90 skippers s’élancent lundi – le départ a été reporté de 24 heures – des Sables d’Olonne pour la Mini Transat EuroChef, en direction de Saint-François (Guadeloupe), via Santa Cruz de la Palma (Canaries), où sera jugée la première étape. Comme avant chaque grande course, Tip & Shaft s’est entouré d’experts pour se prêter au jeu des pronostics : Tanguy Leglatin et Julien Pulvé, entraîneurs de groupes de ministes à Lorient et à La Rochelle, François Jambou, tenant du titre en proto, qui coache les 6.50 à Concarneau, le directeur de course Denis Hugues, et David Raison, architecte et ancien vainqueur, ont répondu à l’appel.
L’annonce d’un front froid sur le golfe de Gascogne dans la nuit de dimanche à lundi a finalement conduit au report de 24 heures du départ de la Mini-Transat EuroChef. Face à un engouement inégalé (137 dossiers déposés), ils seront finalement 90 (au lieu de 84) à s’élancer, ce qui fera de cette Mini-Transat la plus disputée de l’histoire.
“Les courses d’avant saison, notamment le Mini Fastnet et la Puru Challenge Race (ex-Transgascogne) ont été ventées et le taux d’abandon a été faible, ce qui est un bon signal”, analyse Denis Hugues, qui assure une nouvelle fois la direction de course. “J’espère que tous iront au bout de leur transat. Comme je dis toujours : mon favori, c’est le dernier !” ajoute l’inamovible patron de la flotte, qui se prête avec prudence au jeu des pronostics.
Tandem de choc
en proto
Chez les protos, comme l’ensemble des experts interrogés, Denis Hugues cite d’abord Tanguy Bouroullec qui s’élance sur son Pogo Foiler, rebaptisé Tollec MP, pour la deuxième édition consécutive. Mis à l’eau tardivement il y a deux ans, son plan Verdier, construit au chantier familial Structures, avait terminé 5e, l’engin est désormais parfaitement au point. La preuve : son skipper a remporté quasiment toutes les grandes courses depuis plus d’un an : Les Sables-Les Açores en Baie de Morlaix en 2020, Select 6.50, Mini en Mai et Mini Fastnet en 2021. “Tanguy coche beaucoup de cases. Il a l’expérience, le feeling de la glisse et il est très à l’aise en stratégie, analyse Tanguy Leglatin. Son bateau est maintenant au point et il en a une parfaite compréhension. C’est capital sur les protos qu’il faut savoir surveiller et ménager sur la durée d’une transat.”
Deuxième nom à revenir sur le dessus de la pile, celui de Pierre Le Roy qui s’aligne sur TeamWork, le dernier plan Raison construit (1019), sistership du 865, double vainqueur de la Mini – en 2019 avec François Jambou et en 2017 avec Ian Lipinski. Prévisionniste chez Météo France à Lille, le skipper a remporté cette année la Puru Challenge Race. “C’est vraiment la course à ne pas rater dans le calendrier, celle que tu fais après ton chantier d’été et la dernière avant la Mini”, explique David Raison, lui-même vainqueur de la Mini Transat en 2011.
“Comme Tanguy, Pierre a l’expérience d’une première Mini Transat (5e en série en 2019). Il a une très bonne compréhension des grands systèmes météo. Son bateau a été remarquablement préparé, c’est un client pour le podium”, ajoute Tanguy Leglatin. Julien Pulvé, voit aussi ces deux garçons sur le podium, avec un avantage à Tanguy Bouroullec : “Ça promet une belle empoignade, mais je pense que Tanguy aura l’ascendant psychologique avec cette faculté d’être très à l’aise au large. C’est sans doute lui qui imprimera le rythme.”
Le jeu est ouvert
pour les outsiders
Le foiler aura-t-il un avantage sur le parcours ? Pour François Jambou, c’est sur l’enchaînement météo classique de la première étape que cette option architecturale, absente des plans Raison, peut s’avérer décisive : “Sur une course aussi longue, tu augmentes les risques de casse avec les foils, mais s’il y a un front à négocier avec du débridé derrière et que le bateau tient, ça peut faire très mal à l’arrivée aux Canaries.”
Et derrière ce duo ? Tous nos consultants s’accordent pour dire que le jeu est assez ouvert avec plusieurs outsiders sérieux, comme la Russe Irina Gracheva (Path, plan Lombard 800), qui participe à sa deuxième Mini et a montré qu’elle pouvait s’imposer en remportant le Trophée Marie-Agnès Péron cette année.
Même profil pour l’italien Fabio Muzzolini sur son plan Lombard 945 (Tartine sans beurre, l’ex bateau d’Axel Tréhin, 2e en 2019), qui a lui aussi l’expérience d’une première transat et s’est montré capable de belles choses (2e de la Puru Challenge Race). Le nom de Sébastien Pébelier, ex-président de la classe Mini est aussi cité pour le podium, lui qui court sur Decosail, le dernier plan Manuard construit en 2010, refité cette année avec un brion coupé. “C’est un bateau qui peut faire mal au portant VMG sur la deuxième étape”, note Tanguy Leglatin.
Un véritable championnat
des constructeurs en série
Avec 65 concurrents, la catégorie série est encore une fois la plus représentée. Et derrière le match des skippers, c’est un véritable championnat des constructeurs qui s’y déroule. Trois modèles jouent la victoire : le Pogo 3, tenant du titre (plan Verdier, chantier Structures, 19 concurrents), le Maxi 650 (plan Raison, chantier IDB Marine, 14 concurrents contre 5 en 2019) et le Vector 650 dont c’est la première apparition au classement série (plan Bertrand, chantier Fornaro, 3 concurrents).
“Le match est plus ouvert qu’en 2019. C’est d’ailleurs le petit jeu sur le village départ, personne ne saurait dire qui peut gagner, d’un Maxi, d’un Vector ou d’un Pogo 3, notait Jean Lorre, président de la classe Mini, dans notre podcast Pos. Report. Les Pogo 3 peuvent encore gagner, mais ils ne sont plus dans un fauteuil comme il y a deux ans.“
Les faits sont là, cependant : les Maxi 650 ont trusté les podiums cette année. Les bateaux semblent fiables et l’allongement de la corde de leur quille a gommé leurs défauts de jeunesse au près. Hugo Dhallenne revient le plus souvent en tête du trio gagnant de nos experts, lui qui a remporté cette année la Plastimo Lorient Mini, la Pornichet Select et la Mini en Mai sur son Maxi YC St-Lunaire. Sont également évoqués Romain Le Gall (Les Optiministes Tribord, autre Maxi 650) et Quentin Riché (Race for Pure Ocean, Pogo 3), qui s’entraînent tous les deux à La Rochelle. “Ils ont montré leur capacité à tenir le rythme sur des courses longues en avant-saison. Ils travaillent tous les deux depuis deux ans sur leur projet et ont de l’expérience”, commente Julien Pulvé.
“On n’est pas à l’abri
d’une surprise”
Sortis en 2020, les Vector 650 ne sont que trois au départ, mais Alberto Riva(Ediliziacrobatica), vainqueur de la Puru Challenge Race, semble un excellent ambassadeur pour le plan Bertrand. “Je le connais peu, mais il a manifestement beaucoup de talent, se risque Tanguy Leglatin. J’en ferais presque mon favori tant il a démontré des qualités de vitesse, de placement et de stratégie”. Entraîné par Ambrogio Beccaria, qui avait écrasé la concurrence sur son Pogo 3 il y a deux ans, Riva pourrait signer un doublé italien. Pour Denis Hugues, “il n’a pas forcément le meilleur bateau car il semble enfourner plus que les Maxi mais il le fait marcher remarquablement.”
Autres marins cités par nos experts : Jean Marie Jézéquel sur son Maxi 650 Fond Apro, Léo Debiesse (Pogo 3 Les Alphas), vainqueur du Trophée Marie-Agnès Péron, mais aussi Anne-Claire Le Berre (Maxi 650 Rendez-vous Equilibre), qui après la voile olympique et la direction du bureau d’études de l’Imoca Initiatives Cœur, s’offre une parenthèse au large qui semble bien lui convenir (3e de la Puru Challenge Race).
Et certains pourraient encore sortir du bois. “L’exercice de la Mini Transat est tellement différentde tout ce qui se joue en avant-saison qu’on n’est pas l’abri d’une surprise”, estime Julien Pulvé. Même analyse chez Tanguy Leglatin : “80% de la flotte va découvrir le grand large et la qualité principale pour y performer est de prendre du plaisir. C’est la clef pour être régulier dans la performance.”
Verdict à partir du 9 novembre à Saint-François.
Les podiums de nos experts :
Proto : 1. Tanguy Bourroulec, 2. Pierre Le Roy, 3. Fabio Muzzolini
Série : 1. Hugo Dhallenne, 2. Alberto Riva, 3. Quentin Riché
Photo : Mini Transat EuroChef 2021 / Christophe Breschi