C’est un segment très spécifique du marché de la plaisance, mais il passionne les régatiers et aiguise les appétits des chantiers : les 10 mètres de course-croisière destinés à la navigation en équipage réduit en IRC. Une demande tractée par la Transquadra et la croissance de la navigation en double – 50 bateaux engagés au dernier Spi Ouest-France, 63 annoncés sur le prochain Fastnet. Le phénomène n’a pas échappé à J Composites : en 2018 l’équipe de Didier Le Moal, qui fabrique sous licence les J Boats en Vendée depuis bientôt 25 ans, attire l’attention de la famille Johnstone sur cette tendance.
“J Boats est une marque de la côte Est des Etats-Unis dont les bateaux sont tous dessinés par la famille Johnstone, rappelle Didier Le Moal. Ils sont assez conservateurs et il faut une vraie démarche intellectuelle avec de solides arguments pour les convaincre, mais cela donne des résultats très cohérents.” Pour donner naissance au J/99, pensé pour le fameux programme de régates en équipage réduit, en côtier ou en offshore, il aura fallu ainsi près d’une année d’allers-retours entre Newport et Les Sables d’Olonne pour arriver au compromis idéal entre la culture française de l’équipage réduit et la tradition américaine. Le bateau est présenté en décembre dernier lors du Nautic de Paris ; en janvier, près de 60 unités sont déjà commandées lorsque la coque numéro 1 touche l’eau à Hamble, dans le Solent.
Quand la concurrence – Sun Fast 3300 et JPK 10.30, lancés en 2019 également – mise sur des machines plus typées, J décide de proposer un 32 pieds qui vise des performances globales. “La Transquadra a tendance à spécialiser les bateaux, explique Frédéric Bouvier, responsable commercial de J Composites, nous, nous voulions un produit qui fonctionne dans toutes les conditions, avec une polyvalence d’allures et de d’utilisations.” Autrement dit, il ne faut pas oublier la première étape de la Transquadra, qui ne se déroulera pas toujours au portant comme ce fut le cas sur la dernière édition – et penser aussi aux week-ends en famille. Résultat : si le dessin du J/99 s’avère un peu plus large et plus tendu qu’à l’habitude chez les J, la carène offre une surface mouillée qui reste modérée ; utile au portant VMG… et efficace au près ! La quille plate, moins taxée que les bulbes en IRC, a également fait son apparition, et les doubles safrans sont proposés en option, tout comme les ballasts.
C’est ce même souci de polyvalence et de cohérence qui a poussé J Composites à concevoir avec AG+ un mât en aluminium spécialement dessiné pour le J/99, doté d’un rail intégré. “Il y a un vrai préjugé de la part de nombreux régatiers envers les mâts en aluminum, alors qu’ils permettent de beaucoup mieux travailler les réglages de gréement, quand les mâts en carbone sont souvent très raideset moins polyvalents, regrette Frédéric Bouvier. Nous souhaitions un bateau placé en prix, qui performe sans prendre l’option mât carbone.” Laquelle grève souvent les budgets d’achat de 20%… “Je ne vois pas l’intérêt d’un tel surcoût, estime Philippe Guénnal, propriétaire du 2e exemplaire de la série, vainqueur, cette année, du Télégramme Tresco Trophée et de la Ronde Sénane. Le mât alu permet de bien travailler la grand-voile.”
Caractéristique importante des bateaux capables de marcher à toutes les allures : leur simplicité d’usage. Un critère essentiel dans le cahier des charges du J/99, qui devait proposer un mode d’emploi facile d’accès. “Les clients de cette niche sont des amateurs de plus en plus éclairés, mais des amateurs quand même, résume Didier Le Moal. Il faut leur proposer un bateau facile, donc polyvalent.” Et le patron de J Composites de rappeler que le J/99 du chantier a été confié pour La Trinité-Cowesà une jeune femme en alternance dans l’entreprise, qui se classe 4e en IRC double après un simple convoyage depuis Les Sables d’Olonne en guise de prise en main du bateau…
Les résultats des courses de la saison, scrutés par les clients et les chantiers, semblent valider cette stratégie de la polyvalence avec des places de 3e en double et de 4e en équipage (derrière de plus gros IRC) au Spi Ouest-France, en avril, puis de 2e et de 5e à la Duo Cat-Amania, en juin. “A l’exception de du Spi, où l’on finit 2 points derrière le Sun Fast 3300, on se classe toujours devant la concurrence“, se réjouit Frédéric Bouvier. Une première hiérarchie se détache donc après 6 mois de navigations. Mais il ne reste plus qu’une année avant le départ de la prochaine Transquadra….