Transat Jacques Vabre Class40

Imoca/Class40 : la Transat Jacques Vabre au crible des architectes

Après les Ultim et les Ocean Fifty, la Transat Jacques Vabre a livré son podium en Imoca le week-end dernier et en Class40 jeudi après-midi, avec les victoires respectives des duos Thomas Ruyant/Morgan Lagravière (For People) et Ambrogio Beccaria/Nicolas Andrieu (Alla Grande Pirelli). Tip & Shaft a réuni quelques architectes et ingénieurs pour un premier bilan technique de la course.

Imoca : avantage aux plans Koch-Finot Conq

Pour leur première saison sur le circuit Imoca, les plans Koch-Finot Conq ont frappé fort en s’emparant des deux premières places – For People (Thomas Ruyant/Morgan Lagravière) devant Paprec Arkéa (Yoann Richomme/Yann Eliès) – le co-designer des deux bateaux, Antoine Koch, s’adjugeant la troisième marche du podium avec Sam Goodchild sur For The Planet, plan Verdier de 2019 (ex LinkedOut) sur lequel il avait également œuvré.

Tous trois avaient opté pour l’option sud avant Madère, une route plus sage avec un vent plutôt stable et une mer moins formée, ce qui fait dire à David de Prémorel, directeur général de Finot-Conq : “Les bateaux de dernière génération, que ce soit Charal, For People ou Paprec-Arkéa, n’ont pas rencontré les conditions pour lesquelles ils ont été optimisés, à savoir des états de mer formés, avec des carènes fines et plus en V destinées à ralentir le moins possible dans les vagues. Malgré cela, on voit bien qu’un gap commence à se creuser avec ceux de la génération précédente.”

Ce qui explique notamment le choix de route nord de Justine Mettraux et Julien Villion, 6e sur Teamwork.net“Ils ont tenté une option par rapport aux bateaux de nouvelle génération qui ont des modes de fonctionnement un peu plus rapides”, confirme Quentin Lucet, architecte associé de l’agence VPLP Design, qui a dessiné l’ex Charal. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : “Sur la route réellement parcourue, For People est à 19 nœuds et Paprec Arkéa à 18,8 nœuds de moyenne [en 2021, le vainqueur, LinkedOut, sur un parcours cependant différent, avait terminé avec une moyenne réelle, de 15,44 nœuds, NDLR], c’est colossal ! poursuit David de Prémorel. Et sur la portion des alizés, avec un vent autour de 17-18 nœuds, la moyenne est d’environ 23 nœuds.”

Les conditions de la route sud ont également permis à For The Planet, réputé polyvalent, de tirer son épingle du jeu, ce que souligne Antoine Koch : “Au portant, nous avons été très rapides sur mer plate, mais sur les deux derniers jours de course, lorsque l’état de la mer a légèrement augmenté, l’ambiance était complètement différente, que ce soit en termes de vie à bord ou de performances. À chaque fois que l’on se retrouvait bord à bord avec Paprec Arkéa, ils allaient systématiquement plus vite, de 1,5 à 2 nœuds.”

La bataille pour la quatrième place qui s’est jouée entre deux plans Manuard, Initiatives Coeur (Samantha Davies/Jack Bouttell) et Charal (Jérémie Beyou/Franck Cammas), a été remportée de peu par ce dernier, pourtant privé de son mast head zero (grand gennaker) depuis les Canaries (voir l’interview de Franck Cammas ci-dessus). Sam Manuard dresse cependant un bilan positif, observant queJérémie et Franck ont été rapides au près dans des conditions un peu fortes et ont réussi à progresser dans l’utilisation de leur petite voile pour doubler Initiatives Coeur.” Et ce dernier de conclure : Les bateaux ont été poussés, proches des 100%. Il sera intéressant de voir ce qu’ils vont être capables de reproduire en solo.” Début de réponse sur Retour à La Base, qui s’élance jeudi prochain de Fort-de-France.

Class40 : Alla Grande Pirelli reste dominant

Au terme d’un suspense haletant, c’est finalement, comme en Imoca, la route sud qui aura eu le dernier mot en Class40 et mené, jeudi, Alla Grande Pirelli (Ambrogio Beccaria/Nicolas Andrieu) à la victoire sur la deuxième étape de la Transat Jacques Vabre (et au général), devant deux partisans de l’option nord, Crédit Mutuel (Ian Lipinski/Antoine Carpentier) et Amarris (Achille Nebout/Gildas Mahé). Au cumul des deux étapes, ce dernier termine deuxième au général – Crédit Mutuel avait démâté entre Le Havre et Lorient – devant IBSA(Alberto Bona/Pablo Santurde).

Pour Lionel Huetz, ingénieur et docteur en hydrodynamique au sein du cabinet Marc Lombard Yacht Design Group, qui a dessiné, entre autres, le Lift V2 Amarris, “la course est assez difficile à analyser, parce qu’on a vu des bateaux très rapides dans leurs points faibles et parfois moins sur leurs points forts. On s’attendait par exemple à ce qu’Alla Grande Pirelli soit supérieur dans le médium au portant, or IBSA est parvenu à faire jeu égal pendant une semaine.” 

Les écarts de performances sont assez faibles, convient Gianluca Guelfi, l’architecte du Musa 40 (Alla Grande Pirelli, Influence 2 et Acrobatica). La jauge étant assez restreinte, on ne peut faire que de petites évolutions sur les formes de carène.” Le Musa 40 a toutefois confirmé sa polyvalence.Il n’a pas de trous et n’est jamais pris en défaut de vitesse par rapport aux autres. Psychologiquement, ça permet de mener une course à l’attaque”, poursuit son architecte italien. Lionel Huetz note de son côté : “Ils ont aussi été très bons en préparation, leur plan de voilure est notamment hyper abouti. Ils n’ont pas d’enrouleur sur le J1, et dans le vent fort, c’est un avantage car tout le poids de la voile est sur le pont. On a vu au départ que ça faisait la différence.”

L’ingénieur du cabinet Lombard, satisfait de voir Amarris terminer deuxième – “Malgré la blessure de Gildas Mahé dans un planté dans une vague il y a quelques jours, ils ont réussi à dépasser Influence 2 et à être rapides jusqu’à l’arrivée” – souligne également la course incroyable de Crédit Mutuel, le plus ancien scow de la tête de flotte (2019), remâté juste avant le départ”. Ce plan Raison “est assez à l’aise quand il y a de la mer et du vent fort, ce qui explique en partie pourquoi Ian et Antoine sont partis au nord chercher les conditions pour lesquelles le bateau avait été dessiné”, complète Erwan Tymen, responsable du projet du Pogo S4, plan Verdier construit chez Structures.

Les Pogo S4, s’ils ne terminent pas sur le podium, se défendent bien, avec les 4e et 6e places au général d’Everial (Erwan Le Draoulec/Tanguy Leglatin) et de Groupe Snef (Xavier Macaire et Pierre Leboucher), ces derniers ayant opté pour une route intermédiaire à 900 milles de l’arrivée pour finalement se retrouver piégés dans la molle. “C’est forcément décevant car ils ont fait une partie de la course en tête, réagit Erwan Tymen. C’était un choix engagé de leur part pour opter pour la route nord alors qu’ils avaient une position très sud après les Canaries.”

Photo : Jean-Louis Carli / Alea

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧