▶ Victoire sur SailGP, médaille d’or olympique, Marin de l’année, aurais-tu imaginé une année aussi exceptionnelle ?
Non, je ne pensais pas que tant de bonnes choses allaient se produire, mais la possibilité existait et nous avons toujours travaillé très dur avec Flo pour nous donner les meilleures chances sur chaque compétition. Les choses se sont effectivement bien mises en place en juillet, avec SailGP et les Jeux le même mois, c’est tout simplement incroyable !
▶ Qu’est-ce qui a été le plus difficile à gagner, SailGP ou l’or olympique ?
C’est une bonne question ! C’était très différent. En SailGP, nous n’étions pas les favoris, nous arrivions plutôt dans la peau des outsiders. Nous savions que nous pouvions atteindre la finale et ensuite, c’est une dernière manche à trois bateaux à l’issue de laquelle le vainqueur rafle tout. Nous savions donc que si nous arrivions en finale, nous aurions nos chances. Mais ça a été très serré pour y arriver. Nous n’avions pas bien commencé ce week-end à San Francisco, nous nous battions pour la troisième place en finale avec les Français qui se débrouillaient très bien jusqu’à ce qu’ils aient un problème technique dans la course 4. Nous nous sommes alors retrouvés en finale et à partir de ce moment-là, nous avons mis la pédale à fond sur l’accélérateur et tout s’est bien passé pour nous. C’était vraiment génial. Pour ce qui est des Jeux, c’est un rêve que je nourris depuis longtemps. Je pense que nous faisions partie des favoris, nous avons toujours dit avec Flo, lorsque nous avons commencé cette campagne, que notre objectif était de remporter l’or et que nous allions faire tout ce qui était en notre pouvoir pour l’obtenir. Mais la semaine à Marseille s’est avérée difficile, les conditions étaient très dures. Nous avons beaucoup souffert, mais nous avons réussi à rester constants, ce qui a été la clé, pour finalement remporter l’or, c’était fantastique. Les Jeux ont été un objectif au long cours pour moi, quand tu travailles autant pour y arriver, que tu as beaucoup perdu en cours de route, et que finalement, tu remplis ton objectif, le sentiment est incroyable ! C’est difficilement comparable avec SailGP.
▶ Et le titre de Marin de l’année ?
C’est un grand honneur ! Certes, on a eu une année fantastique, mais quand tu regardes les noms de ceux qui ont gagné ce trophée, tu ne peux qu’être honoré. C’était aussi un rêve, le rêve d’une vie, mais tu ne sais pas si tu l’atteindras un jour. Là, se retrouver avec ce trophée entre les mains, c’était tout simplement extraordinaire.
“Peter et Blake font
partie de mes idoles”
J’ai commencé à Santander, où je vis toujours. A l’époque, mon père préparait la Mini Transat, je l’ai accompagné quelques fois, mais rapidement, j’ai voulu naviguer seul, alors j’ai commencé en Optimist. J’ai eu la chance que l’équipe olympique espagnole soit basée à Santander, donc j’allais au centre de voile tous les jours, je voyais ces olympiens comme mes idoles, je voulais juste être comme eux, le rêve a commencé à ce moment-là. Je regardais surtout Iker (Martinez) et Xabi (Fernandez) [champions olympiques de 49er à Athènes puis médaillés d’argent à Pékin, ndlr] – je les voyais s’entraîner tous les jours et dès lors, j’ai su que le 49er serait mon bateau. A partir de là, je n’ai plus arrêté.
▶ Avais-tu d’autres idoles ?
J’ai navigué contre Peter (Burling) et Blair (Tuke) en 49er lorsqu’ils dominaient la classe [champions olympiques à Rio, médaillés d’argent à Londres et Tokyo, ndlr], une grande partie de mes connaissances en matière de voile vient de ce que j’ai observé chez eux. Ils font donc partie de mes idoles. Tom Slingsby aussi, j’admire la façon dont il arrive à être au sommet sur tant de supports différents, Laser, Moth, SailGP, TP52, AC75… Et Ben Ainslie bien sûr.
▶ Avec ce que tu as accompli cette année, tu es désormais leur égal, non ?
Non, ce n’est pas comparable. Nous avons certes vécu une très bonne année, mais nous sommes encore en pleine croissance. Je pense que nous n’avons pas encore atteint le sommet de notre courbe d’apprentissage. On en est encore à une sorte de début de carrière, nous ne savons pas comment ça va se terminer, alors que ces gars-là sont au sommet depuis tant d’années, donc ce n’est pas comparable.
“J’ai le mal de mer”
(Rire). C’est vrai que ma famille a toujours été liée à la mer. Pour moi, c’est un honneur de faire partie de cette histoire dans un domaine complètement différent. Mon père aime la navigation au large, mon oncle est dans la conception et moi plus dans la navigation inshore, c’est agréable de pouvoir partager tout cela avec eux.
▶ N’as-tu jamais été tenté par la course au large, comme ton père ?
J’ai le mal de mer ! Le large, ce n’est pas pour moi, c’est très dur. Chaque fois que je passe du temps sur un bateau loin des côtes, je ne me sens pas bien, je ne suis pas à l’aise plusieurs jours au large dans la mer formée. Donc pour l’instant, ce n’est pas à mon programme, c’est loin. Mais qui sait ? On verra comment ça évolue et peut-être qu’à l’avenir je m’y intéresserai un peu plus parce que je trouve que c’est un monde fascinant, j’admire beaucoup les gens qui le font et la façon dont les Français en particulier pratiquent la voile au large, c’est unique au monde. C’est aussi incroyable de voir autant de bateaux sur le Vendée Globe, autant de designs avec les nouveaux Imoca à foils.
▶ Après avoir tout gagné cette année, quel est ton prochain objectif ? La Coupe de l’America ?
J’aimerais beaucoup participer à la Coupe de l’America. Mais pour l’instant, je n’ai pas de place pour ça dans ma tête. Nous devons encore décider, Flo et moi, si nous repartons sur une campagne olympique pour Los Angeles. Nous ferons probablement quelques épreuves de 49er l’année prochaine et nous verrons si nous sommes motivés, car nous savons combien il faut travailler dur pour prétendre à une médaille. Nous sommes dans la voile olympique depuis longtemps, donc nous n’avons pas besoin de nous précipiter, nous préférons faire deux ou trois ans à fond plutôt que quatre ans, en mettant les gaz trop tôt pour finir par se brûler les ailes. Notre priorité est aujourd’hui de créer une base solide avec SailGP. Cela signifie rendre l’équipe financièrement autonome et continuer à s’améliorer. La saison dernière a été une grande réussite pour nous, mais il ne faut pas oublier que nous étions partis de la dernière place la précédente. Je pense que nous avons encore une énorme marge de progression, nous n’avons pas atteint notre meilleur niveau, ce qui nous rend d’ailleurs très enthousiastes. Ce qui me fascine en tant que marin, c’est de m’améliorer chaque jour, c’est exactement ça, le sport !
Photo : Felix Diemer for SailGP