Après les Ultimes et Class40, place, cette semaine, aux Imoca et aux Ocean Fifty. 29 duos de ces deux catégories s’élancent dimanche sur le même parcours de 5 800 milles à destination de Fort-de-France, via l’archipel brésilien de Fernando de Noronha. Francis Le Goff, directeur de course, accompagné de son assistant météo Yann Chateau, Jeanne Grégoire, directrice du Pôle Finistère course au large de Port-la-Forêt, Antoine Mermod, président de la classe Imoca, les navigateurs Arthur Le Vaillant, Yoann Richomme et Maxime Sorel, ainsi que le journaliste Jacques Guyader (Ouest-France) livrent leurs pronostics à Tip & Shaft.
22 Imoca seront réunis sur la ligne de départ dimanche, un record pour une année post Vendée Globe – ils étaient 13 en 2017. Favori logique au vu de sa démonstration sur le Fastnet puis lors du Défi Azimut, Apivia (Charlie Dalin/Paul Meilhat) est cité vainqueur par six de nos sept consultants. “Ils ont un avantage psychologique. Le duo est bon, le bateau au top et tous les autres savent qu’ils vont vraiment très vite”, estime Francis Le Goff. “Au près ouvert, le delta avec les autres peut être supérieur à deux nœuds”, confirme Jeanne Grégoire.
D’où provient cette suprématie ? “Ils ont eu la capacité avec MerConcept de détecter très tôt après le Vendée Globe les axes de développement. La base était saine et ils ont vraiment franchi une marche“, répond Yoann Richomme. “Est-ce que certains vont tenir le rythme ou va-t-on assister à un Fastnet bis ?” s’interroge le double vainqueur de la Solitaire du Figaro.
Pour rééditer ce coup-là, ils pourront compter sur des foils jaugés avant le Vendée Globe, donc plus grands. “C’est un plus incontestable, notamment dans le petit medium”, reconnaît Antoine Mermod. Qui ajoute cependant : “Je remarque que des bateaux comme LinkedOut ou les deux 11th Hour, qui ont des foils à la nouvelle jauge, vont très vite également.”
Ces trois bateaux sont d’ailleurs les plus souvent cités sur le podium, à commencer par LinkedOut (Thomas Ruyant/Morgan Lagravière), “valeur sûre” pour tous nos experts. En tête des Imoca Globe Series et sur tous les podiums 2021, 11th Hour Alaka’i complète le trio : “Justine (Mettraux) et SiFi (Simon Fisher) ont une manière de naviguer différente, tout-terrain. Ils peuvent faire des boulettes en stratégie mais ne rechignent jamais à changer une voile ! Quoi qu’il se passe, ils seront là”, assure Jeanne Grégoire.
Beaucoup d’outsiders,
quelques inconnues
Derrière ces trois noms, plane l’ombre de Charal, cité plusieurs fois aux places d’honneur mais jamais comme vainqueur : “On connaît leurs qualités de compétiteurs et ils ont besoin de renouer avec la réussite, juge Yann Château. La fin de parcours entre Fernando de Noronha et la Martinique où il y aura pas mal de portant VMG peut d’ailleurs les avantager“, Charal étant très à l’aise à cette allure.
Au pied des podiums cette année, Arkéa Paprec, qui a beaucoup navigué et progressé, fait aussi partie des outsiders sérieux. Associé à Yann Eliès, à qui la Transat Jacques Vabre a souvent souri (triple vainqueur dont deux fois en Imoca), Sébastien Simon, dont c’est la dernière course avec son sponsor, n’a rien à perdre.
Cette transat sera aussi l’occasion de lever quelques doutes : comment Louis Burton et Davy Beaudart vont-ils tirer parti de Bureau Vallée 3 (ex L’Occitane), dont le potentiel soupçonné reste à démontrer sur 5 800 milles au contact ? Les nouveaux foils de Corum L’Epargne (Nicolas Troussel/Sébastien Josse) vont-ils donner au plan Kouyoumdjian l’aisance dont il manque dans les petits airs ? Et, bien sûr, que peut-on attendre du nouveau 11th Hour Malama (Pascal Bidégorry/Charlie Enright), mis à l’eau en août ?
Evolution d’Apivia et dessiné initialement par Guillaume Verdier pour The Ocean Race, le seul Imoca post Vendée Globe n’a couru que le Défi Azimut (abandon sur la grande course). Mais certains observateurs ont été impressionnés par les images réalisées au large d’Ouessant. “Le bateau a l’air d’être une bombe ! confirme Jacques Guyader. Et lorsque Bidégorry a un bateau rapide entre les mains, ça va souvent au bout…”
Le podium de nos experts : 1. Apivia (Charlie Dalin/Paul Meilhat), 2. LinkedOut (Thomas Ruyant/Morgan Lagravière), 3. 11th Hour Alaka’i (Justine Mettraux/Simon Fisher)
Leyton favori
en Ocean Fifty
Sur le même parcours de 5 800 milles, les 7 Ocean Fifty présents au départ du Havre devraient aussi se livrer à un match de haut niveau. D’autant que la création en 2021 du Pro Sailing Tour, avec une course au large de 1 650 milles entre Toulon et Brest pour finir, a permis aux équipages de bien s’entraîner. “J’ai l’impression que tout le monde a monté le curseur sur la performance au fil de la saison et les régates sont serrées. Ça promet un beau match !” analyse Francis Le Goff.
Un match qui pourrait avoir deux visages selon Arthur Le Vaillant, ancien skipper de Leyton : “Si ça joue côté météo, tout le monde peut gagner d’autant que les décalages se font très vite sur ces bateaux. Si c’est une course de vitesse pure, certains ont prouvé qu’ils étaient plus rapides“. Un peu à la manière d’Apivia en Imoca, Leyton a ainsi fait preuve cette saison d’aisance et de régularité, remportant le Pro Sailing Tour sans laisser une étape à ses adversaires. Très bien préparé, le plan VPLP (ex Ciela Village) mené par Sam Goodchild et Aymeric Chappellier fait l’unanimité de nos pronostiqueurs.
Derrière, le match est très ouvert avec un trio composé d’Arkema 4 (Quentin Vlamynck/Lalou Roucayrol), de Solidaires en Peloton-Arsep (Thibaut Vauchel Camus/Frédéric Duthil) et de Koesio. Construit chez Persico, le dernier des VPLP a été récupéré tard par le triple vainqueur de la Transat Jacques Vabre, Erwan Le Roux, associé pour l’occasion à Xavier Macaire. “Koesio est récent mais Erwan a une telle expérience de ces bateaux que je ne le vois pas très loin du vainqueur”, poursuit Francis Le Goff. “Le bateau a l’air très typé Grand Prix mais le binôme est de haut niveau”, ajoute Maxime Sorel, qui a navigué cette saison avec Gilles Lamiré.
Arkema 4, plus dangereux challenger
de Leyton cette saison
“Même si son bateau est réputé plus lourd, on ne peut pas exclure sur ce type de parcours Thibault Vauchel Camus“, pense quant à lui Jacques Guyader. Ce dernier, qui repart avec Fred Duthil (2e en 2019), a montré notamment lors du dernier acte du Pro Sailing Tour qu’il était toujours à l’aise au large, capable de pousser très fort son plan VPLP. Enfin, si beaucoup de nos consultants avouent méconnaître Quentin Vlamynck, force est de constater que le duo qu’il forme avec son mentor Lalou Roucayrol s’est révélé comme le plus dangereux challenger de Leyton cette saison. Cette Transat Jacques Vabre pourrait être l’occasion de confirmer pour le plan Neyhousser mis à l’eau il y a un an, et de se faire un nom pour son jeune skipper de 29 ans.
Une chose est sûre : si certains routages placent les premiers Ocean Fifty en tête à Fort-de-France devant toutes les autres classes, la course sera beaucoup moins linéaire que l’ancien format brésilien : “Le parcours fait 1 500 milles de plus et le dernier tronçon est inédit. Ce ne sera pas forcément joué à Fernando de Noronha comme par le passé”, prévient Jacques Guyader. Une analyse que partage Arthur Le Vaillant : “C’est un parcours qui comporte beaucoup moins de reaching. Ça peut remettre en selle des bateaux moins puissants et on n’est pas à l’abri d’une surprise…”
Le podium de nos experts : 1. Leyton (Sam Goodchild/Aymeric Chappellier), 2. Arkema 4 (Quentin Vlamynck/Lalou Roucayrol), 3. Koesio (Erwan Le Roux/Xavier Macaire)
Photo : Martin Keruzoré / Leyton Sailing Team