Transat Jacques Vabre

Francis Le Goff : “Des parcours qui permettent plus de jeu stratégique”

Les quatre parcours de la Transat Café L’Or 2025 ont été présentés jeudi matin à la presse au siège parisien de JDE, partenaire fondateur de la course. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec son directeur de course, Francis Le Goff.

Dans la première séquence du film Le Monstre, diffusé lors du Sailorz Film Festival 2024, on te voit dire que tu veux arrêter la direction de course, tant les histoires de report du départ ont été compliquées à gérer avec les classes, qu’est-ce qui t’a finalement poussé à rempiler ?
C’est vrai que sur cette dernière édition, on a pris des coups, certains normaux parce que c’est la météo qui décide et notre boulot est de s’adapter, d’autres venant de gens qui ne comprenaient pas ou ne voulaient pas comprendre. Et c’est vrai que ça m’avait conduit à me demander si, véritablement, j’avais besoin de m’infliger ça. Maintenant, une fois cet épisode passé, deux raisons principales m’ont convaincu de rempiler : d’abord le fait d’avoir vu l’engagement des gens en Martinique qui se sont vraiment mobilisés pour que ça se passe bien, deux ans après une première édition sur laquelle on avait tous pris une « ratatinée » à cause des émeutes ; ensuite, le fait que cette transat parte du Havre, ville à laquelle je suis très attaché et que j’ai encore envie de voir briller. Mais ça n’a pas été direct, j’ai pris le temps de repenser à tout ça avant de me dire que j’y retournais.

Ces histoires, tu y as encore eu droit, puisque vous auriez dû dévoiler les parcours lors de la conférence de presse officialisant le changement de nom en décembre (voir notre article), ce qui n’a pas été possible en raison de désaccords entre les classes, peux-tu nous raconter ce qui s’est passé ?
Pour nous, il n’y avait a priori pas de complexité. Pour t’expliquer comment ça se passe, avec Yann Chateau (adjoint à la direction de course), on prend dans un premier temps en considération les desiderata des organisateurs. En l’occurrence, ils nous disent qu’ils veulent que la Transat Café L’Or reste la plus longue, qu’elle ne ressemble pas à la Route du Rhum, et que trois classes, Ultim, Imoca et Ocean Fifty, arrivent sensiblement en même temps. A partir de là, on propose des parcours – qui ne sont pas ceux qu’on a dévoilés aujourd’hui et étaient proches de ceux initialement prévus en 2023 – avec plus de milles que les autres courses, du sud dans la route, environ 14 jours pour les premiers. Et on pousse ça aux classes. Qui ont alors toutes une bonne raison de dire que ça ne leur convient pas, sachant qu’en toile de fond, le problème est toujours le même, à savoir que chaque classe veut arriver la première en Martinique. Maintenant, dans une course multi-classes, l’organisateur doit forcément être à l’écoute, il a donc fallu trouver des solutions pour satisfaire tout le monde et Gildas (Gautier, co-directeur de la course) nous a demandé de resserrer le parcours pour faire en sorte que, sur le papier, on ait les trois vainqueurs dans la même journée. Ce qu’on a fait, avec finalement une transat plus courte sur laquelle on a fait tourner dix ans de routage ; dans quatre cas, les Imoca arrivent les premiers, contre trois pour les Ultim et autant pour les Ocean Fifty !

“Une vingtaine de bateaux
sur la Transat Paprec”

Finalement, ça donne des parcours et surtout une durée (11-12 jours) qui diffèrent certes de la Route du Rhum, mais s’en rapprochent, on ne perd pas un peu l’ADN de la Transat Café L’Or ?
Te dire le contraire serait mentir. Maintenant, c’est déjà dû au fait d’aller en Martinique, si on allait au Brésil, la question ne se poserait pas et le Pot-au-noir serait pour tout le monde. Mais on a quand même réussi à maintenir des waypoints pour faire un peu de sud. Finalement, le meilleur argument qu’ont pu avancer les Class40 et les Imoca, c’est le fait que ces parcours permettent plus de jeu stratégique, avec des routes différentes, comme on a pu le voir en 2023, avec notamment l’option plus nord de Justine Mettraux ou de plusieurs Class40. On a été assez sensibles à cet aspect.Avant la Transat Café L’Or, tu officieras sur la Transat Paprec, comment se présente cette édition ? Et as-tu d’autres courses dans ton portefeuille ?
Le passage au format mixte a été ambitieux de la part d’OC Sport et surtout de Paprec, qui a vraiment insisté pour que ce soit le cas. On a entendu beaucoup de gens nous dire qu’on allait se planter, qu’il ne fallait pas imposer les choses. A l’arrivée, on a aujourd’hui 24 projets déclarés ; on va peut-être en perdre 20%, mais on devrait avoir une vingtaine de bateaux, le double par rapport à 2023, ce qui est une belle réussite pour cette transat à laquelle je suis très attaché. Après, fort de mon expérience sur les JO l’an dernier, je vais travailler en juillet sur le départ de la Tall Ship Race au Havre, on va essayer de faire une belle parade.

“Les JO ? Une forme de fierté”

A propos des JO, dont tu as dirigé la parade fluviale de la cérémonie d’ouverture, que t’a apporté cette expérience ?
J’ai appris énormément de choses, notamment en ce qui concerne tous les plans de contingence qu’on a mis en place. Pour moi, au début, c’était un gros mot, je ne savais pas trop ce que ça voulait dire ; en fait, en permanence, tu dois imaginer des scénarios et trouver des solutions. Ça reste des choses inscrites sur un papier, mais quand ça t’arrive, comme la pluie lors de la cérémonie, tu as un paquet de réponses, et surtout, tout l’environnement est au courant de ce qui va se passer et travaille à l’unisson. Je me souviens m’être retrouvé seul devant plus de 100 personnes dans l’énorme amphi du Conseil économique et social, sous le feu des questions du CIO qui me demandait : “Monsieur Le Goff, qu’avez-vous prévu si telle ou telle chose arrive ?” Mais tout ça, on l’avait travaillé en amont, donc j’avais les réponses. C’est vraiment une bonne leçon que j’en ai tirée, il faut d’ailleurs qu’on arrive à davantage institutionnaliser ça sur les grandes courses, ce que je m’attache à faire pour la Transat Café L’Or. Après, à titre plus personnel, je retiens la satisfaction du travail accompli. Quand tu as amarré le dernier bateau, que tu sais que tout le monde est sorti et que tu n’as pas bousillé un seul tableau artistique, et que tu es devant ton pupitre, un peu surélevé comme un maître d’école, avec autour de toi toute la salle – le GIGN, la BRI, le RAID, la brigade fluviale, les services de l’Etat, la Mairie de Paris et j’en passe – qui se lève et t’applaudit, tu en tires forcément une forme de fierté.C’est la mission la plus dure que tu aies accomplie ?
Non, c’est très complexe et je t’avoue que parfois, je me suis dit que j’allais faire demi-tour. Quand tu sors de la BRI, que les mecs t’ont déroulé le scénario du gars qui, depuis un toit, dessoude 15 personnes sur un bateau qui se retrouve en travers du fleuve, et qu’ils te demandent comment on gère, tu te poses des questions. Mais au départ, ça reste des bateaux à moteur avec des mecs qui trimballent toute l’année des passagers sur la Seine et connaissent leur métier. Pour moi, les courses à la voile, c’est plus difficile. Le Rhum, par exemple, c’est hyper dur : quand tu donnes le départ avec 120 bateaux sur la ligne, le stress n’est pas le même.

Photo : Alea / Transat Jacques Vabre

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