Lancée en 2016, la Drheam-Cup, qui s’élance dimanche, fête cette année sa quatrième édition, avec trois parcours entre Cherbourg-en-Cotentin et La Trinité-sur-Mer. Avec 128 bateaux inscrits, la course a réussi à se faire une place dans le paysage de la course au large, Tip & Shaft revient sur cette croissance.
L’idée de la Drheam-Cup a germé il y a huit ans chez son fondateur, Jacques Civilise, ancien responsable (entre autres) des programmes d’innovation de Renault, mais également coureur amateur éclairé : “J’ai régaté pendant 50 ans, mais l’âge aidant [il a aujourd’hui 76 ans, NDLR], j’ai décidé d’arrêter. Pour m’occuper, je voulais trouver une activité dans le monde de la voile, j’ai alors fait une analyse des courses qui existaient et je me suis dit que, si la France était championne du monde des épreuves océaniques et transocéaniques – Vendée Globe, Route du Rhum, Transat Jacques Vabre –, il manquait une grande course au large, sur le format de la Fastnet Race, de la Sydney-Hobart ou de la Middle Sea Race.”
Début 2015, Jacques Civilise présente son projet à la Fédération française de voile, qu’il baptise Drheam-Cup – Drheam pour développement des relations humaines et application management, un modèle de management qu’il avait développé au cours de sa carrière professionnelle. L’accueil est favorable de la part du président d’alors, Jean-Pierre Champion : “Il m’a dit qu’il y avait une place à prendre dans le calendrier pour un tel événement en été.” C’est ainsi que la première édition est lancée en août 2016, elle réunit 40 bateaux entre La Trinité-sur-Mer et Roscoff.
Deux ans plus tard, en juillet, ils sont quasiment le double (76) à s’élancer, toujours de La Trinité, mais cette fois à destination de Cherbourg. Une participation en hausse qui s’explique notamment parce que la Drheam-Cup devient course qualificative pour la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. “Ça a mis un grand coup de projecteur sur la course qui n’avait eu qu’une édition”, reconnaît Jacques Civilise. Qui ajoute cependant : “En 2020, sans être course qualificative, on a réussi à avoir 104 inscrits et 96 partants, cela veut dire que la course avait réussi à véritablement s’installer.”
Cherbourg-en-Cotentin
met le paquet
Surtout, elle a trouvé un allié de poids en Cherbourg-en-Cotentin, née début 2016 de la fusion des cinq villes autour de la sous-préfecture du Cotentin, devenue le port de départ à l’occasion de cette troisième édition. “Cherbourg a toujours eu une tradition d’accueil des courses, notamment de la Solitaire du Figaro, explique le maire Benoît Arrivé. Quand nous avons créé la commune nouvelle en 2016, nous avons souhaité accélérer, avec la volonté de faire de Cherbourg-en-Cotentin un port qui compte. Nous avons développé cette stratégie sous deux angles : l’accueil de l’arrivée, puis du départ, de la Drheam-Cup, et, depuis l’an dernier, de l’arrivée du Fastnet.”
Si Cherbourg partage l’organisation de l’arrivée du Fastnet (pour deux éditions pour l’instant, 2021 et 2023) avec l’agglomération du Cotentin, le département de la Manche et la région Normandie au sein d’une association dédiée, la ville est, selon le maire, “le financeur et l’organisateur principal de la Drheam-Cup aux côtés des équipes de Drheam promotion.” Le montant de cet investissement ? “Aux alentours de 600 000 euros, dont 400 000 en cash, l’apport des autres collectivités normandes est d’environ 120 000 euros”, répond le Benoît Arrivé.
Adjoint au maire du Havre et conseiller régional, Augustin Bœuf annonce un financement de 40 000 euros de la part de la région Normandie, sur un total annuel de 650 000 euros dédiés aux événements nautiques (Transat Jacques Vabre, Fastnet, Normandy Channel Race…) – sans compter les 130 000 euros alloués au projet Figaro Région Normandie de Guillaume Pirouelle. Le département de La Manche verse, lui, 50 000 euros, selon Yvan Taillebois, membre de la commission Nature et Infrastructures du conseil départemental, qui précise au passage que le dispositif Manche Evidence Nautique d’accompagnement d’un skipper, lancé en 2021 avec Nicolas Jossier en Class40, sera reconduit en 2023.
Du côté de La Trinité-sur-Mer, la ville apporte 12 000 euros selon le maire Yves Normand – “un effort significatif pour une ville de 1 600 habitants”. Le financement est complété par la communauté des communes Auray Terre-Atlantique et le département du Morbihan, que Tip & Shaft n’a pas pu joindre, et quelques partenaires privés.
Le Fastnet comme modèle
Le budget total ? “Je ne souhaite pas le communiquer, répond Jacques Civilise. Disons que, par rapport à des courses locales de clubs, on a un gros budget, et par rapport aux grandes classiques, un petit. Et on recherche activement un sponsor privé qui pourrait devenir partenaire titre et nous permettre de franchir une étape supplémentaire. Aujourd’hui, je travaille H24 sur la course, sans week-end, presque sans nuit parfois, j’aurai 78 ans en 2024, il faut penser à la suite et renforcer les équipes.”
La suite, c’est continuer à faire grandir une épreuve qui, pour certaines classes, notamment les Ocean Fifty et les Class40, est devenue un rendez-vous important, comme le confirme Erwan Le Roux, président de la première : “On est attachés à la Drheam-Cup, parce que Jacques (Civilise) a toujours été dans la co-construction, en traitant toutes les classes sur un pied d’égalité. Il a réussi à construire un événement à partir de rien, aujourd’hui, la course a vraiment pris de l’ampleur en termes de qualité d’accueil, de village et de présence médiatique.”
Le Drheam-Cup-Grand Prix de France de course au large (le nom officiel) peut-elle devenir à terme l’équivalent, les années paires, du Fastnet avec ses 350 inscrits (contre 128 cette année pour la Drheam-Cup), le modèle revendiqué par son fondateur ? “Même si je reste prudent, je me dis que par principe, il n’y a pas de limite. S’il faut accueillir plus de bateaux, à nous de trouver des solutions, Cherbourg a su prendre les dispositions nécessaires pour l’arrivée du Fastnet”, répond Jacques Civilise.
Une ville de Cherbourg qui, elle, a encore des idées derrière la tête pour affirmer davantage son ancrage dans la course au large, notamment le développement d’un pôle de course au large. Ce que confirme Benoît Arrivé : “Aujourd’hui, l’organisation trouvée avec la Drheam-Cup et le Fastnet nous permet de répondre à la stratégie du moment, mais dans les années qui viennent, je souhaite qu’on attire de plus en plus de marins et de bateaux qui viendraient prendre Cherbourg-en-Cotentin comme port d’attache. C’est un sujet d’avenir. On a déjà quelques skippers de talent, on n’est pas au niveau de Port-La-Forêt ou Lorient, mais on sait qu’il n’y a plus beaucoup de place là-bas.”
Photo : Thierry Martinez