Les organisateurs de The Ocean Race ont annoncé le 25 octobre que l’édition 2027 de la course autour du monde en équipage se terminerait à Amaala, en Arabie saoudite. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec le directeur de l’épreuve, Johan Salén.
▶ Après l’édition 2023 qui avait réuni cinq équipages Imoca (et six VO65 sur un format réduit, qui ne seront plus de la partie), quels sont vos objectifs principaux pour The Ocean Race 2027 ?
L’édition précédente s’est globalement avérée une réussite, les retours des villes, des équipes et des sponsors ont été positifs. C’était une édition de transition avec l’arrivée de l’Imoca, elle est en plus tombée en période de Covid, ce qui n’a pas aidé, et c’était le début de la collaboration avec Warner Bros Discovery. On estime donc qu’on peut augmenter le niveau de l’épreuve un peu partout, c’est que nous essayons de mettre en place en ce moment.
▶ Commençons par les équipes, on entend beaucoup de skippers dire avant le départ du Vendée Globe qu’ils aimeraient se lancer en 2027 sur The Ocean Race, est-ce bon signe ? Et y a-t-il un nombre limite d’inscrits ?
La chose importante par rapport à l’édition 2023, c’est d’en avoir plus, je pense qu’on est effectivement en bonne voie, l’idéal pour nous serait d’avoir entre 8 et 12 équipes de qualité, sachant que l’avis de course limite à dix, mais qu’il donne la possibilité d’attribuer des « wild card ». Ce qu’on cherche, c’est nouer un vrai partenariat avec les équipes, donc on essaie d’en avoir plus, mais pas trop non plus, afin de créer le plus de valeur possible pour elles, leurs sponsors et les nôtres. Et il y a aussi des contraintes logistiques importantes, au niveau de l’accueil des bateaux et la possibilité de les sortir de l’eau lors de certaines escales, on ne peut pas aller au-delà d’un certain nombre. Maintenant, on n’en est pas aujourd’hui à refuser des équipes ; dans la classe Imoca, il y a pas mal de sponsors qui n’ont pas d’intérêts hors de France, et par rapport au budget opérationnel des équipes, c’est un investissement supplémentaire [de 1,5 à 5 millions d’euros environ, NDLR], tout le monde ne peut pas y arriver. Une autre priorité est d’avoir plus d’équipes étrangères. On a aujourd’hui des discussions qui avancent en Nouvelle-Zélande, au Moyen-Orient, en Italie, en Espagne, également des pistes hollandaises et anglaises, il est très probable qu’on aura des équipes qui ne sont pas dans la classe Imoca aujourd’hui mais vont y venir via les courses de The Ocean Race.
“On veut une escale
en France”
▶ Où en êtes-vous du parcours ?
Comme les éditions précédentes, la course partira d’Alicante et on vient d’annoncer qu’elle se terminerait à Amaala, en Arabie saoudite. Entre les deux, le Cap Vert n’est pas signé mais il est probable qu’on y retourne, ils sont très motivés. Pour les étapes du Sud, on a des discussions bien avancées avec Cape Town et Auckland, on n’a pas complètement décidé si on fait les deux ou une des deux. Ce qui est sûr, c’est qu’on préfère s’arrêter en Nouvelle-Zélande, parce que si la grande étape du Sud [la plus longue de l’histoire de la course, entre Cape Town et Itajai, NDLR] de la dernière fois était sympa, elle était aussi assez risquée. Et la Nouvelle-Zélande est un endroit où il y a une forte tradition de voile, même s’ils sont moins dans la course au large qu’avant avec la Coupe de l’America ; on aimerait bien les faire revenir, c’est pour ça qu’on a en parallèle des discussions pour avoir une ou plusieurs équipes néo-zélandaises.
▶ Après le Sud, quelles seront les destinations ?
Notre priorité est de continuer à travailler avec Itajai car l’escale brésilienne avait été une grande réussite lors de la dernière édition. Il vient juste d’y avoir des élections là-bas, le gouvernement local a changé, mais les personnes, non politiques, qui étaient en charge du dossier, veulent continuer. Pour les Etats-Unis, c’est très ouvert, deux membres de notre équipe reviennent tout juste d’un séjour là-bas où ils ont visité plusieurs endroits, de Newport à Miami en passant par Boston, Charleston, Tampa et deux-trois autres endroits, ils ont vu toutes les options possibles. L’accueil a été plus positif qu’on ne le pensait, sachant qu’aux Etats-Unis, c’est toujours plus difficile parce qu’il n’y a pas d’argent public pour financer des événements comme ça. Pour ce qui est de l’étape Atlantique, on veut trouver une escale en France parce qu’on est quelque part « à moitié français », du fait de notre partenariat avec l’Imoca, on a quelques discussions en cours. Ensuite, il y aura probablement une escale courte, Gênes et Lisbonne/Cascais sont une possibilité, avant d’aller à Port-Saïd, à l’entrée du canal de Suez, et le sprint final en Mer Rouge jusqu’à Amaala.
▶ Comment s’est noué le partenariat avec Amaala ?
C’est Warner Bros Discovery, avec qui on a commencé à travailler il y a deux ans et demi, qui nous a mis en contact avec Red Sea Global, notre partenaire là-bas, qui s’était d’ailleurs déjà engagé auprès de nous sur la dernière édition. Ils ont voulu en faire plus, les discussions ont commencé à l’époque et ont donc abouti récemment.
“L’Arabie saoudite est un pays
en pleine transformation”
▶ L’Arabie saoudite est la cible de critiques, notamment sur la situation des droits humains et de l’égalité hommes/femmes, avez-vous pris en considération ces éléments au moment de signer ce partenariat ?
C’est évidemment des sujets que nous avons évoqués, nous avons beaucoup échangé avec nos interlocuteurs, également avec les équipes qui sont aujourd’hui les plus avancées dans leur projet de participation, il y a même une personne de l’organisation saoudienne qui était à Lorient en décembre 2023 pour présenter le projet. Il y a deux choses : d’abord, Red Sea Global travaille sur la notion de tourisme régénératif, avec l’objectif d’améliorer l’environnement dans lequel ils s’installent. Ça passe notamment par des complexes touristiques “100% sustainable”, mais également un programme scientifique de développement du corail, auquel nous allons contribuer via la collecte de data sur les bateaux. Ensuite, le prestataire avec lequel on travaille est aligné sur notre philosophie, composé à parité de Saoudiens et de non-Saoudiens, d’hommes et de femmes. Pour ce qui est des droits humains, je pense que l’image qu’on peut avoir du pays ne correspond pas à l’impression qu’on a eue sur place. L’Arabie saoudite est un pays en pleine transformation, à la fois économiquement, parce qu’ils ont compris que le pétrole n’allait pas durer indéfiniment, d’où une transition vers une économie durable, mais également socialement. La population est très jeune, avec beaucoup de personnes qui reviennent de l’étranger, parce qu’elles pensent que c’est le moment de participer à cette transformation. Maintenant, je ne vais pas dire que tout est parfait, il y a forcément des résistances pour ralentir cette évolution, mais c’est assez impressionnant de voir qu’il y a une espèce de vague qui est en train de changer le pays, et cela concerne aussi la place des femmes dans la société.
▶ Parlons maintenant de The Ocean Race Europe, dont la deuxième édition aura lieu à l’été 2025, le parcours est-il bouclé ? Et combien espérez-vous d’équipes ?
Il nous reste une ville en France pour boucler ce parcours. Le besoin exprimé par beaucoup de sponsors des équipes était d’aller en Méditerranée, mais honnêtement, on a eu plus de difficultés qu’on ne le pensait sur ce dossier. Pour plusieurs raisons : la situation politique en France, les Jeux olympiques qui ont ralenti les discussions, les débats actuels sur les dépenses publiques et le fait qu’en France, il y a tellement d’événements de voile que c’est plus difficile de trouver sa place que dans d’autres pays. Aujourd’hui, on continue à discuter, les pistes les plus sérieuses sont Toulon, Marseille et Antibes. Pour ce qui est des équipes, huit sont inscrites, on en attend trois-quatre en plus, sachant, qu’au niveau des places dans les ports, on peut difficilement aller au-delà de douze à quatorze.
▶ Finissons par The Ocean Race Atlantic, la transat entre New York et Barcelone dont vous avez annoncé le lancement à horizon 2026, quel est l’objectif de cette nouvelle course ?
L’ambition est double : d’abord avoir une course qui fasse office de répétition avant le tour du monde, un peu sur le même principe que la New York Vendée pour le Vendée Globe, pour tout tester et être sûr que tout le monde est prêt, organisateurs, partenaires et équipes, même si la course est aussi ouverte à celles qui ne courront pas The Ocean Race. Ensuite, pour des raisons commerciales. Comme le départ de The Ocean Race est plus tard qu’avant, en janvier au lieu d’octobre/novembre, ça permet d’avoir un événement susceptible de créer de la valeur pour les équipes et les sponsors en 2026.
Photo : Sailing Energy / The Ocean Race