Les organisateurs de la Cap Martinique l’ont présentée lors d’une conférence de presse mardi à Paris. L’occasion pour Tip & Shaft de s’intéresser à cette nouvelle transat 100% amateurs qui s’élancera le 1er mai.
Après la Transquadra, dont la dernière édition s’est terminée fin février, les spécialistes de l’IRC tiennent leur nouvelle transat : la Cap Martinique. La première aurait dû partir le 18 avril 2021, Covid oblige, elle a été reportée d’un an et s’élancera le 1er mai à 15h de La Trinité-sur-Mer à destination de Fort-de-France (3 800 milles).
Une course dont l’idée a germé un peu par hasard lors du Spi Ouest-France 2019 : “A l’époque, la Transat AG2R avait réfléchi à accueillir des amateurs en IRC, ça ne s’était finalement pas fait, raconte Thibaut Derville, co-organisateur avec Jean-Philippe Cau. Nous courions le Spi en double avec Jean-Philippe, plusieurs amateurs sont alors venus vers nous pour nous demander d’organiser une transat sans escale. On n’avait jamais fait ça, mais ça me trottait dans la tête depuis un petit moment, donc sur un coup de tête, le vendredi soir, on a décidé de se lancer.”
Les deux hommes ne sont pas des inconnus dans l’univers de la voile : Jean-Philippe Cau est alors président de l’UNCL – il préside aujourd’hui Lorient Grand Large -, Thibaut Derville est directeur général de Norauto International, qui, de 2015 à 2019, a accompagné Franck Cammas, d’abord sur la Coupe de l’America, ensuite sur le GC32 Racing Tour. Ils créent alors une société, TransatIRC SAS, “pour que les comptes soient audités”, souligne Thibaut Derville. Tout en décidant de s’appuyer sur l’UNCL comme autorité organisatrice autour de principes simples : une transat sans escale, 100% amateurs, en solitaire ou en double, sur des monocoques de 30 à 40 pieds jaugés en IRC.
La Trinité-sur-Mer,
“la Mecque des amateurs”
Reste à trouver des ports d’arrivée et de départ, et donc des partenaires. “On avait été très impressionnés par la manière dont la Martinique avait accueilli la Martinique Flying Regatta en 2018, on les a donc très vite appelés. On a tout de suite eu un « oui » informel de la part du comité martiniquais du tourisme, et deux mois plus tard, ils votaient à l’unanimité en faveur de l’accueil de la course ! raconte Thibaut Derville. Pour le départ, on a fait un appel à candidatures auprès des ports de Bretagne sud, Douarnenez avait présenté un bon dossier, Lorient aussi, mais avait alors du mal à s’aligner entre les clubs, la mairie et le port, on a choisi La Trinité, car c’est le port des amateurs par excellence, la capitale des amateurs en Bretagne.”
“Etonnamment, c’est la première fois qu’une transat partira de La Trinité-sur-Mer, ajoute le maire de La Trinité-sur-Mer, Yves Normand. La Cap Martinique est pour nous un événement qui nous a plu car elle permet de rassembler des amateurs qui sont, selon moi, une population sur laquelle il faut beaucoup miser pour l’avenir du nautisme.”
De l’autre côté de l’Atlantique, la Martinique a donc adhéré d’entrée, d’autant que la collectivité, qui n’imaginait alors pas encore être la destination de la Transat Jacques Vabre, cherchait justement à accueillir une deuxième course transatlantique, en plus de la Transquadra. “C’est très important pour la Martinique de se positionner comme une terre de nautisme et de s’installer sur le podium des destinations mondiales accueillant de telles transats“, indique François Baltus Languedoc, directeur général du comité martiniquais du tourisme, “bras armé”, selon ses propres mots, de la Collectivité territoriale de Martinique.
La Martinique met les moyens
Depuis, l’île antillaise a réussi, toujours selon le patron du tourisme martiniquais, “un hold-up”, en saisissant l’opportunité d’organiser l’arrivée de la Transat Jacques Vabre (2021, 2023, avec une option sur 2025), ce qui lui permet désormais de recevoir trois transats. Et lorsqu’on lui demande si le territoire a d’autres projets, l’intéressé opine : “On commence à s’intéresser aux nombreuses courses très haut de gamme, plutôt anglo-saxonnes, accueillies par d’autres territoires autour de nous. On a aussi cette ambition de recevoir ce genre d’épreuves, on a toute l’infrastructure et on est en train de montrer qu’on a l’expertise pour les accueillir.”
Il faut dire que la Martinique met les moyens : François Baltus Languedoc annonce ainsi un apport de “600 000 euros en cash et de 50 000 en nature” à l’organisation de la Cap Martinique, dont le budget total, selon Thibaut Derville, est d’un million d’euros. “C’est conséquent, reconnaît le directeur général du comité martiniquais du tourisme, mais ça nous paraissait important pour la renommée de la Martinique alors qu’on est dans une année de reconquête du tourisme. La Cap Martinique va nous apporter de la visibilité médiatique, mais aussi des retombées économiques directes : on a déjà vendu plus de 180 packages [avion/hôtel] aux familles des participants qui vont rester en moyenne 10 jours sur place.”
Mico Bolo, le trait d’union
Des participants qui sont, pour cette première, au nombre de 65, 15 solitaires et 25 duos. “En lançant la course, on s’était dit que si nous avions 25 bateaux, on serait super heureux, on en a 40”, se félicite l’organisateur. Huit marins enchaînent par ailleurs cette transat après la Transquadra, arrivée au même endroit en février. La Cap Martinique en devient-elle une concurrente ? “Beaucoup nous voient comme des concurrents, mais en fait, on est complémentaires, répond Thibaut Derville. D’abord, on est sans escale, ensuite, on n’a pas de limite d’âge, donc on accueille pas mal de jeunes [dont son propre fils Victor, NDLR], et pour preuve qu’on n’est pas concurrents, Mico Bolo officie sur les deux courses !“
Effectivement, l’organisateur historique de la Transquadra assure la direction de course de la Cap Martinique. Lui aussi parle de complémentarité : “L’UNCL avait besoin de quelqu’un qui connaissait un peu la musique et ce genre de bateau, il était hors de question pour moi d’hurler à la concurrence, explique-t-il. La Transquadra est une épreuve un peu plus familiale dans le sens où les dates correspondent aux vacances pour faire venir les familles à l’arrivée. La Cap Martinique est plus engagée, c’est vraiment une course d’endurance, un Paris-Dakar, on constate que quelques skippers qui ont fait la Transquadra plusieurs fois y voient l’occasion de relever le défi de traverser sans s’arrêter. Et le fait que les deux courses fassent relativement le plein prouve qu’il n’y a pas vraiment de concurrence.”
Photo : Alain Roupie