Deux ans après s’être lancé sur le circuit Mini, Hugo Dhallenne est depuis le début de saison le grand animateur du circuit en série, vainqueur de la Plastimo Lorient Mini en double (avec Thibaut Vauchel-Camus), de la Pornichet Select et de la Mini en Mai en solitaire, et deuxième du Trophée Marie-Agnès Péron. Tip & Shaft s’est entretenu avec le Malouin de 30 ans, entrepreneur en plus d’être navigateur.
La voile pour toi, c’est une histoire de famille ?
Oui, mon père était skipper [Arnaud Dhallenne, disparu en mer lors d’une navigation en Argentine, NDLR], il a fait la Whitbread avec Tabarly, deux fois la Solitaire [en 1985 et 1986], il m’a emmené un peu partout sur Pen Duick VI puis sur son bateau perso, Paradise : on a fait les Antilles, le Pacifique, le Groenland, l’Islande, l’Antarctique. Comme il faisait du charter, dès que j’étais en vacances, je me greffais à ses navigations et je bouffais du mille. Avant cela, j’ai fait beaucoup de cata de sport, notamment du F18, j’ai été champion du monde des raids avec Benoît Champanhac.
As-tu très vite eu envie de faire de la course ?
En fait, j’avais bien compris qu’il fallait aussi avoir un métier, parce que la voile pouvait être précaire, donc j’ai essayé de me trouver un bon métier avant de faire de la course au large. J’ai choisi l’électronique, parce que ça me plaisait pas mal et parce que j’ai eu l’opportunité de faire mes études en alternance dans une boîte de Saint-Malo qui faisait de la croisière et de la pêche. Dès que j’ai eu ma licence après mon BTS, j’ai pu monter ma boîte à Saint-Malo, HDM Electronique [qui compte des clients comme Maxime Sorel, Louis Burton, Thibaut Vauchel Camus, des équipes de Class40, des propriétaires d’IRC…]. Ça m’a aussi permis de financer l’achat de mon bateau.
A quand remonte ton envie de te lancer dans ce projet Mini ?
Ça faisait un moment que j’avais ça en tête. Mais le déclic, c’est quand je me suis retrouvé en 2017 à Dubai à bosser sur le bateau de Thibaut. Comme le chantier était un peu dur, je me suis dit qu’après ça, il serait temps de me faire plaisir. De là-bas, j’ai envoyé un mail au chantier idb Marine pour commander mon Maxi, je l’ai eu en mars 2019, c’était parti !
“Le Maxi développe vraiment de la puissance”
Comment te finances-tu ?
J’ai financé l’achat du bateau avec 50% d’apport, 50% d’emprunt bancaire, pour ce qui est du fonctionnement, comme je n’avais pas de partenaires les deux premières années, j’ai tout financé de ma poche. Et pour cette année, le Yacht Club de Saint-Lunaire m’aide à trouver des mécènes et des partenaires privés, je commence à réunir une bonne partie du budget, il me faudrait 60 000 euros, j’ai un peu plus que la moitié et j’ai des touches pour la suite, c’est plutôt encourageant.
Pourquoi le choix du Maxi 650 ?
Quand je l’ai fait, le bateau n’existait pas encore, mais je me suis dit que tant qu’à commander un bateau neuf, autant prendre le plus récent. J’avais le choix entre le Maxi et le Vector, j’étais alors à Dubai, et quand j’ai vu la complexité de construire un bateau dans un chantier à l’étranger [le Vector est construit en Pologne, NDLR], je me suis dit que même si c’était plus cher, pas loin de 10 000 euros en plus [90 000 euros HT au total], il valait mieux faire le bateau en Bretagne pour être proche du chantier, je ne regrette pas.
Es-tu satisfait des performances du bateau ?
Oui, je n’ai pas eu les soucis de structure que certains ont rencontrés au début. Depuis, tous les bateaux ont été renforcés à l’avant l’hiver, ils ont aussi rallongé un peu le voile de quille pour créer un peu plus d’accroche au près, le chantier a fait ce qu’il fallait pour gommer les petits défauts du bateau. Aujourd’hui, je suis très content, sur les bords entre 70 et 140 degrés du vent, dès qu’on est un peu appuyés, il développe vraiment de la puissance et va vraiment vite par rapport au Pogo 3. Après, pour tout ce qui est VMG haut et bas, on peut être en légère perte, mais le gain est tel aux autres angles que c’est un bon choix. Sur la Mini en Mai, on a eu un premier bord qui allait à l’île d’Yeu, à 130 du vent, on était à 12 nœuds de moyenne, les Pogo 3 à 10. Après, parfois, en VMG haut dans la pétole, ils nous déboitent, ça dépend un peu des régates.
“Officiellement, ma prochaine course, c’est la Mini Transat”
Tu as obtenu de bons résultats tes deux premières années, avant, depuis le début de la saison de presque tout gagner, comment l’expliques-tu ?
D’abord, les conditions ont été globalement propices au bateau, avec du vent. Ensuite, la première course que j’ai faite avec Thibaut m’a rassuré : j’avais un peu de doutes sur ma vitesse au près, on s’est fait un long dernier bord en speed-test avec Paul Cloarec et Benoît Hantzperg qui avaient des voiles toutes neuves, alors que moi, j’avais mes voiles d’origine, je me suis dit qu’on allait se faire plier, et en fait, on a réussi à les battre. Ça m’a donné confiance sur la vitesse du bateau au près, le fait de savoir que je pouvais aller vite et de débloquer ainsi le compteur de victoire m’a beaucoup aidé pour la suite.
Te voilà du coup propulsé comme le grand favori de la Mini Transat, tu assumes ? Comment vois-tu la concurrence ?
Pas vraiment ! Disons que ça me fait plaisir, mais je ne me rends pas trop compte de ce que ça va impliquer. Pour l’instant, je ne ressens pas la pression de ce statut, je profite plutôt de ces trois victoires et de cette deuxième place. Mon objectif n°1 est déjà d’arriver, on traverse l’Atlantique sur un bateau de 6,50 mètres, ce n’est pas une mince affaire. Après, accrocher un podium me ferait vraiment plaisir, un Top 5 serait très bien aussi. Et la Mini Transat sera un exercice diamétralement opposé à ce qu’on a fait jusqu’ici : là, on part 48-72 heures, on s’arrache à fond, sur une transat, il faudra vraiment gérer le sommeil, la nourriture et le matériel, on ne s’est pour l’instant pas confrontés sur ce genre d’épreuve. On voit quand même que certains vont vite en Pogo 3, Léo (Debiesse), Brieuc (Lebec), Quentin (Riché), en Maxi aussi… Entre les Pogo et les Maxi, il va y avoir du match, même si je pense que sur la durée, le Maxi a le gros avantage de ne pas mouiller. J’espère qu’à long terme, le gain en confort se transformera en performance et que ceux qui sont en Pogo 3, trempés H24, auront des petites baisses de physique et de moral…
Quel est ton programme jusqu’à la Mini Transat ?
Je ne fais pas le Mini Fastnet parce que je dois livrer un Class40 chez Structures début juillet, celui de François-René Carluer. Pour la Transgascogne, je suis pour l’instant en liste d’attente, donc officiellement, ma prochaine course, c’est la Mini Transat.
“Faire deux ans de proto me brancherait bien”
Est-ce compliqué de concilier ta caquette d’entrepreneur et celle de navigateur ?
C’est super compliqué, surtout que j’ai eu la chance d’avoir une petite fille il y a quinze mois, j’ai une triple casquette ! Mais ce qui est super, c’est que mes clients font de la course, donc ils comprennent mes obligations et sont très contents pour moi, donc même si le planning reste très tendu, ça se passe dans la bonne humeur.
La Mini Transat est l’objectif final du projet ?
En Mini de série, c’est l’objectif ultime, le bateau sera a priori vendu après. Pour la suite, je ne sais pas encore. Jusqu’ici, je finançais tout en perso, il faudrait que ça s’arrête un jour, on verra si j’arrive à accrocher des partenaires ou pas.
Quelles sont tes envies ?
Elles sont nombreuses : faire deux ans de proto me brancherait bien, parce que la Classe Mini est vraiment une super classe, avec une ambiance géniale, j’aurai envie d’y revenir. Pour l’instant, je regarde de loin les bateaux, ça serait plutôt un nez rond, a priori sans foils, des choses sont en train de se passer dans les chantiers, donc si je peux, je vais me placer. Après, je suis malouin, donc forcément, une Route du Rhum en Class40 me plairait bien. Pour 2022, c’est trop tôt pour être compétitif, donc ce sera plutôt pour la suivante.
Photo : Pierrick Contin