La Route du Rhum-Destination Guadeloupe est officiellement terminée depuis ce vendredi 9h, heure de la fermeture de la ligne, que 79 skippers sur 123 ont coupée dans les temps. L’occasion d’un bilan avec Hervé Favre, nommé en mai dernier co CEO d’OC Sport en charge de l’ensemble des activités voile [aux côtés de Rémi Duchemin, qui dirige les activités outdoor, NDLR]. L’organisateur de la course évoque également les nombreux autres dossiers dans lesquels l’entreprise fondée par Ellen McArthur et Mark Turner, désormais filiale du groupe Le Télégramme, est impliquée, de près ou de loin.
Quel premier bilan dresses-tu de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe ?
Le bilan est au-delà de nos espérances : d’un point de vue sportif, nous avions un plateau incroyable et le déroulement de la course a donné lieu à un grand suspense, notamment chez les Ultimes que chez les Imoca. Du point de vue de la fréquentation, les chiffres sont exceptionnels : vous avez pu vous en rendre compte à Saint-Malo, nous avons encore passé un niveau supérieur. Du côté des partenaires, ils sont tous très contents, les villes et la Guadeloupe également, et, je pense, les coureurs.
Des coureurs qui sont arrivés en ordre très dispersé, sur quasiment un mois. Cela vous fait-il réfléchir pour la suite ?
Une chose est certaine, ce serait une grave erreur de toucher au mélange de professionnels et d’amateurs qui fait la magie du Rhum et marque la différence avec une course comme la Transat anglaise, sur laquelle ce mélange manque clairement [deux courses différentes existent, NDLR]. Après, il y a sans doute des améliorations possibles, je verrais bien, par exemple, une classe Rhum composée de bateaux de course vintage plutôt que de bateaux de série. Ce qui est sûr, c’est que nous allons échanger avec toutes les classes pour les prochaines éditions, sur lesquelles, forts du soutien de la Guadeloupe, partenaire-titre au moins jusqu’en 2026, nous allons pouvoir d’ores et déjà travailler.
La Route du Rhum est-elle rentable pour OC Sport ?
Oui, elle est rentable, et heureusement, parce qu’elle permet à OC Sport d’être à l’équilibre sur un cycle de quatre ans avec toutes les courses que nous organisons. Ce qui ne veut pas dire que les autres sont toutes déficitaires : nous étions à l’équilibre sur la dernière Transat AG2R La Mondiale, ce n’est toujours pas le cas de la Solitaire Urgo Le Figaro, ni pour la Transat anglaise que nous avons relancée en 2016 en sachant bien que nous faisions un investissement. Aujourd’hui, nous avons des saisons très différentes, avec parfois trois courses la même année et une seule d’autres années, et, malgré ça, nous gardons la même base d’équipe, ce qui est important pour continuer à progresser.
Un nouveau cycle de quatre ans démarre justement en 2019, avec notamment la Solitaire Urgo du Figaro, pourquoi n’annoncez-vous pas le parcours comme de coutume au Salon nautique ?
La raison principale est que, avec la prolongation de la Route du Rhum, il était difficile d’organiser la conférence de presse de l’annonce ces jours-ci, sachant qu’une partie de notre équipe était encore occupée en Guadeloupe. Il y a aussi le fait que la maire de la ville de départ ne pouvait pas être présente. Donc nous avons préféré attendre qu’elle soit là en janvier. Après, le parcours est quasiment bouclé, nous attendons juste d’avoir 100% des confirmations.
Que manque-t-il à la Solitaire pour être à l’équilibre ? Le contrat avec Urgo, qui arrive à terme après la prochaine édition, sera-t-il prolongé ?
C’est une course itinérante sur quatre semaines qui coûte très cher à organiser, nous avons essayé de réduire au maximum les coûts, mais nous ne pourrons pas faire plus par rapport au niveau auquel nous devons livrer l’événement. Donc il faut arriver à trouver d’autres moyens de financement, il n’y a pas de solution miracle. L’énorme avantage de cette course est le partenariat média que nous avons avec Le Figaro qui permet de proposer des pages de publicité à nos partenaires dans les journaux du groupe. Quant au partenariat avec Urgo, nous allons en discuter dans les prochains mois, sachant que ce serait évidemment mieux de pouvoir annoncer quelque chose avant la prochaine édition.
En 2019, vous deviez aussi assurer la direction de course de Lorient-Les Bermudes-Lorient qui a été reportée, tout comme Brest Oceans, quel est ton sentiment sur les épreuves de la classe Ultim ?
Je pense que ça montre un peu la limite du système. Un des points sur lesquels nous nous sommes toujours battus, c’est qu’il y a une différence entre être une classe et être un organisateur professionnel de courses. Là, il y a un problème de conflit d’intérêt entre la classe et l’organisateur de Brest Oceans [le capital de Brest Ultim Sailing est détenu à 63,7% par les armateurs et la classe, NDLR]. Le Rhum a bien montré que lorsqu’il y a de gros progrès techniques sur les multicoques, on fait un pas en avant, deux pas en arrière. Il faut qu’un organisateur puisse dire à la classe : « Là, vous allez trop loin, vous n’êtes pas encore assez point ». Je pense qu’en voulant organiser la course, ils se sont un peu dispersés.
Vous devez aussi organiser en 2019 les Valencia Globe Series, où en êtes-vous de cette nouvelle épreuve?
C’est effectivement un projet que nous menons en commun avec la classe Imoca depuis juin. Nous sommes en discussion avec un consortium qui réunit la ville de Valence, la région et l’Etat central espagnol, nous avons une lettre de principe depuis juillet, le contrat doit passer devant une commission spéciale le 18 décembre. Nous serions co-organisateurs de l’événement avec Valence, sachant que c’est la classe qui délègue l’événement. Une décision sera aussi prise sur la date, sachant qu’elle pourrait être décalée au mois de juillet, ce qui satisferait tous les teams. Quant au parcours, il comprendrait deux étapes, une boucle en Méditerranée d’environ 5 jours et un retour en France dans un port qui n’a pas encore été déterminé.
Passons à 2020 : vous organiserez la Transat AG2R La Mondiale dont le partenariat-titre est en discussion, comment la course s’annonce-t-elle ?
Les discussions avec AG2R sont plutôt favorables, la dernière édition s’est très bien passée, nous aurons, je pense, une réponse en début d’année prochaine. Ce qui est sûr, c’est que nous avons un joli coup à jouer avec cette course dans la perspective de l’arrivée de la course au large aux Jeux olympiques : nous allons faire en sorte de développer le format double mixte afin de capter des équipes souhaitant se préparer pour les JO, ce serait une belle reconnaissance pour tous les efforts faits par AG2R pour développer la course en double. Après, il faudra discuter avec la classe pour savoir si on fait des équipages mixtes obligatoires ou si on autorise deux formats. Une chose est sûre : ça va dans le sens de l’histoire et le Nacra 17 mixte l’a bien montré, ça marche très bien. Ensuite, si le Figaro 3 n’est pas le bateau retenu pour les Jeux, je pense qu’on ouvrira aussi la Transat au bateau retenu, en 2020 s’il est connu suffisamment avant, ou en 2022.
Justement, dans la perspective de l’introduction de la course au large aux Jeux, OC Sport avait été choisi par Wolrd Sailing comme organisateur du premier championnat du monde offshore qui doit avoir lieu en 2019, qu’en est-il aujourd’hui ?
Effectivement, nous avons remporté au printemps l’appel d’offres de World Sailing, mais ça ne s’est pas bien fini, puisque nous n’avons pas signé le contrat à la veille du départ de la Route du Rhum, parce qu’il y avait plusieurs points sur lesquels, malgré leurs garanties, ils sont revenus en arrière. En particulier celui du choix du bateau : nous voulions que, si World Sailing décidait en novembre de programmer la course au large aux JO, le bateau de ce championnat du monde soit le même qu’aux JO. Nos interlocuteurs avaient donné leur accord avant de revenir en arrière. Ce qui est compliqué avec les gens de World Sailing, c’est qu’ils réfléchissent avec leur matrice Jeux olympiques : ils pensent que le support n’est pas important, alors que nous pensons au contraire que c’est un élément stratégique pour attirer les meilleurs sur ce championnat du monde. Et ils voulaient un organisateur qui prenne absolument tous les risques dans l’opération, tandis qu’eux n’en prenaient aucun. Après, rien n’est figé : j’ai l’impression qu’il n’y aura rien en 2019 et qu’ils vont attendre le choix du bateau pour les JO – qui devrait être fait d’ici un an – pour vraiment lancer l’événement avec le même bateau que celui qui naviguera à Marseille en 2024.
Militez-vous pour le Figaro 3 ? Sachant que World Sailing a parlé d’un bateau sans foils…
Oui, nous poussons pour le Figaro 3 parce que c’est pour nous le meilleur bateau de course au large pour faire ses gammes en double ou en solitaire. Mais si vous lisez la décision en anglais, il est écrit: « It should be a displacement boat ». Ce qui signifie un bateau qui n’est pas volant, pas forcément un bateau sans foils. Pour moi, le Figaro 3 n’est pas complètement enterré, puisque c’est quand même un bateau à déplacement. Après, le problème sera le coût ; mais si Bénéteau est prêt à se dire que c’est un bon investissement marketing et qu’ils font des efforts dans ce sens, ça peut le faire.
Quid de la Transat anglaise ? Où en êtes-vous de la recherche du partenaire-titre et quel est son ticket d’entrée ?
On y travaille, nous avons de bonnes pistes pour le partenariat-titre, dont le montant se situe entre 900 000 et 1 million d’euros, et la course aura lieu quoi qu’il arrive. Aujourd’hui, nous avons une ville de départ, Plymouth, et une nouvelle ville d’arrivée aux Etats-Unis – qui, j’espère, sera annoncée pendant le Salon nautique – les classes sont plutôt contentes du choix. Il y aura encore un « warm-up » qui partira de France, comme en 2016 – nous allons lancer les consultations pour les villes -, ça avait bien marché, à la fois pour lancer la course en France médiatiquement et d’un point de vue activation pour les partenaires. Enfin, au niveau des classes, nous avons aujourd’hui deux classes sûres de participer : les Imoca et les Class40. Les Multi50 réfléchissent et la classe Ultim a indiqué que pour l’instant, elle n’avait pas inscrit la course au calendrier. S’ils changent d’avis, nous pourrions les accueillir, mais à condition qu’il y ait un nombre minimum de bateaux, nous ne voulons pas, comme sur la Jacques-Vabre, d’une course à deux bateaux.
Du côté des Extreme Sailing Series que vous organisiez jusqu’à présent et qui, l’an prochain, fusionnent avec le GC32 Racing Tour : êtes-vous sûrs de continuer ce circuit ?
Une des conditions pour repartir l’an prochain était de réunir les deux circuits, parce que cette année a été compliquée pour les Extreme Sailing Series. Nous avons discuté avec la classe GC32 et le Racing Tour sur pas mal de sujets, et nous devrions prochainement signer le contrat de collaboration. L’idée étant de réunir propriétaires privés et teams professionnels, il a fallu trouver des compromis sur le nombre d’événements – six au lieu de huit – sur les lieux – quatre en Europe, deux hors d’Europe – et sur le fait d’avoir des invités à bord, ce qui est un point sur lequel nous nous sommes toujours battus.
Terminons ce tour d’horizon par la Volvo Ocean Race : le projet gagnant avec Dongfeng a-t-il été une bonne opération commerciale pour OC Sport ?
Oui, c’était un bon projet du point de vue sportif et financier. Dongfeng nous a confié 100% de la mission, en nous versant des honoraires pour cela, il y avait aussi une prime de podium prévue, qui nous a été versée puisque nous avons gagné. Ce qui est important, c’est que nous avons renoué sur la Volvo avec l’ADN d’OC Sport : la gestion de projets sportifs. Ce qui a été le cas avec Ellen MacArthur, Sébastien Josse, Nick Moloney, Sam Davies… Nous avions un peu perdu de vue cet aspect. Cela a été super de montrer sur ces deux campagnes que ça restait un des piliers d’OC Sport. Si on peut continuer, on le fera, et le fait que l’ex Volvo passe en Imoca est une bonne chose, parce que c’est un monde dans lequel nous sommes très impliqués. Pour Dongfeng, nous discutons avec eux, ils ne sont pour l’instant pas très pressés de repartir, il ne va rien se passer avant l’année prochaine.
A propos de projets sportifs, on parle d’un hangar géré à Lorient par OC Sport pour en abriter, pouvez-vous nous en dire plus ?
Aujourd’hui, je ne peux pas nier que nous sommes en train de reprendre le hangar Glorieux 1 à Lorient [l’ancienne base de Gitana Team, NDLR], mais à ce stade, je ne peux rien annoncer.