Début décembre, alors que la France se cherchait toujours un gouvernement et un budget pour 2025 – finalement voté cette semaine – Christelle Morançais, présidente de la région Pays de la Loire, annonçait un plan d’économies d’environ 100 millions d’euros (finalement ramené à 82), coupant notamment largement les subventions allouées à la culture, au sport et à la vie associative. Un coup dur pour nombre d’organisateurs de courses au large, dont celui de La Boulangère Mini Transat, Emmanuel Versace, alors plongé “dans une situation délicate” en vue de l’édition 2025. “Ces subventions représentaient environ 12% du budget de la course. Comme l’enveloppe avait déjà diminué en 2023, passant de 100 000 à 80 000 euros, nous nous attendions à subir une nouvelle baisse, mais pas à un arrêt total des subventions.”
La Boulangère Mini Transat n’est pas la seule à avoir été victime des coupes de la région qui a décidé de cesser de subventionner dix événements de voile, pour un total de 300 000 euros d’économies. Envolés les 100 000 alloués à la Solitaire du Figaro Paprec, les 20 000 aux Ocean Fifty Series, les 6 000 et 5 000 aux deux courses Mini que sont Les Sables-Les Açores et la Pornichet Select, ou les 5 000 à la Solo Maître CoQ ! “Face au contexte actuel, nous avons décidé de diminuer notre enveloppe de fonctionnement afin d’être au rendez-vous des investissements pour préparer l’avenir et de nous recentrer sur nos compétences obligatoires, justifie auprès de Tip & Shaft Isabelle Leroy, vice-présidente du conseil régional, en charge de la culture, des sports et de la vie associative. Et si nous ne pouvons plus soutenir nos manifestations sportives, ce n’est ni du mépris ni de l’indifférence.”
Cette décision radicale, la région Bretagne a, pour l’instant, refusé de la prendre. “Le budget voile, d’un montant annuel de 1,10 million d’euros, dont 800 000 pour les événements de course au large, reste stable, confirme Pierre Pouliquen, vice-président en charge des sports et de la jeunesse. Soutenir ces événements est une façon de mettre en avant les filières économiques et le savoir-faire breton, d’amener les jeunes vers la voile ou encore de mettre en avant la maritimité du territoire.” Quid de la région Normandie, qui consacre aux courses un total de 655 000 euros – dont 300 000 pour la Transat Café L’Or, 200 000 pour la Rolex Fastnet Race et 55 000 pour la CIC Normandy Channel Race ? “Ces événements sont financés à la même hauteur que les années précédentes, répond Augustin Boeuf, conseiller régional délégué au nautisme. Nous avons toutefois dû faire des efforts et avons décidé d’arrêter de soutenir la Drheam-Cup [qui touchait 40 000 euros de subventions], moins en adéquation avec nos intérêts, notamment sur les volets touristique et économique.”
La Solitaire perd gros
Forcément, ces coupes budgétaires ont un impact sur les courses, obligeant leurs organisateurs à revoir leurs ambitions. Ce que confirme Emmanuel Versace, à propos de La Boulangère Mini Transat : “Il y aura certainement moins d’animations au départ. Pour ce qui est de la communication, c’est difficile de compresser les coûts, étant donné que l’on vend de la médiatisation aux partenaires, mais peut-être économiserons-nous sur le site Internet ou sur le nombre de personnes travaillant sur le projet.”
Du côté de la Solitaire du Figaro Paprec, Joseph Bizard explique que le retrait de la Loire-Atlantique “a un double impact : on perd une source de financement qui contribuait à l’équilibre de l’événement, mais la plus grosse conséquence, c’est qu’on perd le port d’arrivée ou de départ pour deux éditions. Pour 2025, ils étaient engagés sur l’arrivée, il faut arriver à reconstruire dans un délai très court le parcours dans un contexte pas facile.” L’organisateur va-t-il devoir couper certaines dépenses, notamment de communication ? “On n’est pour l’instant pas dans une logique de réduction, répond-il, car on sait que la Solitaire est une course qui a besoin qu’on continue à faire des efforts pour la développer. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a des discussions – et des désaccords – avec la classe pour la repositionner en avant-saison et lui permettre ainsi d’avoir plus de retombées.”
De l’inventivité et
le recours au privé
Pour Joseph Bizard, “structurellement, le marché de la voile est plutôt porteur, avec de grands rassemblements qui attirent de plus en plus de gens et restent attractifs pour les collectivités. Maintenant, si cette tendance se confirme, l’argent ira peut-être davantage sur les gros événements qui génèrent des retombées économiques très importantes pour les territoires.” Si ce dernier “n’est pas certain qu’il faille réinventer le modèle”, il estime en revanche que les organisateurs doivent faire preuve d’inventivité pour éventuellement revoir les partenariats publics. “Sur nos événements, nous vendons des prestations de communication pour les collectivités, ce ne sont pas des coûts ou des subventions, mais plutôt des investissements qu’elles font pour continuer à être dynamiques sur le plan touristique et culturel.”
Mêmes recherches de solutions du côté d’Ultim Sailing, qui organise notamment le Tour Voile, la Pornichet Select (à partir de 2025) ou les 24h Ultim : “Il faut s’adapter, accepter des montages financiers plus agiles avec les collectivités, indiquent les cofondateurs Emmanuel Bachellerie et Mathieu Sarrot. A côté de ça, on essaie d’augmenter la part du privé car on sait très bien que celle du public va continuer à décroître. Sans compter que les délais de paiement sont parfois très longs pour certaines collectivités, ce qui fragilise un peu le modèle.” C’est dans cette optique qu’OC Sport a réussi ces dernières années à engager Paprec sur la Solitaire et la transat en double Concarneau-Saint-Barth ou le CIC sur The Transat. “Mais aujourd’hui, avec le contexte d’incertitude économique, le privé a également du mal à se projeter dans du sponsoring sur des événements voile”, s’inquiète Emmanuel Versace.
Photo : Manon Le Guen / Mini Fastnet