours beaucoup de mal à nous dire quel est leur programme à long terme. Je suis cependant sûr que le projet va les intéresser, avec Francis Joyon ou non, c’est à eux de le dire”, poursuit le patron d’OC Sport. Directeur marketing et communication d’Idec, Fabrice Thomazeau, joint par Tip & Shaft, répond : “Ce n’est pas à l’ordre du jour actuellement, mais nous ne nous interdisons pas d’y réfléchir.”
Cette participation fait en tout cas dire à Cyril Dardashti, directeur général du Gitana Team : “Etre déjà six dans le jeu en 2021 pour 2023, c’est juste dingue, et surtout, ce ne sont pas des paroles en l’air, le versement de l’acompte est un vrai acte de candidature de toutes les équipes.” Quand bien même le Gitana Team, qui a déjà fait un aller-retour, devra réintégrer la classe, puisqu’il faudra en faire partie pour participer à la course. “C’est un détail, évacue Cyril Dardshti. Et faire partie de la classe, c’est juste respecter un certain nombre de règles, ce n’est pas s’inscrire dans une philosophie que je ne partage pas forcément.”
Des escales techniques autorisées ?
Pour le directeur général du Gitana Team, la priorité est que les teams, qu’ils soient dans ou hors de la classe, soient intégrés aux discussions qui concernent le futur tour du monde, et notamment l’avis de course, en cours d’élaboration et promis par Hervé Favre pour la fin de l’année. Qu’en sait-on aujourd’hui ? Que la course ne sera pas « no limit » : “C’est impensable pour un organisateur d’envoyer ces bateaux en solitaire jouer dans les glaces”, confirme Hervé Favre. Et que sera sans doute prévue la possibilité de s’arrêter pour réparer, sans que cela soit synonyme d’abandon, comme sur le Vendée Globe.
Une règle défendue par Cyril Dardashti : “Les budgets sont tellement importants que t’arrêter parce que tu as touché quelque chose et ne pas pouvoir repartir, ça devient limite pour des partenaires. Et ça ne dénature pas la course : sur la Brest Atlantiques, ça avait même mis du piment dans l’histoire et l’épreuve était restée lisible.”
OC Sport qui, selon Hervé Favre “repart d’une feuille blanche” sur ce projet, a donc un peu plus de deux ans pour organiser cette première course autour du monde en solitaire, mais également la suivante, puisque l’accord avec la classe porte sur deux éditions, en 2023 et 2027.
Photo : Ronan Gladu / Actual