Après les premières courses en Méditerranée, la saison Mini 6.50 a débuté à son tour en Atlantique avec la Plastimo Lorient Mini qui s’est achevée dans la nuit de samedi à dimanche (victoires de Frédéric Denis et Luke Berry sur Rousseau Clôtures en proto, de Jean-Marie Jézéquel et Benoît Hantzperg en série). Comme chaque année impaire, l’engouement est très fort sur toutes les épreuves dans la perspective de la Mini-Transat La Boulangère. Tip & Shaft fait le point sur les enjeux et les tendances de cette saison 2019.
Des courses qui affichent complet
Année de Mini-Transat oblige, l’engouement est très fort sur toutes les courses du calendrier, avec des participations record enregistrées sur les premières épreuves en Méditerranée – Arcipelago et Grand Prix d’Italie notamment – et des courses en Atlantique qui affichent toutes complet avec des listes d’attente. “Quand une Mini-Transat se passe bien comme cela a été le cas en 2017, avec du beau temps et du portant tout le long, tout le monde veut faire la suivante. Il y a en général moins de listes d’attente après une Mini courue au près dans le Golfe de Gascogne”, sourit Denis Hugues, directeur de course de la Mini-Transat La Boulangère.
Cette dernière compte à l’heure actuelle plus de 100 prétendants pour 84 places, 42 marins ayant à ce jour rempli les critères de qualification (1 000 milles en solitaire hors course sur un parcours défini et 1 500 milles en course, dont au minimum 500 en solitaire). D’où la course aux milles, dans laquelle sont lancés depuis le début de l’année les candidats à la Mini-Transat, et cette présence massive sur les courses en Méditerranée.
Cet engouement se mesure aussi au regard du développement des pôles d’entraînement : en plus de ceux installés depuis plusieurs années – La Rochelle, Lorient, Concarneau, La Grande Motte -, certains sont en forte croissance : “Le pôle de Barcelone s’est énormément développé, tout comme celui de La Turballe, qui attire les ministes vivant à Nantes et propose des conditions intéressantes pour les places de port”, confirme le président de la classe Mini, Sébastien Pebelier. Un nouveau pôle vient par ailleurs d’être créé à Ouistreham.
Proto : un trio de favoris, l’épouvantail Bourroulec
Respectivement premier et deuxième du Championnat de France de course au large en solitaire Mini 6.50 en 2018, Erwan Le Méné (sur le 800 Rousseau Clôtures) et François Jambou (sur le Maximum 865 Team BFR Marée haute jaune, qui, avec Ian Lipinski à sa barre, avait tout gagné en 2016 et 2017) joueront à n’en pas douter une nouvelle fois aux avant-postes cette saison. Ils devront compter avec la concurrence d’Axel Tréhin sur le 945 Cherche partenaire, une évolution du plan Lombard d’Erwan Le Méné, mis à l’eau l’an dernier, qu’il a lui-même construit. “Le bateau est très léger et sur des prototypes, le rapport poids/puissance est vraiment important, note Tanguy Leglatin, qui entraîne les ministes du pôle de Lorient Grand Large, dont Axel Trehin fait partie. Il semble plus polyvalent que le 865 même si ce dernier reste au-dessus dans les allures rapides.”
Le skipper précise, à propos de la concurrence : “Erwan Le Méné sera clairement encore un client, il connaît très bien son bateau, sait tirer les bons bords et aller vite.” Un Erwan Le Méné qui, fort d’un budget finalisé, a décidé de se focaliser sur le solitaire, la Mini étant son objectif majeur : “L’année dernière, j’avais fait une très belle saison, en ne faisant que des podiums dont quatre victoires ; cette année, j’enlève les courses en double pour moins naviguer et ne pas arriver cramé sur la Mini-Transat”.
Un nouvel arrivant pourrait menacer ce trio : le scow à foils de Tanguy Bouroullec sur plan Verdier, construit par le chantier de son père Christian, Pogo Structures. “Un bateau innovant et polyvalent” que le skipper de Cerfrance, 4e de la Mini-Transat en série il y a deux ans, espère mettre à l’eau pour la Mini en Mai. Pas trop tard pour être mis au point dans les temps en vue de la Mini-Transat ? “On espère avoir construit un bateau pas trop fragile pour y arriver. Si c’est le cas, je viserai un podium“, répond Tanguy Bouroullec.
Qu’en pensent ses futurs rivaux ? “Son seul objectif sur les courses auxquelles il va participer va être de finir pour se qualifier, ce qui va quand même pas mal l’empêcher de pousser le bateau et de le découvrir, commente Erwan Le Méné. En plus, Tanguy vient du série, et on navigue vraiment d’une façon très différente en proto.” Tanguy Leglatin complète : “D’expérience, c’est un peu tard, mais on a l’exemple d’Isabelle Joschke qui, en 2007, avait mis à l’eau son proto tard et quand même gagné la première étape de la Mini.” Avant de connaître des problèmes techniques dans la seconde…
Série : Pogo 3 vs scows
Si la saison 2018, comme la Mini-Transat 2017, a été dominée par les Pogo 3, leur suprématie devrait être menacée cette année par l’arrivée de deux nouveaux bateaux de série, tous les deux en forme de scows : le Maxi 6.50, signé David Raison, et le Vector 650 d’Etienne Bertrand. Ce dernier n’a pas encore rempli toutes les conditions pour être labellisé série (dix exemplaires sur le circuit, dont cinq jaugés, et un nombre de milles minimum pour le premier mis en circulation), mais cela devrait être le cas dans les prochaines semaines. “La tendance est à la « scoïsation », avec potentiellement plus de puissance pour ce style de carène. Je n’ai pas été plus impressionné que ça l’année dernière, on va voir ce que ça va donner avec les mises au point effectuées depuis le début de l’année”, note Denis Hugues.
En 2018, ont pu être vus en course le 951 Williwaw, de Paul Cloarec (Maxi), et le 956 Caraïbe Course au large, de Kéni Piperol (Vector). Leurs premiers entraînements de la saison à Lorient ont visiblement apporté quelques réponses : “Clairement, ils progressent, analyse Tanguy Leglatin. Dans le petit medium, 8-12 nœuds, les Pogo 3 sont encore assez à l’aise parce que les scows manquent de longueur à la flottaison et traînent encore beaucoup de surface mouillée. Mais au reaching ou au portant VMG au-dessus de 20 nœuds de vent, la vitesse est vraiment impressionnante : le différentiel est de l’ordre d’un nœud voire plus.” Frère de Paul, le figariste Damien Cloarec, qui a également testé le plan David Raison, ajoute : “En plus d’être plus puissant, le bateau ne mouille pas du tout, sur une transat, c’est hyper important. Là où en Pogo 3, les mecs sont sous l’eau en combi sèche, sur le Maxi, tu es en bas de ciré au sec.”
Quid du match entre Maxi et Vector ? “Sur les speed-tests, on est clairement plus polyvalents que lui, assure Jean-Marie Jézéquel, co-propriétaire du Maxi Williwaw (il disputera la Mini en 2021). Le Vector est parfois plus rapide que nous, mais dans des ranges très réduits (reaching sous foc) et au portant dans la brise, il enfourne plus.” Impressions confirmées par Tanguy Leglatin : “Le Vector a une carène plus tendue, il démarre potentiellement plus vite, par contre en comportement à la mer, il est plus compliqué, il enfourne et s’arrête vite. Il y a plus de travail à faire pour trouver les bonnes solutions, mais on va y arriver.” Etienne Bertrand, qui sort tout juste du Grand Prix d’Italie avec Keni Piperol, estime de son côté que les deux bateaux sont “kif-kif en performances”, rappelant au passage : “La différence va aussi beaucoup de faire sur les voiles et la conduite du bateau”.
Un constat sur lequel tous sont finalement d’accord : “Si je n’ai pas opté pour le Maxi, c’est parce que je tenais absolument à faire Les Sables-Les Açores l’année dernière, explique Félix de Navacelle, qui court en Pogo 3 et s’entraîne au pôle de La Rochelle. Je reste convaincu que le nombre d’heures de navigation prend le dessus sur la performance du bateau.“ Il est rejoint par Denis Hugues : “Ceux qui ont fait Les Sables-Les Açores ont forcément un avantage parce qu’ils ont l’expérience d’une course au large avec des phénomènes météos différents et dix jours passés en de mer”. Tanguy Leglatin ajoute : “Aujourd’hui, ceux qui, à Lorient, naviguent en Pogo 3 sont mieux préparés parce que leur projet a été lancé l’année dernière”.
Et l’entraîneur lorientais de citer l’Italien Ambrogio Becaria, considéré par beaucoup comme l’un des principaux prétendants à la victoire sur la Mini-Transat, Amélie Grassi, Mathieu Vincent et Pierre Le Roy. Du côté de La Rochelle, Julien Pulvé, qui dirige le pôle Mini, met en avant Félix de Navacelle, Lauris Noslier et la toute jeune Violette Dorange (17 ans), tandis qu’à Concarneau, Gildas Morvan, qui s’occupe avec Erwan Tabarly de l’entraînement, cite Ronan Gabriel, Julien Letissier et Patrick Dijoud. D’autres, comme Nicolas d’Estais et Sébastien Gueho, semblent aussi en mesure de jouer aux avant-postes. La première course en solitaire de la saison, la Pornichet Select (départ le 27 avril) devrait donner de premières indications.
Déferlante : les Mini à la pointe. La classe Mini va présenter d’ici la fin du mois un outil baptisé Déferlante, développé avec la société lorientaise Azimut, destiné à permettre aux coureurs de se confronter les uns aux autres pendant leurs convoyages et leurs navigations d’entraînement. “Ce sera un outil très simple à utiliser, à partir d’une appli à télécharger sur le téléphone, sur laquelle il suffira d’enregistrer sa position, ce qui permettra de détecter les heures de passages aux différentes portes d’un parcours donné”, explique le président de la classe, Sébastien Pebelier.
Photo : Thomas Deregnieaux/PLM 650