En stand-by depuis début octobre pour une nouvelle tentative sur le Trophée Jules Verne, Spindrift 2, qui avait dû rebrousser chemin il y a un an après une avarie de safran, a dû repasser fin octobre par la case chantier après un problème sur les nouveaux safrans. Yann Guichard et son équipage de onze marins (voir ci-dessous) seront de retour en stand-by cette semaine, dans l’espoir d’une fenêtre avant mi-décembre. L’occasion pour Tip & Shaft de s’entretenir avec le skipper.
Pourquoi avez-vous dû interrompre votre stand-by fin octobre ?
Nous avons détecté un problème au niveau du tip d’un safran de flotteur qui ne nous permettait pas de naviguer à très haute vitesse et qui aurait surtout engendré une dégradation au bout de quelques jours. Nous avons donc dû remettre les deux safrans en chantier, chez Persico en Italie, parce que tous les chantiers étaient occupés. Vu que ce sont de grosses pièces, ça prend du temps, nous serons de nouveau opérationnels lundi.
N’était-ce pas frustrant à vivre, compte tenu de votre fenêtre limitée cette année ?
C’est sûr que c’est frustrant. Maintenant, dans notre malheur, je me dis que nous serions sans doute partis avec la fenêtre qu’ont eue les Ultim (sur Brest Atlantiques), qui était un peu la seule et qui s’est finalement révélée dramatique dans l’Atlantique Sud avec du près, ce qui nous aurait certainement conduits à faire demi-tour, parce qu’on n’aurait pas été dans des temps acceptables à Bonne-Espérance. Mais c’est vrai que trois semaines d’immobilisation, c’est toujours difficile, d’abord parce que ce n’est pas le genre de bateau sur lequel tu peux aller naviguer à la journée en attendant, ensuite, parce que, au vu de notre planning sportif l’année prochaine, on avait décidé cette année de faire un stand-by plus court. Maintenant, j’espère qu’on va avoir une fenêtre rapidement, ce qui n’est pas le cas à court terme, l’anticyclone des Açores n’est pas à sa place et il n’y a pas vraiment d’alizé.
Allez-vous étirer ce stand-by, initialement prévu sur octobre/novembre ?
Oui, jusqu’à mi-décembre environ et un peu au-delà si on voit une fenêtre trois-quatre jours après. Mais après, si on part fin décembre, 40 jours, ça nous emmène en février, on a déjà un programme prévu à ce moment-là (voir plus bas).
Le bateau, a-t-il changé par rapport à votre tentative de l’année dernière ?
On a juste dû refaire les deux safrans de flotteur suite à la casse de l’année dernière (de la mèche du safran tribord) ; la seule différence, c’est qu’on peut régler le rake. Nous les avons reçus début septembre, donc nous n’avons pas beaucoup navigué cette année, mais on connaît très bien le bateau, je suis assez serein.
Te dis-tu que pour Spindrift 2, c’est l’année ou jamais de décrocher le Trophée Jules Verne ?
Je ne sais pas si c’est l’année ou jamais. Ce sera notre troisième réelle tentative, si on enlève le démâtage avant de couper la ligne (janvier 2018), et la plupart des challengers ont attendu la troisième fois pour battre le record, à part Loïck (Peyron, sur Spindrift 2, alors Banque Populaire V) et son frère (Bruno) qui l’ont fait du premier coup. Ça reste un record difficile à aller chercher, mais ce qui nous conforte, c’est que l’année dernière, nous étions sortis de l’Indien dans les temps d’Idec en ayant eu un Indien moins favorable, ça veut dire que le bateau a le potentiel pour battre le record.
N’as-tu pas peur que si vous n’y arrivez pas cette année, les derniers Ultim, dont certains devraient se lancer l’année prochaine, soient mieux armés pour le faire ?
C’est clair que dans certaines conditions où ils peuvent voler, en-dessous de 22-23 nœuds de vent avec une mer acceptable, ils vont 4 nœuds plus vite que nous. Maintenant, c’est une course d’endurance, on le voit bien sur Brest Atlantiques, il faut aussi avoir de la chance et ne rien toucher. Et dans les conditions que nous avons eues l’année dernière, ils ne seraient pas allés plus vite que nous. Si on n’a pas l’opportunité de partir cette année ou pas la chance de battre le record, ça pourrait être sympa de ne pas être seuls sur la ligne de départ l’année prochaine, les bateaux sont très différents, ça pourrait être une belle histoire.
Ils t’intéressent, ces bateaux volants ?
Oui, c’est intéressant, parce que le vol, c’est dans l’air du temps et que c’est à la pointe de la technologie. Maintenant, on ne fait pas partie de cette classe, nous sommes sur un bateau de records, qui n’est pas fait pour être mené en équipage réduit, même si j’ai fait la Route du Rhum avec. On serait content de participer à des courses avec eux, mais on ne veut pas être limité en nombre d’équipiers, parce que ça n’a pas de sens sur un bateau comme le nôtre. Eux ont des Ultims qui ont été dessinés pour naviguer en solitaire, donc s’ils sont six à bord, ils sont à 100% du potentiel du bateau, alors que nous, si on navigue à six, on n’est pas à 100%, parce que Spindrift fait 23 tonnes contre 14, avec un moment de redressement de 250 tonnes/mètre, contre 150. Donc il faut du monde pour border les voiles, ça n’est pas plus compliqué que ça.
Spindrift fait 23 mètres de large, comme les Ultims, est-ce que ce serait envisageable d’en faire un Ultim en réduisant la longueur de 40 à 32 mètres ?
Non, il resterait très lourd. Quand tu vois notre hauteur de franc-bord par rapport au nouveau Sodebo dans le port de La Trinité, on fait le double ! Le poids resterait là, et, en multicoque, c’est le nerf de la guerre pour voler. Je pense que le bateau serait même mois performant qu’Actual.
Tu parles de repartir éventuellement l’année prochaine, cela veut-il dire que vous comptez garder le bateau ? Il n’y a pas de vente en vue ?
Le programme en 2020 sera forcément différent selon qu’on batte le record ou pas. Maintenant, nous avons la « souplesse » de ne pas avoir un sponsor qui nous guide dans notre trajectoire sportive, c’est un projet d’armateur qui nous permet de choisir les défis qu’on veut relever. L’objectif aujourd’hui, c’est de continuer à faire naviguer le bateau l’année prochaine. Il y a un record qui me passionne et que j’ai vraiment envie de tenter au moins une fois, c’est celui de l’Atlantique (détenu par ce bateau, alors Banque Populaire V, en 3 jours 15 heures), il est compliqué à aller chercher, mais je pense qu’on peut gagner quelques heures.
Tu ne fais plus de régate au large, cela ne te manque pas ?
C’est vrai que j’aime bien aussi me confronter aux autres, c’était le cas en MOD70. Maintenant, si on n’a pas la chance de le faire avec le Maxi, on a cette opportunité de le faire sur des bateaux plus petits, comme le futur TF35.
Parle-nous justement de ce TF35, successeur du D35, avez-vous déjà navigué sur ce nouveau bateau volant ?
Oui, quatre jours, c’est un super bateau, sur lequel le vol est un peu assisté, ça permet de voler tout le temps : à 14 nœuds de vitesse, tu voles au près, au portant… C’est un GC32 passé dans une autre dimension. C’est un challenge super intéressant, en plus, sept équipes ont déjà signé, potentiellement une huitième. Et ce qui est sympa, c’est que ça ne sera pas que sur le Lac (Léman), on va sans doute aller ailleurs en Europe sur la seconde partie de saison en 2020, et à plus long terme, peut-être plus loin pour attirer d’autres équipes.
Quel est le planning pour vous ?
On pourra naviguer sur le bateau zéro en février en Espagne, c’est la raison qui explique qu’on ne peut pas repousser le stand-by après mi-décembre. Ce sont des bateaux très techniques qui demandent beaucoup de mise au point, mais aussi très physiques.
As-tu d’autres projets à plus long terme ?
Je suis déjà bien comblé avec le Maxi et le projet TF35, qui ne le serait pas ? Ce que je sais, c’est que la course en solitaire n’est pas quelque chose qui m’attire. Après, il y a des circuits que je trouve hyper intéressants, comme SailGP, les bateaux sont fantastiques, mais, on ne peut pas tout faire et il faut avoir l’opportunité de pouvoir le faire. Maintenant, on ne ferme la porte à rien, et quand il y a des projets, on regarde, comme on l’a fait avec la Volvo.
Et ça t’a intéressé ?
Je ne vois pas beaucoup de synergie dans ce mix entre la Volvo et l’Imoca, je trouve que ça avait plus de sens quand c’était du one design. La dernière Volvo était vraiment sympa à suivre, je ne suis pas sûr que ce sera le cas la prochaine fois, les équipes qui feront le Vendée Globe 2020 ne pourront pas gagner la Volvo. Après, s’il y avait eu une Volvo en multicoque comme cela avait été évoqué un moment, on aurait certainement regardé de plus près.
L’équipage de Spindrift 2 : Yann Guichard (skipper), Erwan Israël (navigateur), Jacques Guichard (chef de quart/barreur-régleur), Jackson Bouttell (barreur/n°1), Thierry Chabagny (barreur/régleur), Grégory Gendron (barreur/régleur), Xavier Revil (chef de quart/barreur-régleur), Corentin Horeau (barreur/n°1), François Morvan (barreur/régleur), Duncan Späth (barreur/régleur), Erwan Le Roux (chef de quart/barreur-régleur), Benjamin Schwartz (barreur/n°1)
Routeur à terre : Jean-Yves Bernot
Photo : Maxime Horlaville/Spindrift racing
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