Marquée par des records de vitesse, un faible nombre d’abandons ainsi qu’un podium international, la 24e édition de La Boulangère Mini Transat a été remportée en proto par Federico Waksman et en série par Luca Rosetti. Tip & Shaft en dresse le bilan avec son organisateur Emmanuel Versace, son consultant météo Christian Dumard, les entraîneurs Damien Cloarec (Roscoff) et François Jambou (Concarneau) et l’architecte David Raison.
La 24e édition de la Mini Transat s’est achevée vendredi matin avec l’arrivée du dernier ministe, Romain Van Enis (James Caird), à Saint-François, en Guadeloupe. Parmi les 90 concurrents présents au départ le 25 septembre aux Sables d’Olonne, “on ne compte que quatre abandons, soit moins de 5% de la flotte, ça prouve que les bateaux sont bien préparés”, souligne Emmanuel Versace. François Jambou, coach d’une quinzaine de ministes à Concarneau, dresse le même constat : “Les projets sont de plus en plus sérieux. Afin d’assurer leur qualification, les ministes naviguent plus et le niveau général ne fait qu’augmenter.”
Autre fait majeur de cette édition, la suprématie des marins étrangers sur le podium. En proto, la victoire au général (et sur la deuxième étape) est revenue à l’Uruguayen Federico Waksman (Repremar Shipping Uruguay) devant l’Espagnol Carlos Manera (Xucla), ce dernier s’étant imposé sur la première étape. En série, l’Italien Luca Rosetti (race = care) l’a emporté avec son Maxi 650, tandis que le Belge Michaël Gendebien (Barillec Marine-Actemium) a décroché la première étape sur un Pogo 3 (il termine au pied du podium au général). “C’est une bonne nouvelle, cela va permettre de faire rayonner la classe à l’international”, se réjouit François Jambou.
Les Pogo de série restent
dans le match
La transat n’a pas donné lieu en série à une nette domination des Maxi 650, comme certains s’y attendaient. “Au contraire, on s’est pris une volée sur la première étape, avec trois Pogo 3 sur le podium [Michaël Gendebien, Titouan Quiviger et Bruno Lemunier, NDLR]“, réagit l’architecte du Maxi, David Raison. Plusieurs raisons à cela : “Il y avait tout d’abord peu de conditions pour favoriser la vitesse des Maxi, décrypte Christian Dumard. Puis le long du Portugal, il fallait se décaler à l’ouest, ce qu’ont fait pas mal de Pogo.” À l’inverse, “peu de Maxi étaient positionnés du bon côté du plan d’eau”, complète David Raison.
Au final, si un Maxi 650 l’emporte, celui de Luca Rosetti, le podium est complété par deux Pogo 3, ceux de Bruno Lemunier et Grégoire Hue, tandis qu’en proto, le bateau tenant du titre, signé David Raison, signe un doublé, devant un plan Manuard et un autre plan Raison, Frérots Branchet (Julien Letissier).
La seconde étape aura donné lieu à une belle bataille stratégique, avec trois options distinctes qui se sont dessinées : une très nord, une deuxième au sud et une troisième intermédiaire. En série, “c’est finalement l’option nord qui est passée avec la victoire de Luca Rosetti qui a fait une route parfaite et imposé un rythme de dingue”, loue Damien Cloarec, entraîneur d’une quinzaine de ministes à Roscoff. “Il a fait preuve de beaucoup de régularité, j’avais l’impression d’un couple bateau-skipper qui fonctionnait bien, avec peu d’erreurs et peu de milles en trop”, ajoute David Raison.
Le record des 24 heures
battu par un Mini de série
En proto, c’est une route intermédiaire qui a permis à Federico Waksman de s’imposer, avec plus de 8h30 d’avance sur Carlos Manera. “S’il passe légèrement à côté de sa première étape, Federico assure une trajectoire très propre sur la seconde, souligne David Raison. Et Emmanuel Versace d’ajouter : “Je pense qu’il avait le couteau entre les dents, très sûr de ses forces, sur l’ancien bateau de Pierre Le Roy (vainqueur en 2021) qu’il a réussi à apprivoiser.” François Jambou, qui a vu l’Uruguayen s’entraîner à Concarneau, confirme son tempérament tenace : “Il ne lâche rien ! Je pense qu’il était prêt à prendre beaucoup de risques pour gagner, c’était vraiment son objectif.”
L’option sud a par ailleurs permis à Hugues De Prémare, sur un Maxi 650 de série, de battre le record absolu des 24 heures en Mini, justement jusqu’ici détenu par le proto de Pierre Le Roy, en parcourant 317,25 milles en 24 heures (13,22 nœuds de moyenne). “Il est descendu très sud pour aller chercher de la pression et réaliser ensuite une trajectoire avec le moins d’empannages possible, explique David Raison. Il avait clairement envie d’aller chercher ce record, il me l’avait dit avant le départ. Qu’il batte le record en série, ça ne m’a pas trop étonné, puisque ces bateaux sont aujourd’hui fiabilisés, mais qu’il batte le record proto, c’est très très fort. Ça a dû être particulièrement dur et engagé.”
Dans l’ensemble, nombreux sont les bateaux à avoir “affiché de très bonnes moyennes, relève François Jambou. Et au final, il n’y avait pas vraiment d’option meilleure qu’une autre, c’était une vraie course de vitesse où il fallait gérer les empannages afin d’être toujours sur la trajectoire rapprochante.”
Les foilers ? Pas encore l’arme absolue
Qu’ont donné les deux foilers de la flotte ? “On attendait beaucoup de voir comment allait marcher au large le plan Manuard à foils de Carlos. Il va bien, mais ce n’est pas une révolution. Quant à Caroline Boule (Nicomatic, 16e au général), on a bien vu en entraînement qu’elle peut atomiser tout le monde sur des courses en baie, sur mer plate et dans des conditions médium. Mais là, dans de la mer, ses performances sont très lissées.” Christian Dumard ajoute : “Les conditions n’ont pas été propices pour qu’elle exploite au mieux son bateau, il n’y a pas eu de vents assez soutenus.”
La performance de Jacques Delcroix (Actual), 6e au général sur son plan Bertrand de 2009, a par ailleurs prouvé “qu’il est toujours possible de faire des projets sportifs performants sans avoir le bateau dernier cri“, se réjouit François Jambou. “Jacques navigue vraiment à la perfection, relève Damien Cloarec. Si tu lui mets le 1019 [le plan Raison de Federico Waksman] entre les mains, il a les moyens de gagner la transat.”
Nos experts soulignent également les bonnes performances en série de Grégoire Hue (SPC), 3e au général sur son Pogo 3, et en proto, du Slovène Uroš Krasevac (Ashika II), 5e, de Thaïs Le Cam (Frérots TPM), 9e, mais aussi de Julien Letissier (Frérots Branchet), 3e, et de Marie Gendron (Léa Nature), 4e, qui se sont livré une bagarre intense.
Photo : Vincent Olivaud / La Boulangère Mini Transat