Quatrième en proto de La Boulangère Mini Transat 2023, Marie Gendron poursuit cette saison sur le circuit Mini, signant notamment sa première victoire, sur la Mini en Mai, avant d’enchaîner sur une deuxième place lors du Trophée Marie-Agnès Péron. A 30 ans, la skippeuse de Léa Nature aimerait enchaîner avec un projet de Class40, comme elle l’explique à Tip & Shaft.
► Peux-tu nous raconter comment la voile de compétition a commencé pour toi ?
Je suis originaire de la campagne nantaise et mes parents, en bons Mayennais, se sont dit quand ils ont débarqué à Nantes qu’ils allaient voir à quoi ressemblait la mer, et ils ont acheté un petit bateau sur lequel j’ai découvert la voile. Ensuite, j’en ai fait ma passion, je suis devenue monitrice, j’ai fait de la compétition en Hobie Cat 16 et en J80. Jusqu’au moment où j’ai eu envie de construire un bateau. J’étais en IUT Sciences et génie des matériaux à Nantes, je me suis dit que ça pouvait être un super projet étudiant à mener. Et voilà comment a débuté, en 2012, l’aventure de mon premier Mini, à 18 ans, sans rien n’y connaître.
► Comment s’est passée cette construction ?
Ça a été très long ! Guillaume Verdier m’a filé un coup de pouce en me filant gratos les plans et je me suis retrouvée à gérer une équipe de 18 étudiants. A 18 ans, on croit que ça va durer trois mois, mais évidemment, ça n’a pas été le cas. Au bout d’un an, je suis partie à Lorient continuer mes études en laissant le bateau en puzzle à Nantes, où je retournais pour l’assembler tous les week-ends et les vacances. Après, je suis allée en master à Bordeaux, je n’avais ni temps ni argent mais je ne voulais pas lâcher l’affaire et j’ai fini par trouver des partenaires, le principal étant la SNCF. Ce qui m’a permis de finir le bateau et de me lancer enfin en Mini en 2018. Je termine 10e de la Mini Transat 2019, avec une première étape qui se passe bien [4e], une seconde pendant laquelle ma quille s’ouvre en deux. A l’arrivée, j’avais une envie de revanche, parce que le projet avait été chouette, mais extrêmement laborieux et coûteux personnellement. Et sportivement, j’avais la sensation que je pouvais mieux faire.
“Mon envie de revanche
était pleinement satisfaite”
► Tu as donc décidé de remettre ça ?
Oui, au début, je voulais me relancer en série, mais le Covid est passé par là. J’ai trouvé un job alimentaire chez Naval Group à Lorient, tout en cherchant un partenaire pour la Mini, finalement en proto, car j’avais compris que le série n’était pas pour moi : j’aime trop la mécanique, le composite, l’optimisation de la performance. Au bout de quelques mois de recherches, j’ai eu la chance de voir la SNCF revenir et de trouver un armateur et partenaire principal, Léa Nature, ce qui m’a permis de lancer la construction et de mettre à l’eau en mai 2022. Je m’étais dit qu’en choisissant un plan Raison, j’allais augmenter mes chances de faire des podiums, mais je me suis retrouvée avec DMG Mori qui en a aussi construit deux, pareil pour les Frérots, tout le monde s’y est mis et on s’est retrouvés avec une armada de protos Raison ! Mais ça nous a tous vachement tirés vers le haut et j’étais clairement dans de super conditions au départ de la Mini 2023.
► Quel bilan en as-tu tiré ?
Sur la première étape, je suis dans le coup, je finis 5e à deux heures du premier. Sur la deuxième, je prends d’entrée l’option sud avec Laure Galley et quelques bateaux de série, je suis alors passée 2e. Pour moi, c’était une énorme récompense de me retrouver un jour 2e sur une carto de Mini Transat. Quand on sait d’où je viens, à aucun moment, je n’aurais imaginé ça ! Sur la deuxième partie de la course, j’ai voulu sécuriser ma position, si bien que j’ai perdu ma deuxième place et ça s’est fini en bataille pour la troisième avec Julien Letissier la dernière nuit. J’ai réussi à la conserver, malheureusement, il m’a manqué quelques minutes pour passer devant lui au général. Après, j’étais très heureuse de cette quatrième place, mon envie de revanche était pleinement satisfaite. Et j’ai beaucoup appris, en réussissant à structurer et à gérer ce projet de A à Z. Mine de rien, c’est quelque chose qui compte sur un CV.
“La Route du Rhum
me fait énormément vibrer”
► Tu as continué cette année [elle est liée avec ses partenaires jusqu’à la fin de la saison] avec des résultats à la hausse, dont ta première victoire, sur la Mini en Mai, comment l’expliques-tu ?
Je pense que les années d’avant, je n’osais pas assez poser le cerveau et y aller à fond. Là, j’attaque chaque course avec une autre vision, je suis moins dans l’affect du bateau mais plus dans son utilisation max, et j’ai la niaque. J’étais très contente de gagner la Mini en Mai, et cette victoire, je ne l’ai pas volée, car il y avait de la concurrence, notamment de la part des foilers qui sont maintenant fiabilisés.
► Quelle est la suite du programme ?
Il me reste une compétition au calendrier, la SAS, et ensuite, je compte bien continuer dans la course au large, je me sens tout à fait les épaules de mener un projet Class40, c’est en tout cas mon ambition. Je vais rencontrer Léa Nature la semaine prochaine, on va voir ce qu’ils ont envie de faire.
► Pourquoi le Class40, plus que le Figaro, par exemple ?
Déjà parce que si je regarde le calendrier, se profile la Route du Rhum 2026, une course qui me fait énormément vibrer, beaucoup plus que la Solitaire. Si elle avait été dans quatre ans, j’aurais peut-être calé une année de Figaro le temps de construire un bateau neuf et d’augmenter mon niveau de régatière, mais là, il faut y aller, essayer de trouver un bateau et vite naviguer !
► Te sens-tu aujourd’hui 100% skippeuse professionnelle ?
Je préfère dire que je suis totalement entrepreneuse car sur mon projet, je fais tout : la compta, la com – même si je fais appel à des prestataires -, le chantier, et c’est hyper gratifiant. Le prochain défi va être de s’ouvrir au travail en équipe, c’est aussi pour ça qu’un projet Class40 me tente beaucoup.
Photo : Manon Le Guen