Muet depuis qu’il a dû renoncer à prendre le départ de la dernière Transat Jacques-Vabre sur Oman Sail suite à la mise en examen de son co-skipper Fahad Al-Hasni, Sidney Gavignet sort de son silence médiatique. Pour Tip & Shaft, il revient sur cette pénible histoire, évoque la fin de l’aventure avec Oman Sail (voir notre interview de David Graham) mais aussi ses nouveaux projets, avec dans le viseur la Route du Rhum et… un MBA !
Tu n’as plus communiqué depuis ton départ du Havre, peux-tu revenir sur le moment où tu as appris ce qu’il s’était passé au Havre ?
C’est arrivé l’avant-veille du départ – le soir de notre dîner médias, ça ne pouvait pas plus mal tomber. Sur le coup, j’ai bien compris qu’il se passait quelque chose, mais j’étais occupé avec les journalistes. Et puis le lendemain, j’ai appris qu’il avait été placé en garde à vue. Après, je n’ai pas appris grand-chose de plus, dans le sens où je ne sais toujours pas ce qui s’est réellement passé. Courant décembre, j’ai dû aller au Havre pour aller voir à la police, mais je n’ai pas grand-chose à apporter au moulin…
As-tu tout de même pensé à prendre le départ de la transat le dimanche ?
Notre première réaction a été de se dire qu’on attendait qu’il revienne pour partir. Ensuite, on a compris qu’il ne reviendrait pas et que de toute façon, après deux gardes à vue d’affilée, il ne serait pas en état de partir. On s’est alors dit qu’on ne partait pas parce que toute l’histoire avait été montée autour de la participation d’un Omanais et que ça n’avait pas de sens de partir sans lui. Le Ministre du Tourisme [organisme de tutelle d’Oman Sail, NDLR] a alors jugé qu’il n’y avait pas de raison de pénaliser Oman pour une erreur individuelle et nous a demandé de trouver une solution pour essayer de partir. Je me suis alors réactivé et le samedi soir à 19h, j’avais quelqu’un, qui m’a finalement rappelé à minuit en me disant qu’il n’avait pas envie que son nom soit associé à cette histoire. Avec du recul, je me dis qu’il avait sans doute raison. Du coup, le lendemain, nous avons enlevé le bateau tôt du bassin, parce que je ne voulais pas de l’image du quai vide avec juste Oman Sailà quai.
Ta décision d’arrêter de travailler en fin d’année pour Oman Sail est-elle liée à cette histoire ?
Non, pas du tout. Les gens se disent peut-être que suite à cette histoire, j’ai décidé d’arrêter, que les rats quittent le navire, d’autant que je n’avais pas communiqué sur le coup pour ne pas en rajouter. Mais ce qui est important de savoir, c’est que quinze jours avant le départ, j’avais signifié à Oman Sail mon intention d’arrêter à la fin de l’année. J’avais fait le choix de ce timing pour partir sur la course les valises légères, sans avoir à ressasser ça pendant deux-trois semaines. Toute ma motivation sur cette Jacques-Vabre était donc de terminer en beauté à la fois mon cycle avec Oman et une année qui, sportivement, n’avait pas été très glorieuse jusque-là. Ça n’a pas pu se faire, j’ai forcément été déçu, mais je n’y peux rien…
Pourquoi avoir fait ce choix d’arrêter avec Oman Sail ?
J’avais trois missions chez Oman Sail : performer, comme tous les autres marins professionnels ; être ambassadeur de la marque, en l’occurrence du pays ; j’avais aussi un rôle de pédagogue, avec une réflexion sur la stratégie, les programmes, la façon de faire progresser les marins omanais… Cet aspect-là a été le plus usant, je m’y suis mis corps et âme, j’ai joué le jeu à fond, j’ai peut-être même été trop loin, et au bout de tout ce temps, j’ai senti que j’avais besoin de changer d’air.
Que gardes-tu de ces années ?
Je remercie Oman, parce que j’ai vécu des années exceptionnelles grâce à eux : j’ai été à la barre d’un maxi-trimaran pour ma première Route du Rhum [chavirage sur le trimaran de 100 pieds Oman Air Majan, NDLR], puis j’ai bouclé quatre ans plus tard ma première Route du Rhum [5e sur en Ultime sur le MOD70 Musandam-Oman Sail]. Culturellement, cette expérience m’a aussi ouvert une fenêtre sur un monde du Moyen-Orient qu’on ne connaît pas du tout en tant qu’Européen. J’ai enfin appris beaucoup d’un point de vue professionnel : Oman Sail a énormément évolué pendant que j’y étais, passant de 30 à 250 salariés, ça a aussi forcément changé la donne. Ça a été un challenge pour moi d’essayer de fonctionner dans une grosse structure, alors que j’étais davantage habitué aux petits commandos.
Cette page tournée, quels sont tes projets ?
En janvier, je me suis dit qu’il fallait que je me mette à travailler sur la suite, parce que je n’ai plus de revenus. La Route du Rhum arrive en fin d’année, c’est une course que j’adore, je me suis dit que c’était potentiellement réaliste de trouver un budget en Class40 ou en Classe Rhum. Finalement, je vais la faire en Classe Rhum, soit en monocoque soit en multi, j’ai potentiellement un bateau déjà inscrit dans chaque classe, il faut que je trouve un budget que, à la louche, j’estime de 250 000 à 350 000 euros.
Et où en es-tu ?
J’ai commencé à chercher avec un ami qui a une boîte de com’, on a bossé sur un projet visant à faire de la voile une boîte à outils pour les ressources humaines des entreprises. Je me suis vite passionné pour ce projet, parce que j’adore tout ce qui est management. Mais je me suis dit que si je me sentais légitime pour parler de ça, de par mon parcours de marin, notamment sur la Volvo, il me manquait un peu de références académiques. Du coup, je me suis mis en quête d’une formation en management/ressources humaines et j’ai été contacté par quelqu’un de l’Edhec qui, après avoir écouté mon histoire et mon projet, m’a proposé un “executive MBA”. Je ne savais même pas que je pouvais accéder à des choses comme ça, d’autant que, pour la petite histoire, je n’ai pas le Bac ! Je débute donc un MBA dès lundi dans une autre école qui s’appelle Kedge.
Quel est ton objectif avec cette formation ?
Il est multiple : une telle formation ne peut que m’aider à structurer mon projet Route du Rhum et mes projets voile en général. Quand tu vas vendre un projet à des entrepreneurs, s’ils savent que tu as fait cette formation, ça les rassure grandement. J’aimerais aussi que ce diplôme me permette de faire à terme des interventions en entreprise autour de ces notions de management et de ressources humaines. J’ai envie d’être entrepreneur, je pense que cette formation est un outil pour à la fois valoriser mon parcours de coureur au large, qui est jusque-là toute ma vie, et me donner les clés pour ouvrir des portes que je ne soupçonnais pas pouvoir ouvrir.
Tu avais fait une étape avec Dongfeng lors de la dernière Volvo Ocean Race, as-tu eu envie d’y retourner sur l’édition en cours ?
Non, je n’ai pas fait de geste dans ce sens. A la fin de l’année, j’avais besoin de respirer, parce que j’étais vraiment usé physiquement et moralement, la Volvo, ce n’est pas forcément le truc à faire dans cet état-là ! Et, en tant que spectateur, je trouve que le rythme de la course me dérange, ça ressemble à du travail à la chaîne, avec des escales qui sont tellement courtes que je plains presque les coureurs. Pourtant, j’ai toujours adoré la Volvo qui fait partie de mon ADN, mais je trouve que la course a pris un format très commercial, les hommes et les femmes sont super malmenés, je trouve ça vraiment extrême.
As-tu d’autres navigations en vue ?
Oui, je vais aider un Guadeloupéen, Carl Chipotel, à préparer la Route du Rhum en Class40, je le rejoins début avril en Guadeloupe pour convoyer son bateau jusqu’aux Açores, puis on fera ensemble la Normandy Channel Race. J’aime bien transmettre, donc ce projet me plaît.
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