Après une saison 2024 très dense, la classe Ocean Fifty resserre son calendrier cette année avec deux Grands Prix (Saint-Malo et Concarneau), le Fastnet et la Transat Café L’Or. Le plateau a de son côté changé de physionomie avec une nouvelle association de skippers, un bateau neuf et plusieurs entrants.
En bouclant la saison 2024 sous le soleil de Sainte-Maxime, les Ocean Fifty s’étaient donné rendez-vous de nouveau sur la grande bleue pour entamer leur championnat 2025. Annoncés le 20 février, les Ocean Fifty Series 2025 ne comportent finalement que deux Grands Prix en juin (Act 1 à Saint Malo du 10 au 15, Act 2 à Concarneau du 24 au 29), les deux autres rendez-vous (Acts 3 et 4) étant la Fastnet Race (départ le 26 juillet) et la Transat Café l’Or, dont le coup d’envoi sera donné le 26 octobre.
C’est l’annulation de l’Act de Toulon pour des raisons budgétaires qui a chamboulé le calendrier initialement bâti, comme l’explique à Tip & Shaft Emmanuel Versace, dont la société Versace Sailing Management organise les rendez-vous de Saint-Malo et Concarneau. “Le Grand Prix d’Ajaccio était validé, mais quand Toulon a reculé il y a un mois, c’était difficile de tordre le bras des skippers, qui sont quasiment tous en Atlantique et ont des contraintes financières, pour les forcer à venir en Méditerranée ne courir qu’un seul Grand Prix.”
Forcément une déception pour les marins et leurs partenaires qui avaient apprécié l’an dernier leur passage en Méditerranée (Med Max et Grand Prix de Sainte-Maxime), même si Laurent Bourguès préfère voir le verre à moitié plein : “Mieux vaut n’avoir que deux Acts au calendrier bien financés plutôt que de faire des régates dans notre coin. Le format Grand Prix est génial, mais il demande un certain budget pour que l’expérience VIP soit riche et bien vécue.”
Reste que la classe est toujours à la recherche d’un partenaire titre pour consolider dans la durée son calendrier et combler le retrait progressif des collectivités (voir notre article). “Le modèle de ne compter que sur les collectivités a vécu et sera encore plus aléatoire en 2026 avec les municipales”, confirme Emmanuel Versace. Proposé à 600 000 euros pour juste une année, ou à 450 000 euros pour un engagement de trois ans, le naming du championnat annuel – avec présence sur les coques et expériences VIP – n’a pour l’instant pas trouvé preneur. “Pour cela, il faut être capable de raconter une histoire et avoir un diffuseur pour des images de bon niveau”, poursuit l’organisateur.
Deux projets en quête de budget
L’absence de Grand Prix dans le Sud ne fait en tout cas pas les affaires du seul Méditerranéen de la flotte, le Marseillais Christopher Pratt, skipper de l’Ocean Fifty Wind of Trust-Fondation pour l’enfance, dont l’étrave d’un flotteur avait été arrachée pendant la Route des Terre Neuvas en août 2024. La pièce est en cours de fabrication chez Neo Sailing Technologies (ex Lalou Multi), mais reste à la greffer, soit un budget total de 50 000 euros, une somme dont ne dispose pas l’équipe phocéenne. “Nous auto-finançons le projet depuis un an et demi et n’avons plus les moyens”, confirme Christopher Pratt, qui recherche un minimum de 600 000 euros pour s’aligner en 2025, ce qui porterait à dix le nombre d’équipes alignées cette saison (pour onze bateaux).Dans une moindre mesure, Laurent Bourguès (Mon Bonnet Rose) fait aussi face à des difficultés pour boucler son budget suite au retrait de l’un de ses partenaires et cherche à innover en lançant une loterie dont le gagnant pourra voir son nom affiché sur la grand-voile du trimaran sur la Transat Café L’Or. Le ticket d’entrée est de 5 000 euros, le skipper espérant “toucher au moins 80 candidats, ce qui permettrait de boucler 50% de notre budget.”
Du côté des autres forces en présence, l’intersaison a été animée, avec notamment le remplacement de Francesca Clapcich par Anne-Claire Le Berre à la barre d’Upwind by MerConcept, le trimaran du projet 100% féminin soutenu par 11th Hour Racing, et l’association annoncée récemment entre Matthieu Perraut et Sébastien Rogues, qui apporte dans la corbeille son bateau, l’ex Primonial (mis à l’eau en août 2023), et une partie de son équipe, ce qui fait de l’Inter Invest Sailing Team le plus gros team du circuit (voir notre interview de ce dernier). Du coup, le précédent bateau du premier, plan VPLP mis à l’eau en 2017 pour Thibaut Vauchel-Camus, est à vendre, ouvrant la porte à un éventuel onzième entrant sur le circuit dès cette année.
Le Draoulec rachète Réalités
Du côté des nouveaux venus cette année, les regards seront braqués sur Edenred, seul bateau qui sortira en 2025, conformément au numerus clausus de onze trimarans qui régit la classe. Le démarrage tardif de la saison n’est pas pour déplaire à Emmanuel Le Roch et Basile Bourgnon, qui auront un petit mois pour prendre en main leur plan Neyhousser, sistership d’Inter Invest, construit chez Neo Sailing Technologies sous la direction technique de Quentin Vlamynck et attendu en mai. “Ça reste des bateaux assez simples en termes de systèmes et nous ne partons pas dans l’inconnu. C’est bien néanmoins d’avoir deux Acts en équipage avant de s’attaquer au Fastnet en double, qui nous servira de qualification pour la Transat Café L’Or”, explique Basile Bourgnon, “fier de renouer avec la tradition du multicoque à La Trinité-sur-Mer”, où est basé le projet.Autre changement majeur : l’ex Réalités de Fabrice Cahierc sera skippé par Erwan Le Draoulec, sur le point de conclure l’acquisition avec l’appui de… Tanguy Le Turquais. “Nous sommes en train de finaliser l’achat, avec un pool d’actionnaires passionnés, confirme le vainqueur de la Mini Transat 2017 (en série) sans préciser lesquels. Avec le numerus clausus, un bateau comme Réalités est un investissement sûr, même si réussir à le bloquer a été une petite aventure !“ Si le montant de la transaction n’a pas été révélé, un autre team, selon nos informations, a en effet fortement surenchéri pour acheter ce bateau bien né.
“Réalités est presque mieux qu’un bateau neuf, car il en a le niveau de performance tout en étant débuggé, poursuit Le Draoulec qui ne cachait pas depuis un an son envie de passer en multicoque. Nous n’avons pas de chantier à faire et dans un monde idéal, nous aimerions naviguer fin avril.” Le bateau sera basé à Locmiquélic et Tanguy Le Turquais prendra la casquette de team manager du projet. “Nous espérons nous aligner ensemble au départ de la Transat Café l’Or, mais il faut assurer le budget de fonctionnement qui s’élève à 1,2 millions d’euros par an”, ajoute l’ancien figariste. Pas le moindre des obstacles.
Photo : Vincent Olivaud