Audrey Ogereau

Audrey Ogereau : “J’aime sortir de ma zone de confort”

Issue de la filière olympique, Audrey Ogereau, 30 ans, découvre le large, en Ocean Fifty aux côtés d’Erwan Le Roux sur Koesio. Après des victoires sur le Pro Sailing Tour et The Arch Sailing Race, le duo mixte visera la gagne sur la Transat Jacques Vabre. La navigatrice raconte sa reconversion à Tip & Shaft

Peux-tu nous présenter les grandes lignes de ton parcours ?
Je suis issue des petits supports, de la voile inshore. Comme beaucoup, j’ai commencé par de l’Optimist puis j’ai évolué en catamaran, en suivant la filière jeune en Hobie Cat 16 avec Manon Audinet. Puis j’ai navigué en Nacra 17 avec Matthieu Vandame, nous avons suivi une préparation olympique de 2012 à 2015. Ensuite, j’ai fait une pause pour finir mes études d’ingénieure. Je suis revenue avec Oman Sail pour le Tour Voile 2019 en Diam 24. J’ai à nouveau dû m’arrêter à cause du Covid qui a mis un coup d’arrêt à beaucoup de projets.

Comment as-tu eu l’opportunité d’embarquer sur l’Ocean Fifty Koesio d’Erwan Le Roux la saison dernière ? 

Grâce à une belle coïncidence. J’en avais un peu marre de mon travail d’ingénieure (dans une société de conseil)j’avais besoin de retourner sur l’eau. Je connaissais Sandrine Pelletier, qui gère le projet d’Erwan. Ce dernier cherchait des équipiers et des équipières pour naviguer à bord de Koesio, Sandrine a pensé à moi. C’est tombé pile au moment où je voulais renaviguer, j’ai accepté sans hésiter. L’année dernière, je travaillais encore, donc je prenais sur mes congés. La saison 2022 m’a permis de découvrir l’Ocean Fifty, d’apprivoiser le support sans pression. En février dernier, j’ai arrêté mon job, je me suis rendue disponible à 100 % et Erwan m’a embarquée pour l’intégralité du Pro Sailing Tour.

 

L’Ocean Fifty est un gros
Diam avec des foils”

 

C’est sur ce circuit que tu as vraiment découvert le large ? 

Oui. Avant cela, je n’avais passé qu’une seule nuit en mer en course. C’était avec mon père, j’avais dix ans et je m’en souviens à peine. Le Pro Sailing Tour a été ma vraie découverte du large. C’était la première fois que je ne voyais pas la côte pendant si longtemps. La dernière étape (entre Alghero en Sardaigne et Brest) a duré six jours. La gestion du sommeil n’a pas été compliquée pour moi. À terre, j’ai l’habitude d’avoir un rythme intense, de ne pas dormir assez par rapport aux besoins de mon organisme. Je fais des siestes dans la journée, je m’endors facilement n’importe où. Au large, j’avais surtout peur d’être malade, sur ce bateau, on a peu de visibilité sur l’avant et de nuit, c’est encore plus particulier. Il n’y a pas eu de problème au final. La grande nouveauté a été de gérer les réglages de nuit, les risques de collision, la cartographie, les options de routage… Mais globalement, ça reste un bateau, on s’habitue à tout et je sais à peu près faire de la régate. L’Ocean Fifty est un gros Diam avec des foils.

Ce déclic pour la navigation au large est-il survenu au contact d’Erwan Le Roux ou était-il déjà ancré en toi ? 

Ma carrière inshore me convenait bien, je ne pensais pas forcément faire du large un jour, mais j’ai commencé à y réfléchir en 2020, lors de l’événement Marins des cimes à la montagne, avec Sam Davies et d’autres navigatrices. Elles m’avaient donné l’envie du large et de toute la partie technique qui l’entoure. Le Covid m’a fait penser à autre chose et finalement, Erwan m’a redonné l’idée, c’est en discutant avec lui que je me suis dit : pourquoi pas ? J’aime apprendre des nouvelles choses et sortir de ma zone de confort. La classe Ocean Fifty est intéressante car il y a à la fois des régates inshore et offshore. Cela me permet de retrouver ce que je sais bien faire, et aussi d’apprendre un nouvel exercice. Ce programme me convient parfaitement.

Comment gères-tu le stress en navigation, forcément plus présent sur un multicoque océanique de 50 pieds ?

Effectivement, les conséquences d’un chavirage sont bien plus importantes en Ocean Fifty qu’en Nacra 17 ou en Diam 24. Sur le long terme, c’est une charge stressante qu’on a toujours en tête. Ça met de la pression, mais c’est aussi ce qui est excitant. Même les skippers les plus expérimentés ressentent ce stress, cela me permet de relativiser. C’est très rassurant de naviguer avec Erwan, du fait de son expérience au large sur ce support. Je ne serais pas partie avec n’importe qui.

“Les planètes s’alignent”

 

Comment abordes-tu le défi de la Transat Jacques Vabre aux côtés de ce marin très chevronné ?

Le Pro Sailing Tour et The Arch ont permis de valider notre duo, même si on naviguait en équipage. On a bien matché en naviguant ensemble. On s’entend bien, on est complémentaires. On communique bien, on échange efficacement, ce qui est pour moi essentiel. Quand Erwan m’a proposé de participer à la Transat Jacques Vabre avec lui, j’ai dit oui direct, c’est une proposition qui ne se refuse pas. D’ici-là, nous allons beaucoup nous entraîner et participer au Fastnet en double. Je vais aussi me préparer de mon côté, physiquement et mentalement. L’expérience de la Jacques Vabre va être très enrichissante. On table sur une quinzaine de jours de traversée. Nous visons la victoire. Notre début de saison est remarquable. Nous sommes sur un petit nuage en ce moment, il ne faut pas se relâcher.

Tu fais aussi partie du team français sur SailGP. Quel est ton rôle ? 

J’arrive sur le circuit en tant que remplaçante d’Amélie Riou, Manon Audinet et Maëlle Frascari. Si les trois ne peuvent pas naviguer, je prendrai la place. J’assiste aux debriefings, aux différents échanges pour essayer d’appréhender le bateau avant d’éventuellement naviguer dessus, car les jours d’entraînement sont comptés dans ce circuit.

Tu es aussi présélectionnée au sein de l’équipe féminine du défi Orient Express Racing Team, en vue de la première Women’s America’s Cup qui se tiendra en octobre 2024 à Barcelone, c’est un rêve qui se réalise ?

Oui ! Je fais effectivement partie des neuf présélectionnées. Quatre navigatrices seront sur le bateau, il y aura aussi deux remplaçantes, je vais tout donner pour en faire partie. On n’a pas encore toutes les informations sur la suite du processus de sélection mais je pense qu’on devrait en savoir plus d’ici la fin de l’été. Avec tout ça, mon planning est chargé, je n’ai pas beaucoup de jours off mais ça me convient. Tout fonctionne bien pour moi en ce moment, les planètes s’alignent !

 

Photo : Ronan Potier

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧