Ce premier épisode du podcast mensuel
Le Roman du Fastnet revient sur
la première victoire française dans l’histoire de
la course créée en 1925, celle de
Pen Duick III d’Eric Tabarly , en août 1967. Trois mois plus tôt,
Pen Duick III, dessiné par le skipper lui-même et construit par les chantiers de la Perrière, est mis à l’eau à Lorient avant de s’illustrer d’entrée, vainqueur successivement de la Channel Race et de la Morgan Cup en Manche, mais aussi de la Gotland Race en mer Baltique. C’est en adversaire redouté par ses concurrents anglo-saxons, majoritaires à l’époque, que ce bateau en aluminium, reconnaissable à son étrave à guibre et à son gréement de goélette, se présente sur la ligne de départ à Cowes, où il fait sensation.
“
Il était surnomméle vilain petit canard français par les journaux anglais”, se souvient
Gérard Petipas, navigateur à bord et témoin privilégié de ce premier épisode du
Roman du Fastnet. A ses côtés,
Michel Vanek, fidèle équipier d’Eric Tabarly dans les années 60 et 70, s’enthousiasme aussi pour ce bateau bien né, déplacement léger rapide à toutes les allures, notamment au reaching, grâce à sa fameuse misaine à wishbone,
“une voile pas facile à manoeuvrer mais qui faisait merveille au vent de travers.” Ce dernier, pour une fois, n’est pas à bord – il embarquera sur la Sydney-Hobart, la prestigieuse classique des antipodes, remportée la même année par
Pen Duick III – mais il navigue sur
l’Esprit de Rueil d’André Viant, un Tina sur plans Dick Carter, que le chantier Vanek importe de Hollande.
Michel Vanek l’emportera aussi dans sa classe !
Tous les deux vainqueurs cette même année 1967, Gérard Petipas et Michel Vanek racontent passionnément
les difficultés de la navigation d’alors. La sortie du Solent, ce bras de mer séparant l’île de Wight des côtes sud anglaises, dans lequel les courants imposent d’aller taquiner du bulbe les bancs de sable, la navigation astronomique pour recaler son estime en mer Celtique, les voiles à recoudre à l’intérieur, travail dont se charge volontiers Guy Tabarly, le père d’Eric, puis la stratégie à l’aveugle sur toute la redescente… jusqu’à recevoir
un appel du sémaphore du cap Lizard, dernière vigie avant l’arrivée à Plymouth : « Vous êtes premiers ! »… Ce qui fait dire à Gérard Petipas :
“Eric pensait que j’avais mal compris car on imaginait mal avoir battu des bateaux beaucoup plus grands, comme Gitana.”
Avec ce Fasnet 1967 remporté haut la main,
Pen Duick III entre dans la légende et ne fait que commencer une brillante carrière qui le conduira en équipage ou en solitaire sur toutes mers du globe, encore l’an passé sur la
Route du Rhum-Destination Guadeloupe, 55 ans après sa mise à l’eau, avec
Arnaud Pennarun à sa barre.