Troisième du Grand Prix Valdys couru en équipage, Armel Tripon est désormais concentré sur ses derniers entraînements en solitaire en vue de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe qui sera sa dernière course en Multi50 sur Réauté Chocolat. Car l’année prochaine, le Nantais lancera son projet de Vendée Globe avec un foiler neuf, attendu en août. Il évoque cette double actualité pour Tip & Shaft.
Tu avais peu d’expérience du multicoque avant de te lancer sur ce projet, as-tu fait appel à des compétences extérieures pour t’aider à te familiariser avec ce bateau en vue de la Route du Rhum ?
Oui, j’ai eu un échange très fructueux sur la gestion du large à haute vitesse avec Thomas Rouxel, venu naviguer quelques jours en mai à Douarnenez. J’ai aussi eu Bruno Jourdren à bord, plus sur du placement par rapport aux autres bateaux et du travail sur les phases de départ. C’est peut-être anecdotique au regard d’une Route du Rhum, mais ça peut permettre d’aborder dans les meilleures conditions la première phase du parcours. Et Tanguy Leglatin, avec lequel je travaille depuis longtemps, est venu naviguer avec une casquette de tacticien plus que de coach, c’était intéressant d’avoir son approche dans cette position, d’autant qu’il va être mon routeur sur le Rhum aux côtés d’un prévisionniste météo, Nicolas Le Friant – avec qui je travaille depuis la Mini en 2003 – et de mon boat-captain, Vincent Barnaud.
As-tu au bout d’un an et demi l’impression de maîtriser ta machine ?
Il y a pas mal de phases où je me sens bien, d’autres où j’ai encore quelques trous, notamment dans du vent soutenu avec de la mer. Il faut que j’aille naviguer dans ces conditions, ce qui devrait être le cas la semaine prochaine, pour mieux appréhender cet aspect, trouver les bonnes configurations de voiles, réussir à rester lucide. Parce que ces bateaux sont un peu des karts : ils sont sympas en côtier, mais en océanique, c’est un peu chaud, surtout en solitaire. Il faut trouver le bon compromis entre naviguer vite et ne pas trop toiler pour ne pas se faire dépasser par la machine qu’on a parfois tendance à devoir brider, car dans certaines conditions, le bateau est quand même assez hallucinant, j’ai eu des phases d’entraînement à 25-30 nœuds en permanence sous pilote et ça accélérait tout le temps.
Qu’ont apporté les foils aux Multi50 ?
Ça a permis au bateau de s’alléger. On a des conditions où il n’y a plus que le foil et le safran au contact de l’eau, on a gagné 25% de vitesse à certaines allures. Et en même temps, les foils amènent une certaine stabilité, le bateau est beaucoup plus sain en conduite. Après, il va falloir bien surveiller comment les bateaux vieillissent, parce que comme on atteint des vitesses beaucoup plus élevées, ça engendre des charges et des contraintes mécaniques qui n’existaient pas auparavant.
Où te situes-tu quand tu observes les forces en présence sur la Route du Rhum ?
Nous sommes six : un amateur éclairé (Thierry Bouchard), un autre avec un bateau moins compétitif, puisqu’il n’a pas de foils (Gilles Lamiré), et quatre pros qui, a priori, se détachent, dont deux menés par des skippers qui ont beaucoup plus d’expérience à la fois du Multi50 et du solitaire, Erwan (Le Roux) et Lalou (Roucayrol). Maintenant, c’est impossible de parler d’objectif, sinon de d’abord finir.
Tu te lances à partir de l’année prochaine sur ton projet Imoca, où en est la construction et peux-tu nous parler des choix architecturaux ?
Les plans sont figés depuis un moment, on en est à la fabrication de l’outillage et on est en train de finir le travail sur la géométrie des foils. Le début de la construction de la coque et du pont est prévu à l’automne pour un objectif de mise à l’eau au mois d’août. Quant aux choix, ce sera radicalement différent de Charal : nous sommes partis sur une carène plus puissante qu’eux, l’idée est d’avoir un bateau qui démarre tôt et ne s’arrête pas, et de garder des vitesses moyennes élevées. D’après ce que j’ai pu voir, pour Charal, ils ont tout misé sur le foil avec peu de volume à l’avant et une carène peu puissante. Et je crois savoir que le prochain VPLP ne sera pas le même, que Verdier va encore faire autre chose et que Juan (Kouyoumdjian) est parti sur un truc complètement différent. On avait eu tendance ces dernières années à aller vers de la monotypie, là, il va y avoir des vrais choix marqués, c’est riche.
Tu as choisi pour ce bateau un architecte, Sam Manuard, et un chantier, Black Pepper, nouveaux venus dans la classe Imoca, est-ce un pari ?
Non, ce n’est pas un pari. Le chantier, auquel je suis associé depuis quelques années, cela faisait un petit moment que j’avais envie de travailler avec lui et je connais sa capacité à construire un bateau avec un haut degré de qualité. Quant à l’architecte, je l’ai choisi sans même faire appel à d’autres.Au fil de la discussion avec Sam, que je connais aussi depuis longtemps, puisqu’on a couru en Mini en même temps et que j’ai navigué sur ses bateaux en Class40, j’ai vite vu qu’il était prêt à bondir et opérationnel, il s’était organisé pour dessiner un Imoca avec une équipe autour de lui de structuristes et de calculateurs. Son œil à la fois navigant et architecte lui donne une vraie pertinence, notre discussion a eu lieu en octobre, et en novembre, c’était parti !
Qu’en est-il d’une éventuelle collaboration avec le chantier hongrois Pauger Carbon Composites à qui l’on doit notamment les RC44 et l’ex Spirit of Hungary de Nandor Fa ?
L’essentiel du bateau sera fait à Nantes chez Black Pepper [qui a déjà collaboré avec Pauger sur le Code 2, NDLR], après, une partie des pièces en composite sera sous-traitée chez eux.
Où en es-tu dans le montage budgétaire de ton projet Vendée Globe ?
Aujourd’hui, j’ai des discussions très avancées pour boucler une bonne partie du budget de fonctionnement, je ne peux pas révéler le montant, mais je pense que c’est un budget moyen d’une équipe Imoca.
Ouest-France parle ce vendredi matin d’un partenariat avec L’Occitane, qu’en est-il ?
Il y a des discussions avec plusieurs partenaires, dont, effectivement, L’Occitane, avec lequel j’ai une relation de confiance parce que nous avons déjà fait du bateau ensemble. Mais rien n’est signé et on sait très bien que dans ce genre de projet, tout peut se passer tant que ce n’est pas signé. Et vis-à-vis de mon partenaire actuel, Réauté Chocolat, je ne veux rien annoncer, parce que pour le moment, l’histoire se passe avec eux et je veux bien la terminer en Multi50. Par respect pour eux, je n’ai pas envie de divulguer maintenant ce genre d’information.
As-tu hâte de retrouver la classe Imoca que tu as touchée du doigt il y a quatre ans ?
Quand j’ai vu Charal mis à l’eau, ça m’a donné carrément envie, et c’est vrai que c’est un bel aboutissement pour moi de mener à bien ce projet de Vendée Globe. Après, c’est aussi génial de faire du Multi50, je suis tombé complètement amoureux de ces bateaux ! C’est une super entrée dans le monde du multicoque en course au large, avec une facilité de mise en place qui permet de naviguer tout le temps.