Après avoir annoncé il y a trois semaines la fin de son contrat avec Primonial, Sébastien Rogues a vite rebondi puisqu’il intègre pour trois saisons l’Inter Invest Sailing Team aux côtés de Matthieu Perraut. Le Baulois de 38 ans explique à Tip & Shaft comment s’est noué ce rapprochement.
Peux-tu déjà nous raconter comment tu as appris la fin de ton contrat avec Primonial qui courait initialement jusqu’à la Route du Rhum 2026 comprise ?
Je sentais depuis l’été dernier et la vente de Primonial au groupe Crystal que la stratégie n’était plus forcément la même, dans la mesure où, avant, le projet était supporté par le groupe Primonial, alors que suite à la vente, il ne l’était que par une seule entreprise du groupe, pour laquelle ça devenait un budget conséquent par rapport à son chiffre d’affaires. Du coup, en octobre dernier, Primonial a ouvert la porte à un arrêt, je me suis alors dit que cela faisait vingt ans que je vivais du sponsoring et que c’était de mon devoir de leur trouver une porte de sortie. Le projet aurait pu continuer si je n’avais pas accepté la rupture du contrat, mais je trouve que c’est un bon message à envoyer aux sponsors de leur dire que quand ils doivent faire le dos rond et ont potentiellement besoin d’un coup de pouce, les marins sont à leur écoute. J’ai donc pris cette décision d’entrer en discussion avec eux, alors même que je n’avais pas de plan B, que je risquais de perdre 100% de mon équipe et que j’avais une dette assez significative sur le bateau. Mais pour moi, à partir du moment où une des deux parties n’était plus à l’aise, notre futur ne s’annonçait ni prometteur ni agréable, c’est comme vivre en couple avec quelqu’un qui veut se barrer, tu fais globalement chambre à part. Finalement, tout s’est fait avec bienveillance, nous avons réussi à clôturer l’histoire proprement.
Tu as vite rebondi en t’associant avec Matthieu Perraut et Inter Invest, comment s’est fait ce rapprochement ?
Avec Matthieu, on est hyper proches depuis qu’il est arrivé dans la classe Ocean Fifty, puisqu’on est voisins de ponton à Pornichet. Au cours d’un rendez-vous avec Benoît Petit (PDG d’Inter Invest) à Paris, il a planté une petite graine, puisque Benoît m’a appelé en me disant : “On voit bien qu’avec Primonial, vous êtes sur la fin, est-ce qu’il n’y a pas quelque chose d’intelligent à faire ensemble ?“ J’imagine que ce qui les intéressait chez moi, c’était mon équipe, mon bateau et mon expérience. J’ai répondu positivement à Benoît et avec Matthieu, on s’est enfermés mi-janvier pendant une semaine pour bosser sur un projet commun, ce rapprochement s’est rapidement imposé comme la meilleure solution. Au bout de cette semaine, la fumée blanche est sortie, on est allés voir le pape et le pape a dit oui !
“Il n’y aura pas de combat
de coqs entre nous”
Pour plusieurs raisons : d’abord, une facilité de deal, il n’y avait qu’à se pencher pour le faire. Ensuite, ça permettait de garder une bonne partie de mon équipe qui a intégré l’Inter Invest Sailing Team, ce qui était une priorité pour moi, et de créer un plus gros acteur en Ocean Fifty, avec une stratégie de multi-partenariats plus sécurisante. Sachant que d’un côté, il y avait Inter Invest, de l’autre les partenaires minoritaires qui sont à mes côtés depuis mes débuts en Ocean Fifty et ont accepté de me suivre jusqu’en 2027, à hauteur de 300 000 euros environ (par an). Enfin, ça répond à un besoin, chez l’un comme l’autre, de trouver un meilleur équilibre pro/perso. En Ocean Fifty, les projets sont différents de ceux des grosses équipes Imoca dans lesquelles le skipper est de plus en plus pilote. Quand bien même il est le patron de son entreprise, comme Thomas Ruyant par exemple, au final, la gestion est très opérée par son équipe qui est importante. Nous, on n’a pas cette dimension, le skipper fait tout et ça ne s’arrête jamais, et à titre personnel, ça fait un peu vingt ans que c’est comme ça. Donc cette association va me permettre de mieux équilibrer cet aspect, de passer plus de temps avec ma femme et mes enfants je pense que c’était la même chose pour Matthieu. Ça ne peut en outre que nous permettre de davantage nourrir la performance. Au final, on n’a pas trouvé un point négatif à ce rapprochement !Concrètement, qui va faire quoi ?
Là aussi, on s’est très vite accordés avec Matthieu sur les enjeux sportifs, ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura pas de combat de coqs entre nous. C’est-à-dire que je vais me consacrer cette année sur l’avant-saison en tant que skipper, à savoir les deux Acts à Saint-Malo puis Concarneau, on va aussi prendre part au Tour de Belle-Ile et à l’ArMen Race, Matthieu sera ensuite plus sur la partie offshore, Fastnet Race et Transat Café L’Or – on n’a pas encore décidé comment on allait constituer le duo, ce ne sera pas forcément moi le co-skipper. Et c’est lui qui sera le skipper sur la Route du Rhum 2026, je suis de mon côté très heureux de faire un petit pas en arrière et de l’accompagner avec mon expérience. Le fait de se partager la barre du bateau avec Matthieu permet de se dire que chaque course est un objectif car on va arriver à chaque fois avec de la fraîcheur, on n’est pas dans une stratégie de monter en puissance en vue de la Transat Café L’Or. Pour moi, c’est le mix parfait.
Quel est le budget annuel de l’ensemble ?
Il est d’environ 1,3 million d’euros. Ce qui est une somme importante pour un projet Ocean Fifty, mais qu’on souhaite augmenter, parce que cette fusion crée une équipe conséquente, on a encore des ambitions en termes de chiffre d’affaires d’ici fin 2025.
Que devient le précédent bateau (plan VPLP mis à l’eau en 2017 pour Thibaut Vauchel-Camus) ?
Il est à vendre, nous avons plusieurs pistes assez sérieuses, mais maintenant qu’on est bien staffés, notre priorité serait de le vendre à un skipper et à un partenaire qui souhaiteraient s’investir dans la classe à nos côtés à Pornichet. Ce qui nous permettrait de gérer ce projet en interne, avec la garantie de proposer un projet directement performant dans sa globalité. Maintenant, s’il doit sortir de l’équipe, il sortira.
Photo : Primonial Sailing Team