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La Transat Jacques Vabre au crible des routeurs

Le départ de la Transat Jacques Vabre a été donné dimanche dernier du Havre. Après cinq jours de course vendredi, Primonial (Sébastien Rogues/Matthieu Souben) en Multi50, Charal (Jérémie Beyou/Christopher Pratt) en Imoca et Aïna Enfance & Avenir (Aymeric Chappellier/Pierre Leboucher) en Class40 menaient les débatsTip & Shaft revient sur les stratégies météo suivies par les uns et les autres avec trois routeurs, Christian DumardJean-Yves Bernot et Dominic Vittet.

Multi50 : la course redémarre

Favoris de la Transat Jacques Vabre en Multi50 (voir notre article), Thibaut Vauchel-Camus et Frédéric Duthil (Solidaires en peloton ARSEP) ont d’entrée pris les commandes de la flotte, avec une option sud également suivie par leur deux concurrents, Sébastien Rogues/Matthieu Souben (Primonial) et Gilles Lamiré/Antoine Carpentier (Groupe GCA/Mille et un sourires). Changement de décor depuis jeudi, avec une option à l’est à l’approche des Canaries qui a été défavorable aux leaders.

“Ils pensaient en descendant à l’est qu’ils choperaient de l’alizé fort entre les Canaries et la côte marocaine, ils ont été chercher la pression, là où les autres ont misé sur un meilleur angle en bordure de la dorsale anticyclonique, quitte à avoir moins de vent, c’est le choix courbure de la dorsale qui a payé. Pour que l’option est marche, il aurait fallu que les autres soient empétolés, ça n’a pas été le cas“, analyse Jean-Yves Bernot. Gilles Lamiré et Sébastien Rogues ont coupé un peu plus court en jouant la bascule de vent, ça a été payant, parce qu’ils ne se sont pas vraiment arrêtés, il devrait y avoir une soixantaine de milles d’avance pour le duo quand ils croiseront à la sortie des Canaries”, ajoute Christian Dumard qui travaille pour Groupe GCA-Mille et un sourires.

Les trois routeurs estiment cependant que cet écart est loin d’être rédhibitoire pour Solidaires en peloton ARSEP, qu’ils estiment un peu plus rapide que ses deux rivaux. “Normalement, le nombre et la qualité de la flotte t’incitent à plus pousser sur les bateaux, là, comme ils ne sont que trois, Thibaut s’est peut-être dit qu’il valait mieux préserver le bateau pour ne rien casser avant d’attaquer l’alizé au maximum de son potentiel. Je pense qu’ils vont allonger la foulée dans l’alizé”, estime Dominic Vittet. “Dans un jour ou deux, ils seront tous ensemble, c’est bien, ça relance le jeu. Maintenant, l’enjeu est de choisir le point d’entrée du Pot-au-noir entre 27 et 30° ouest. Pour le moment, il n’a pas l’air très très actif, mais la prévision à cinq jours, ça relève de la boule de cristal. Donc je pense qu’ils vont viser le milieu et en approchant, ils choisiront le passage ouest ou est”, conclut Jean-Yves Bernot.

Imoca : l’option ouest a vécu

Si les choix de route ont été très proches en Multi50, la donne a été différente en Imoca avec deux options radicalement opposées, entre partisans d’une route à l’ouest engagée pour aller chercher une bascule de nord-ouest (Hugo BossMaître CoQAdvens for CybersecurityMaliziaBureau Vallée), et ceux qui ont longé le Portugal en espérant que la dorsale anticyclonique ne leur barre pas trop la route (CharalApiviaPRBBanque Populaire11th Hour RacingInitiatives Cœur…).

A l’arrivée, la victoire des sudistes est manifeste, mais était loin d’être jouée, selon nos trois routeurs : “Au départ du Havre, le choix n’était pas tranché, confirme Dominic Vittet. Plusieurs paramètres entraient en jeu dans la décision : il y avait les considérations purement stratégiques, mais aussi des raisons matérielles. Je pense que des bateaux, comme quelques foilers neufs mais aussi ceux qui ont besoin d’engranger du mille, ont préféré la route sud pour préserver le matériel, là où d’autres ont joué l’option ouest plus engagée. On voit quand même que deux nouveaux foilers, Hugo Boss et Advens, n’ont pas hésité à aller chercher ces conditions beaucoup plus difficiles, commente Dominic Vittet. Ce qui étonne d’ailleurs Jean-Yves Bernot : Je ne me serais pas barré sur cette option sur un bateau neuf, je serais resté avec les autres pour m’étalonner et voir comment ça marche”.

Christian Dumard ajoute : Alex Thomson est coutumier de ces routes à l’ouest, peut-être qu’il avait aussi la volonté de tester son bateau, il aura sans doute appris des choses.” Ce dernier se montre en revanche moins étonné du choix du tandem Bestaven-Jourdain sur Maître CoQ : “Au départ, c’était vraiment du 50/50 et Yannick a un bateau extrêmement rapide dans ces conditions « bâtardes ». La critique après-coup est toujours facile, mais il avait de bons arguments pour y aller et il l’a d’ailleurs très bien exécuté, puisqu’il est premier de son groupe.”

Qu’est-ce qui a joué en faveur des sudistes ? “L’option ouest s’est transformée en face nord : la dépression est restée dans l’ouest, ça a été très coûteux d’en faire le tour. Et ceux qui sont partis sur la route sud ont eu une dorsale moins pénalisante que prévu et n’ont pas été beaucoup ralentis”, répond Jean-Yves Bernot. “Le trou de souris est devenu une belle porte”, ajoute Christian Dumard. A l’arrivée, le retard devrait avoisiner 250 milles pour les partisans de l’ouest par rapport aux bateaux de tête, Charal et Apivia.

Qui sont parvenus jeudi, depuis leur entrée dans les alizés à creuser un écart (entre 50 et 80 milles). “Les conditions sont assez favorables aux foilers, je ne pense pas que ce soit dû à des coups météo, même si Charal a un peu mieux joué que les autres, en allant un peu plus dans l’ouest pour profiter de la bascule de vent”, explique Christian Dumard. Pour Dominic Vittet, “les nouveaux foilers vont plus vite, même au portant, on a vu que Charal, après son départ manqué à Etretat, s’est refait la cerise en Manche dans ces conditions de portant, les goélands ont un peu de mal face aux albatros.”

Class40 : tout reste ouvert

Comme il y a deux ans, la régate s’annonce encore passionnante jusqu’au bout en Class40 avec une tête de flotte, composée de six bateaux (Aïna Enfance & AvenirCrosscall Chamonix Mont-BlancMade in MidiLeytonCrédit MutuelLinkt) assez étalée en latéral le long des côtes portugaises, mais en réalité sans doute très peu d’écart selon Christian Dumard : “C’est vraiment ouvert, quand les six premiers vont croiser, je pense qu’ils se tiendront en une petite heure.

Nos trois routeurs soulignent le bon début de course de Kito de Pavant et Achille Nebout qui, sur un bateau moins performant (le Class40 de Jean Galfione, plan Humphreys de 2013, que le duo a récupéré après le démâtage de Made in Midi peu avant le départ), ont réussi à tirer leur épingle du jeu : “C’est intéressant parce que Kito avait déjà pris cette option sud sur la Route du Rhum, le sudiste cherche toujours à gagner vers le sud ! Il a fait son choix assez tôt”, analyse Dominic Vittet, rejoint par Jean-Yves Bernot : “Kito a pris son option tout de suite, sans doute lié au fait que comme il connaît moyennement le bateau, il n’a pas envie de casser.”

Le « Sorcier » de Châtelaillon s’étonne du choix de route à l’ouest du tandem Ian Lipinski/Adrien Hardy sur le nouveau Crédit Mutuel : “Je n’ai pas compris, je ne serais pas parti tout seul avec un bateau neuf, après, il faut voir les priorités de chacun”. Mais Christian Dumard met en avant le potentiel du plan David Raison : “Ils ont eu le courage d’aller sur cette option, et je trouve qu’ils ont très bien géré leur retour de l’ouest, ça veut dire que le bateau a du potentiel et je pense que les conditions à venir lui seront plutôt favorables“.

Photo : Team Charal

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