Comme chaque début d’année, Tip & Shaft fait le tour des différentes classes de course au large pour évoquer la saison à venir. Après les Ultims la semaine dernière, place aux Mini 6.50, une classe qui se porte toujours aussi bien à neuf mois du départ de la Mini Transat, qui a changé d’organisateur.
574 adhérents en 2022 (462 en 2021), 46 numéros attribués (21 en 2021), ces chiffres suffisent à démontrer la bonne santé d’une Classe Mini qui, chaque année, attire de plus en plus de postulants. D’où des listes d’attente qui s’étirent sur la quasi-totalité des courses, particulièrement sur le bassin Atlantique. Pour tenter de satisfaire le plus grand monde, la Classe Mini continue de faire évoluer son système d’inscription, qui s’appuie sur une liste de préférences.
“Pour cette année, on a encore essayé de simplifier, les coureurs n’ont plus besoin de payer systématiquement les droits d’inscription quand ils sont en liste d’attente, ils ne paient que quand ils arrivent en liste principale. Ça évite qu’ils aient à débourser beaucoup d’argent en début d’année pour finalement ne pas faire beaucoup de courses et, inversement, aux organisateurs d’avoir à les rembourser”, explique Jean Marre, qui a succédé à Amélie Grassi à la tête de l’association en fin d’année dernière.
Reste que la demande ne faiblit pas, avec des projets qui débutent très en amont de la Mini Transat, leur finalité principale. “On en voit de plus en plus qui préparent leur transat sur trois ans“, confirme Julien Pulvé, entraîneur au Centre Excellence Voile de La Rochelle, qui accueille notamment cette année des marins se préparant pour la Mini Transat 2025.
Une forte demande d’entraînement
Lancée en septembre 2021, la structure rochelaise, qui accueille également des Figaro, des Class40 et des Imoca, propose, en plus d’une place au port – le nerf de la guerre – un accompagnement sportif complet à ses adhérents, entre entraînements sur l’eau et formations à terre. Elle n’est pas la seule, puisque ces dernières années, la demande a tellement augmenté que les centres d’entraînement se sont multipliés et structurés. Lorient Grand Large fait le plein avec trois groupes – deux en série, un en proto – soit environ 35 coureurs actifs. Ce qui est également à La Rochelle (25), La Trinité-sur-Mer, avec Orlabay, lancé en 2022 (25 coureurs), La Turballe (25), Roscoff (16 à date), Concarneau (15).
D’autres pôles ont encore des places disponibles, comme aux Sables d’Olonne (une dizaine de coureurs attendus cette année selon l’entraîneur Charlie Thirode), au Crouesty (12), à Ouistreham (12 minis dont 6 vraiment actifs) ou à Douarnenez, dont le groupe a été relancé en 2022 par Douarnenez Courses. “On était trois l’an dernier, on est pour l’instant trois ou quatre, donc on cherche plutôt du monde, l’objectif est d’avoir au moins six bateaux”, explique l’entraîneur Kevin Bloch. Du côté de l’étranger, Barcelone accueille cette année 24 minis, “un nombre en hausse” selon Anna Corbella, qui s’occupe de la structure locale.
Cette forte demande d’encadrement est la preuve que le profil des ministes évolue. “Le niveau d’investissement est bien supérieur à ce qu’il y avait avant, on a changé de dimension”, constate Damien Cloarec, qui dirige le pôle de Roscoff, tandis que Tanguy Leglatin, du côté de Lorient, ajoute : “On tend de plus en plus vers des projets professionnels, c’est aussi lié au prix des bateaux qui a explosé. Le mangeur de pâtes très motivé, on l’a un peu perdu. Aujourd’hui, pour faire de la performance, il faut un projet structuré et avoir suffisamment de temps.”
Les protos reviennent en force
Le prix des bateaux ? “Un mini de série neuf tout équipé comme le Maxi coûte autour de 120 000 euros, un proto peut coûter jusqu’à 300 000“, répond Jean Marre. Quant aux budgets de fonctionnement, c’est le grand écart. Le président de la classe, qui court en série, estime le sien autour de 30 000 euros annuels, là où Marie Gendron, sur un projet pro en proto, parle de 80 000 euros, la Franco-Polonaise Caroline Boule, dont le plan Manuard Nicomatic a été équipé de foils fin 2022, de 100 000 (elle n’en a que 25% pour l’instant).
Des budgets qui traduisent un regain d’intérêt pour les prototypes : en 2022, 10 nouveaux numéros de bateau dans la catégorie ont ainsi été enregistrés, contre 4 en 2021, 2 en 2020 et 3 en 2019. “On pense qu’on pourra atteindre 35 protos sur la Mini Transat, ce qui n’est pas arrivé depuis longtemps [31 en 2013, moins de 30 depuis, NDLR], prédit Jean Marre. Ça peut s’expliquer à la fois par la saturation en série et les nouveaux quotas mis en place l’an dernier pour favoriser les protos. Mais le vrai phénomène, c’est l’arrivée de nouveaux protos, c’est hyper intéressant, ça permet à la classe de garder son rôle de laboratoire.”
D’autant que, selon Geoffrey Morel, qui a ajouté des foils en C à Tartine, l’ancien plan Lombard d’Axel Tréhin, des architectes différents sont entrés ou revenus dans la danse : “On a frôlé la monotypie avec les plans Raison, mais heureusement, quelques foilers sont arrivés, des plans Finot également, ça fait un plateau assez diversifié.” Du côté des minis de série, là aussi, la flotte se diversifie avec, après le Wevo 6.50 du chantier italien Cima Boats, le lancement fin 2022 par Technologie Marine du TM650 sur plans Magnen/Cabaret. L’un comme l’autre devraient être homologués en série à partir de 2024 – 10 exemplaires doivent avoir été produits et l’un d’eux doit avoir fini une course de catégorie A sans dommage structurel majeur.
La Mini Transat change d’organisateur
La saison 2023 débutera comme d’habitude en Méditerranée mi-mars avec l’Arcipelago 650 et le 13 avril en Atlantique avec la Plastimo Lorient Mini qui, grande nouveauté, sera courue en double mixte. “J’ai pas mal poussé pour cette initiative, car on s’aperçoit que sans ce genre de mesure il ne se passe pas grand-chose, je pense que c’est à la Classe Mini d’être moteur sur ce genre de sujet“, justifie le directeur de course, Yves Le Blevec. L’annonce a été largement commentée au sein de la communauté Mini, notamment de la part de copropriétaires qui se voient privés de la possibilité de naviguer ensemble sur la « PLM ».
“Je pense que c’est une fausse bonne idée, avance François Jambou, entraîneur du pôle de Concarneau, on a un peu cédé aux sirènes d’une mode qui peut avoir un intérêt dans certains sports, mais pas chez nous. Certes, il n’y a pas encore assez de filles, mais je trouve qu’on est un sport assez exemplaire dans ce domaine – un des seuls à ne pas avoir de classement genré – et particulièrement dans la Classe Mini.” Caroline Boule estime quant à elle : “C’est bien de favoriser l’arrivée des femmes dans la voile, mais je ne suis pas persuadée que l’imposer est la meilleure solution, peut-être qu’il aurait plutôt fallu inciter avec, par exemple, des bonus financiers.” Si Jean Marre donne rendez-vous après la course pour faire le bilan de cette première, Denis Hugues, directeur de course de la Mini Transat (entre autres), conclut sur le sujet : “Certains prennent ça comme une sanction, mais on a fait pareil en politique en imposant la parité et maintenant, c’est passé dans les mœurs.”
La Mini Transat marquera la fin de la saison, avec un nouvel organisateur, suite au décès, fin 2022, de Marc Chopin, dont la société Korrigan s’occupait de la course. “Il a fallu rebondir très vite, c’est pour ça que nous n’avons pas fait d’appel d’offres, explique Jean Marre. Nous avons étudié deux dossiers très solides, nous avons choisi Versace Sailing Management, la société d’Emmanuel Versace, qui présentait l’avantage d’organiser déjà la Transgascogne et avait de la disponibilité après l’annulation de The Race Around.” Et il en fallait, car ce dernier a dû rependre nombre de dossiers à zéro, y compris celui du parcours. “Il a fallu reprendre toutes les conventions qui devenaient caduques du fait du changement d’organisateur, donc qu’elles repassent devant les collectivités partenaires pour être approuvées”, confirme Emmanuel Versace, sur le point de finaliser celles avec Les Sables d’Olonne (départ), La Palma aux Canaries (escale) et la Guadeloupe pour l’arrivée.
L’autre priorité consiste à boucler un budget que Denis Hugues, directeur de course, estime “de 900 000 euros à 1,2 million selon les éditions”, et de trouver un partenaire titre – moyennant, selon Emmanuel Versace, “400 000-450 000 euros” – en remplacement d’Eurochef, qui n’a pas souhaité continuer après l’édition 2021. “Ça va être compliqué vu le timing, mais on a un gros atout, c’est le nombre d’inscrits.” Ce que confirme Denis Hugues : “On a dévoilé l’avis de course lundi, on est à 115 préinscrits au moment où je te parle (jeudi), c’est forcément plus facile de chercher un partenaire dans ces conditions.”
Photo : Vincent Olivaud