Champion du monde (en 2018) et d’Europe de 470 (en mai dernier) avec Jérémie Mion, Kevin Peponnet, 30 ans, s’est fait un prénom dans une discipline où son père Daniel a été champion d’Europe (en 1980) et son oncle Thierry champion olympique (en 1988). A 5 jours de la première manche des Jeux Olympiques qui se disputent sur le plan d’eau d’Enoshima, il a pris le temps de se confier à Tip & Shaft depuis le Japon.
Comment s’est déroulée votre acclimatation, malgré le contexte sanitaire ?
Nous sommes arrivés dès le 12 juillet, ça nous permet d’avoir une quinzaine de jours sur place, ce qui est parfait pour la préparation. Le contexte n’est pas si contraignant même si on a dû enchaîner les contrôles et les vérifications et rester plus de 3 heures à l’aéroport. Et on ne peut sortir de l’hôtel que pour aller à la marina. Mais il y a une très bonne ambiance et une belle cohésion entre nous, tous ont des petites attentions les uns pour les autres. Donc on ne subit pas trop l’isolement !
Le 470 chez toi, c’est une histoire de famille avec les titres de ton père, Daniel, et de ton oncle Thierry : te lancer dans l’aventure, c’était presque naturel ?
Oui, d’une certaine façon mais il ne me restait pas beaucoup de choix finalement. Dans la famille, nous ne sommes pas grands et le “quatre-sept” était la seule discipline olympique, avec le Nacra, où je ne partais pas avec un retard à cause de mon gabarit. Pendant les repas de famille, on rigole beaucoup de cette filiation. J’espère que j’ai ça dans les gènes et que ça va fonctionner comme pour mon oncle !
“Avec Jérémie, on se voit plus de 300 jours par an”
Justement, quel a été le rôle de Thierry dans votre préparation ?
Il ne faisait pas partie de notre cercle proche, constitué d’un préparateur physique, d’un préparateur mental et de notre entraîneur. Mais il est toujours passionné, il garde un œil sur ce que l’on fait et nous conseille dès qu’on en a besoin. Nous l’avons sollicité ces dernières semaines pour qu’il nous explique son état d’esprit à Séoul. Il faut être convaincu que la médaille est à nous et à personne d’autre, avoir la certitude que nous allons chercher notre dû. Le 470 a beaucoup évolué techniquement depuis les Jeux de 1988, mais l’approche mentale est identique.
En matière de préparation mentale, comment vous êtes-vous préparés ?
Nous avons la chance d’être deux, ça nous permet de nous soutenir en cas de coups durs, d’effacer les moments de doute et c’est un atout par rapport aux disciplines en solitaire. Avec Jérémie, on se voit plus de 300 jours par an et nous avons aussi fait le choix, avant chaque grande échéance, de couper pendant deux à trois semaines, de ne plus se donner de nouvelles. Ça permet de créer un manque, de rester lucides et frais, d’avoir les idées claires. On s’est rendu compte qu’une coupure n’avait pas d’impact sur la performance, que ça pouvait être décisif pour pouvoir tout donner dès qu’il le faut.
“Nous estimons notre budget annuel à 80 000 euros”
Quelles sont vos ambitions au Japon ?
On ne peut pas le cacher : nous sommes là pour viser l’or. On s’est retrouvé sur le toit du monde en 2018 lors d’une épreuve qu’on n’avait pas coché sur le papier. Cette année, nous sommes passés à côté des mondiaux (8e) mais nous avons remporté les championnats d’Europe en mai dernier. Le fait d’avoir gagné la dernière compétition nous permet d’être dans une dynamique positive, de montrer à nos adversaires qu’il faudra compter sur nous. On ne pouvait pas rêver d’un meilleur scénario.
De quelle façon parvenez-vous à financer vos saisons et votre préparation olympiques ?
Nous estimons notre budget annuel à environ 80 000 euros, rien qu’avec le matériel, les déplacements et l’ensemble de nos frais – sans compter l’aide fédérale. J’ai la chance d’avoir signé en 2019 une convention d’insertion professionnelle à la SNCF et mes horaires sont aménagés. Jérémie, lui, fait partie de « l’Armée des champions », l’ancien bataillon de Joinville. Nous bénéficions aussi du soutien des collectivités locales rattachées à nos clubs – lui au Havre, moi à La Rochelle – mais aussi de partenaires privés : l’assureur Helvetia, l’entreprise de logistique SeaFrigo Group et la Banque Populaire Méditerranée.
“Des Jeux à domicile, ça ne laisse personne indifférent”
Ces sponsors ont-ils été compliqués à réunir ?
Ce n’est pas évident à trouver, d’autant que cela prend du temps et de l’énergie. C’est ce qui nous a poussés à faire appel à une agence de communication (El’Do) qui nous permet de gérer le lien avec les partenaires, de contribuer à créer des moments d’échange. Plus on se rapproche des Jeux Olympiques, plus on court après le temps et c’est nécessaire de déléguer ces aspects pour se focaliser sur la performance.
Tu as déjà évoqué ta volonté de continuer vers les Jeux Olympiques de Paris en 2024…
Je me poserai la question après les Jeux de Tokyo, mais je ne me lancerai pas sans être à 100%. Avoir l’opportunité de disputer des Jeux Olympiques à domicile, ça ne laisse personne indifférent, surtout à Marseille, le plan d’eau où on s’entraîne. Dans le même temps, il faut trouver une nouvelle partenaire [le 470 ne se disputera qu’en mixte en 2024, NDLR]. Les délais sont sans doute trop courts pour tenter l’aventure sur un nouveau support, même si ça me tente. Et cela dépendra aussi, si j’ai des regrets ou non après ces Jeux-là…
Serais-tu tenté à l’avenir par la course au large ?
J’apprécie beaucoup de changer de support, c’est toujours très enrichissant. Pratiquer le Diam 24, le match-racing ou le J80 m’a aidé à progresser. J’avais fait une croix sur la course au large parce que j’avais le mal de mer, mais à Marseille, je fais de la kiné vestibulaire pour reprogrammer mon oreille interne. Et ça marche : je n’ai quasiment plus besoin de cachet ! J’ai eu quelques expériences en participant au Fastnet, en faisant des convoyages et en naviguant sur l’Ultim Banque Populaire XI en juin. Du coup, faire du large, ça me botterait bien !