François Gabart a annoncé jeudi son intention de s’élancer en septembre prochain pour un tour du monde en famille de trois ans sur un catamaran de croisière. En son absence, il va confier la direction de son entreprise MerConcept à un duo formé de Cécile Andrieu et Thibault Garin, Tip & Shaft vous en dit plus.
La nouvelle n’est pas à proprement parler une surprise, parce que l’intéressé en avait fait part depuis plusieurs mois à son entourage personnel et professionnel, il l’a officialisée jeudi : dès l’été prochain, François Gabart embarquera pour un tour du monde de trois ans en catamaran et en famille – sa compagne et ses trois enfants de 13, 7 et 5 ans.
Un choix de vie annoncé il y a un an aux équipes de MerConcept et mûrement réfléchi : “J’ai eu la chance de voyager en bateau en famille quand j’étais petit, ça reste une période importante de ma vie, confie-t-il à Tip & Shaft. J’ai toujours eu dans un coin de ma tête de faire ça à mon tour quand j’aurai des enfants. J’estime que c’est le bon moment pour le faire, pour moi et pour MerConcept.” Et celui qui avait déjà organisé la transmission de son rôle de skipper de l’Ultim SVR-Lazartigue à Tom Laperche d’ajouter : “Ce voyage va me permettre de prendre du recul et de revenir dans trois ans avec une autre énergie, un autre regard sur l’entreprise, pour continuer à l’accompagner sur du très long terme, j’aurai plus de valeur ajoutée en ayant eu ce moment de recul.”
Concrètement, le départ sera donné cet été, avec un premier passage en Scandinavie – l’aîné de ses trois garçons vit en Norvège chez sa mère -, un retour à Concarneau en septembre, avant “une traversée de l’Atlantique à peu près en même temps que la Transat Café L’Or, l’année 2026 dans le Pacifique, la Nouvelle-Zélande l’hiver suivant, l’Indien en 2027, l’Afrique du Sud au cours de l’hiver 2027/2028 puis la remontée de l’Atlantique”.
“Cécile et Thibault sont
très complémentaires”
Ce voyage au long cours a conduit François Gabart à organiser son remplacement pendant trois ans à la tête de MerConcept, entreprise qu’il a fondée en 2006 pour accompagner ses projets de course au large. La structure a bien grandi depuis, avec aujourd’hui 70 salariés et un chiffre d’affaires de 14 millions d’euros – 60% dans la course au large, 30% dans la construction, 10% dans la mobilité maritime. Son choix pour diriger l’entreprise en son absence s’est porté sur l’interne et sur un duo, composé de Cécile Andrieu, 37 ans, jusqu’ici directrice des projets course au large, et de Thibault Garin, 39 ans, directeur général adjoint, arrivés respectivement chez MerConcept en 2022 et 2020.“C’est un choix qui s’est fait assez naturellement, commente le vainqueur du Vendée Globe 2012. Cécile et Thibault ont eu des rôles très structurants dans l’entreprise depuis trois et cinq ans, c’est un avantage énorme d’avoir une continuité dans la connaissance de la structure, des équipes et de notre écosystème. Comme je vois très bien la complexité de diriger une entreprise seul, le fait de s’appuyer sur un binôme m’a paru très intéressant. Je sais que Cécile et Thibault sont capables de travailler, de réfléchir et de décider ensemble, ils présentent également l’avantage énorme d’être très complémentaires. Quand j’ai fait la liste de ce qu’il fallait pour MerConcept, ils cochaient toutes les cases.”
Qu’en pensent les intéressés ? “Je suis honoré, fier et reconnaissant de prendre ce rôle de codirecteur général, répond Thibault Garin. Avec Cécile, on se connaît bien, on est effectivement très complémentaires, je n’ai aucun doute que ça va très bien se passer, on va diriger une boîte qui s’appuie sur un socle très solide.” Dans la nouvelle organisation, annoncée aux salariés mardi dernier et qui sera mise en place en juin, ce dernier assurera en particulier le pilotage des équipes et des moyens techniques pour “s’assurer qu’en termes de délai, qualité et performances, on respecte nos engagements”.
Cécile Andrieu sera de son côté “la garante de l’ADN engagement RSE de MerConcept et de la partie innovation”, de la relation avec les partenaires, clients et médias, et du développement de l’entreprise, même si elle précise : “Ce n’est pas une répartition des tâches, mais bien une codirection. Avec Thibault, on a jusqu’ici plutôt été raccord sur la stratégie de l’entreprise et on a plein d’idées pour continuer à la développer dans les trois ans à venir. On veut être d’accord ensemble, c’est aussi le cap que nous a fixé François.” Interrogé sur son rôle pendant son tour du monde, ce dernier précise : “L’idée n’est pas de passer douze heures par jour en visio, je ne vais pas non plus couper le fil. Thibault et Cécile pourront s’appuyer sur moi quand ils en auront besoin. Il y aura un subtil équilibre à trouver entre les aider quand ce sera utile et leur laisser les rênes pour opérer et prendre les décisions. On s’est donné un cap sur les prochaines années, ils ont toutes les cartes en main pour dérouler ce plan.”
De la place pour
un deuxième Imoca
Le plan en question ? En matière de course au large, il est clair : “Etre présent sur la Route du Rhum 2030 dans les trois classes phares, Ultim, Imoca et Ocean Fifty”, répond Cécile Andrieu. Ce qui signifie déjà reconduire les contrats existants, qui arrivent à échéance à l’été 2027 pour l’Ultim SVR Lazartigue, fin 2026 pour l’Imoca Macif Santé Prévoyance et l’Ocean Fifty Upwind by MerConcept. “Nos gros enjeux sont de continuer à gagner des courses et faire ainsi en sorte de satisfaire nos sponsors pour se projeter sur quatre ans de plus”, ajoute-t-elle. Avant de préciser : “Aujourd’hui, on est ouverts à un deuxième projet Imoca. On est en train de définir avec Charlie (Dalin) le type de profil avec qui ça pourrait bien fonctionner, il y a une alchimie à trouver, sachant que jusqu’à présent, nous étions dans une situation de non-concurrence avec trois bateaux de classes différentes, on veut garder le bon équilibre.”Ce deuxième projet, qui nécessiterait “un investissement en termes d’espace”, permettrait en outre de nourrir le pôle construction de MerConcept, qui vient tout juste de livrer l’Imoca Horizon 29 d’Elodie Bonafous (écouter le dernier épisode de Pos. Report). “On aimerait bien refaire un Imoca en 2026”, confirme Thibault Garin, qui, lorsqu’on lui demande si MerConcept a l’ambition un jour de construire un 60 pieds de A à Z, répond : “Non, parce qu’on n’a pas la volonté d’investir dans des étuves ou autoclaves et on est contents de partager le travail avec des chantiers et sous-traitants locaux.” Il ajoute en revanche que les équipes techniques oeuvrent actuellement “sur des safrans et pièces de safrans d’Ultim et des pièces pour un projet qui s’éloigne un peu plus de la course au large et nous permet d’avoir une activité intéressante pour 2025″.
Sur la mobilité maritime enfin, ce dernier précise : “On a développé des compétences autour de deux axes principaux, la propulsion vélique, avec Vela [entreprise cofondée par François Gabart, NDLR] et un projet qu’on est en train de signer avec un grand acteur du milieu, et la mise en place de foils sur des bateaux de travail. On est actuellement plus en phase prospectrice et R&D, on commence à être connus pour cette activité, l’objectif est de développer cette entité de cinq personnes.”
Interrogée sur l’objectif de chiffre d’affaires à trois ans, Cécile Andrieu répond quant à elle : “Notre ambition est de continuer à grandir vers un CA autour de 15 millions d’euros. Le cap fixé avec François est celui d’une entreprise saine et à l’équilibre, avec un fléchage des profits sur des investissements dans l’outil industriel, la prospection et la R&D.” Ce dernier, quand il reviendra à l’été 2028 à l’âge de 45 ans, pourrait-il revenir à la course au large en tant que skipper ? “Je n’en sais rien, je ne veux surtout rien m’interdire. On m’a fait la remarque récemment que Jean Le Cam avait fait son premier Vendée Globe à l’âge que j’aurai dans trois ans, si ça se trouve, je vais enchaîner six Vendée Globe derrière, tout est possible !”
Photo : Qaptur/MerConcept