Après les Diam 24 et les Figaro, Tip & Shaft poursuit son tour des classes en ce début de saison en s’intéressant aux Multi50 qui, cette année, devraient être entre six et huit bateaux sur un programme mêlant large et grands prix, un doute subsistant sur la présence de multicoques de 50 pieds au départ de The Transat CIC. Forts de cette montée en puissance, les acteurs de la classe espèrent attirer de nouveaux entrants d’ici 2022.
Après une saison post-Route du Rhum de transition, qui aura réuni quatre bateaux sur les grands prix, trois sur la Transat Jacques Vabre, le cru 2020 s’annonce meilleur pour la classe Multi50. Six trimarans s’aligneront sur le circuit : Groupe GCA-1001 Sourires (Gilles Lamiré), Solidaires en Peloton-ARSEP (Thibaut Vauchel-Camus), Leyton, l’ex Arkema 3 désormais mené par Arthur Le Vaillant, Primonial (Sébastien Rogues), et deux nouveaux bateaux, Planet Warriors (Fabrice Cahierc, voir notre article publié l’an dernier) et Arkema 4 (Quentin Vlamynck).
Leur date de mise à l’eau ? “Fin mars à La Spezia, comme prévu, répond Fabrice Cahierc à propos du plan VPLP construit chez Persico. On fait ensuite des essais vers La Ciotat puis on remonte début avril à Saint-Malo.” Le timing est plus flou du côté du trimaran dessiné par Romaric Neyhousser, construit dans le nouveau chantier lancé par Lalou Multi, la structure de Lalou Roucayrol, qui explique : “On fait tout pour mettre à l’eau en mai-juin, en vue de la Québec-Saint-Malo. Maintenant, on n’a pas envie de bâcher, c’est le premier bateau qui va sortir de notre chantier dans lequel on place beaucoup d’espoir, il y a un enjeu économique et d’image important pour nous.”
Du côté des chantiers d’hiver, Primonial fait l’objet d’importantes modifications, détaillées par Sébastien Rogues : “On a un mât de nouvelle génération en construction chez Lorima, on va changer de moteur, refaire tout ou une partie du jeu de voiles, peut-être une dérive, et on réfléchit à un cockpit plus abrité.” Autant de travaux rendus possibles par des moyens à la hausse : “De nouveaux partenaires nous rejoignent”, confirme le Baulois (sans dévoiler le montant de son budget), qui a aussi pu étoffer son équipe avec notamment l’arrivée d’un directeur technique, Jean-Baptiste Gellée. Côté navigants, Matthieu Souben sera encore de la partie, l’équipage de la Québec-Saint-Malo (trois marins minimum) sera complété par un ou deux membres du team.
Moyens à la hausse également pour Gilles Lamiré : “Le projet va encore monter en gamme, avec de nouveaux partenaires cette année, ce qui va nous permettre de s’entourer de professionnels dans tous les domaines pour continuer à avoir la même ambition”. Dont Antoine Carpentier, qui devrait encore être de la partie après la victoire du duo sur la Transat Jacques Vabre. Du côté des marins dans les autres teams, Arthur Le Vaillant a fait appel à Aymeric Chappellier, qui ne cache pas ses envies de Multi50, Christophe Espagnon, et de son père Jean-Baptiste, grand spécialiste de multicoque ; Quentin Vlamynck fait équipe avec Lalou Roucayrol, César Dohy, Phil Sharp et Pierre-Antoine Morvan ; Fabrice Cahierc avec son boat-captain Thierry Duprey, Antoine Lauriot-Prévost (fils de Vincent), “qui a fait tout le suivi du bateau et a piloté sa conception”, Alan Pennanéac’h et Philippe Corsec ; Thibaut Vauchel-Camus naviguera toujours avec Jérémie Lagarrigue et Martin Bazin.
En plus de ces six équipes, deux bateaux restent à louer ou à vendre : l’ancien La French Tech Rennes Saint-Malo de Gilles Lamiré (ex Prince de Bretagne, 450 000 euros hors taxes) et Ciela Village de Thierry Bouchard, toujours mis à prix à 1,8 million d’euros HT. “Pas mal de skippers sont intéressés, mais tout le monde cherche de l’argent. Je me dis que plus on approche de la Route du Rhum, plus les projets vont s’affirmer”, explique le propriétaire qui ajoute : “Si rien ne se profile d’ici mai-juin, on mettra certainement le bateau à l’eau pour courir les Grands Prix, comme l’année dernière.”
Enfin, Eric Defert, qui a remis à l’endroit aux Bahamas Drekan Group, retrouvé l’année dernière après plus d’un an de dérive (il avait dû l’abandonner avec Christopher Pratt sur la Jacques Vabre 2017 après avoir chaviré), nous confie réfléchir avec son partenaire à “toutes les options” pour revenir sur le circuit en 2021, tandis que, selon nos informations, un second bateau pourrait être construit dans les moules de celui de Fabrice Cahierc.
De quoi faire dire à Sébastien Rogues : “La classe a aujourd’hui suffisamment de bateaux sur le long terme, ce qui faisait défaut avant : tous les projets actuels ont clairement la vision d’aller jusqu’à la Route du Rhum, sur laquelle on peut imaginer être huit ou neuf.” Quentin Vlamynck ajoute : “Il faut que les gens arrêtent de penser que la classe Multi50 est une roue de secours quand ils n’ont pas de budget pour le Vendée Globe, la classe mérite d’exister autant que les autres.”
Et tous de mettre en avant ses atouts : le côté fun du multicoque, une jauge qui permet aux anciens trimarans de rester compétitifs par rapport aux nouveaux, un support désormais fiable (cinq sur six à l’arrivée de la Route du Rhum, trois sur trois à celle de la Jacques Vabre), un programme mêlant solitaire, double et équipage, des possibilités de RP sur les grands prix et des tarifs raisonnables. Interrogé sur le sujet, Fabrice Cahierc, désormais investi “à 90%” dans son projet voile, nous confie ainsi avoir dépensé environ 3 millions d’euros HT pour son plan VPLP pour un budget de fonctionnement annuel de 400 000 euros HT : “sans le salaire du skipper, je ne me paie pas” (soit environ la moitié de celui des plus grosses équipes).
Tous ces arguments permettront-ils d’attirer de nouveaux entrants ? “J’ai plein de copains figaristes ou de coureurs en Class40 qui m’appellent pour me demander combien ça coûte, s’il reste des bateaux… C’est une classe qui attire dans notre microcosme, répond Arthur Le Vaillant. Après, on a une grande marge de progression, notamment en termes de communication : il manque un vrai « storytelling » autour de la classe Multi50, il faut arriver à utiliser la magie des multicoques comme à l’époque des Orma”. Parmi les figaristes en question, Gildas Mahé ne cache pas son intérêt pour le support : “Je trouve le programme varié et le coût global reste dans des proportions maîtrisées, je trouve ça intelligent, je réfléchis.”
L’attrait de la classe passe aussi par un programme de courses visible sur le long terme. Celui de cette saison ne l’est pas tout à fait, avec notamment une interrogation concernant The Transat CIC. Thibaut Vauchel-Camus et Gilles Lamiré étaient les seuls candidats au départ : Fabrice Cahierc et Arthur Le Vaillant se voyaient mal débuter en Multi50 par une transat en solitaire, le chantier de Primonial sera à peine terminé, Arkema 4 ne sera pas encore à l’eau. Une participation insuffisante au regard de l’avis de course (quatre bateaux minimum par classe), au grand regret de Gilles Lamiré : “Moi, ce qui m’intéresse, c’est de faire les grandes courses historiques, je cours pour ça, pas pour les grands prix. Je veux à tout prix à être au départ de la transat anglaise.”
Le vainqueur de la Transat Jacques Vabre se démène donc pour trouver preneur pour son ancien trimaran qui “peut être prêt rapidement”, ce qui ferait trois bateaux, à condition que Thibaut Vauchel-Camus soit d’accord. Suffisant pour être accepté par les organisateurs de The Transat ? “Deux, c’était exclu, on leur avait d’ailleurs proposé de faire une classe 50-80 pieds pour inclure le bateau de Romain Pilliard, ils n’ont pas voulu. A trois, nous serions ouverts, nous l’avions déjà fait en 2016 avec les Ultims”, répond Hervé Favre, directeur général d’OC Sport.
La suite de la saison ? Certains Multi50 devraient participer à la Route Halifax-Saint-Pierre (départ 26 juin) et/ou à la nouvelle Route Saint-Pierre-Québec (29 juin) pour rallier le port de départ de la Québec-Saint-Malo (départ le 12 juillet), le grand objectif de l’année, avant une saison de grands prix qui passera par Saint-Malo, nouvelle étape avec Franck-Yves Escoffier à l’organisation, la baie de Saint-Brieuc, Brest, et sans doute La Rochelle au moment du Grand Pavois.
Plusieurs Multi50 se rendront enfin en Espagne, à Malaga, pour un warm-up de démonstration en vue d’une nouvelle transat en équipage prévue en ouverture de la saison 2021 entre le port andalou et New York – une transat retour aura sans doute également lieu. Soit une course 100% Multi50, ce qui répond au souhait de la classe d’avoir des épreuves qui lui soient propres : “Il manque une course référence. L’Imoca fonctionne parce qu’il y a le Vendée Globe, si on arrivait à un moment donné à faire un tour d’Europe ou quelque chose comme ça, ce serait magique”, estime Arthur Le Vaillant. Ce à quoi Erwan Le Roux, toujours président de la classe répond : “Rechercher une course référence, ce n’est pas évident, mais la volonté est d’étoffer un peu notre programme sportif à côté des courses multi-classes, pour qu’il soit intéressant à la fois pour les skippers et pour les partenaires.”
Photo : Jean-Louis Carli/Alea
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