Deuxième de la dernière Volvo Ocean Race sur Mapfre, Xabi Fernandez a bien l’intention d’être au départ de la prochaine édition de la course autour du monde – rebaptisée The Ocean Race – et travaille sur la poursuite du projet avec son sponsor. En attendant, comme il l’avait fait sur la précédente Coupe de l’America avec Land Rover BAR, l’Espagnol de 42 ans collabore actuellement avec Ben Ainslie au sein d’Ineos Team UK.
Qu’as-tu fait depuis la dernière Volvo Ocean Race ?
Nous avons un peu navigué en RP pour terminer la campagne puis j’ai rejoint Ineos Team UK à temps partiel, tout en essayant d’être à la maison le plus possible. Aujourd’hui, l’équipe navigante est très forte, j’essaie de les aider sur des aspects techniques avec Iain Jensen [L’Australien est à la fois chargé du réglage de la grand-voile et de la liaison entre l’équipe navigante et le design team, NDLR] et d’apporter mon expérience des grands bateaux. Le design team travaille à plein régime, ce n’est donc pas trop chargé pour moi, je suis dix jours par mois à Portsmouth, mais je serai contraint d’y être à plein temps à partir de la mise en place de la règle de nationalité.
Avec du recul, quel bilan tires-tu de cette Volvo Ocean Race ?
Cela a été une très belle course pour nous, meme si ça a été assez difficile de finir si proche de la victoire. Les retours que nous avons eus ont été super bons, nous sommes plus que contents. Nous n’avons pas vraiment de regrets. Nous avons toujours dit que nous ne changerions pas l’équipe navigante ni l’équipe à terre, nous sommes restés soudés. On savait que la compétition serait très dure et nous avons rencontré des problèmes dans l’étape du Sud, mais en même temps, nous avons été chanceux à d’autres moments. Nous avons pris du plaisir, nous avons fait une bonne préparation et nous avons tous apprécié la course, ça ne sert à rien de s’attarder sur nos erreurs.
Tu regardes forcément de près le nouveau format de la course rebaptisée The Ocean Race, qu’en penses-tu ?
La prochaine édition va être complètement différente. C’est comme revenir à l’époque des Volvo 70, ce qui signifie essayer de trouver un gros budget et démarrer tôt pour commencer le travail de design tôt. Si nous arrivons à décrocher le budget rapidement, nous pourrons commencer à penser aux membres de l’équipe et à mettre en place une bonne stratégie. C’est toujours la clé : tu dois être parfaitement préparé au moment du départ, mais pas non plus être “sur-préparé”, il ne faut pas avoir trop navigué, parce qu’on sait que la course est très longue. Il faut placer le curseur au bon endroit, ce que nous avons réussi à faire sur les dernières éditions. Si tu en fais trop avant le départ, c’est difficile de garder la motivation pendant toute la durée de la course.
Donc tu espères bien être au départ de The Ocean Race ?
Nous travaillons très dur dans ce sens. Mapfre a été très content de la dernière édition, maintenant, tu as besoin de trouver beaucoup d’argent pour cette édition, et c’est la partie la plus difficile de la course. Mais je suis assez confiant dans nos chances d’y arriver, si tout se passe bien, nous devrions être au départ de la prochaine édition.
Quel budget estimes-tu nécessaire ?
C’est difficile à dire parce qu’il y a beaucoup de choses à prendre en compte, mais pour faire une bonne course, c’est plus de 25 millions d’euros, beaucoup plus que la dernière fois. Après, ça dépendra évidemment du nombre de jours d’entraînement, et des priorités que tu te fixes.
Quel serait le programme idéal ? Souhaiterais-tu, comme d’autres, t’entraîner en amont sur un Imoca avant de lancer une construction ?
Je pense qu’il faut assez de temps pour dessiner et construire le bateau, puis compter huit à dix mois pour s’entraîner à bord. Il y a un équilibre à trouver entre construire un bon bateau, ne pas être dans l’urgence et avoir assez de temps pour s’entraîner et essayer différents jeux de foils. Parfois, tu peux compliquer les choses en prenant un ancien bateau. La classe Imoca se développe tellement vite que le fait de s’entraîner sur un ancien bateau peut t’emmener dans de mauvaises directions, je ne suis pas emballé par cette idée. Je pense donc qu’il faut dessiner et construire sa propre machine dans laquelle tu auras confiance, tout comme tu auras confiance dans les choix des architectes. Un des problèmes de ces bateaux est la fiabilité, il faut s’assurer qu’ils ne casseront pas.
Quelles sont selon toi les compétences dont tu auras besoin ?
Il y a cinq équipiers à bord, ce n’est pas beaucoup. Il faut de bons barreurs, comme d’habitude, qui soient aussi de très bons régleurs, donc il faut qu’ils soient polyvalents. Je pense que ce sera difficile d’avoir des roles spécifiques, comme celui de navigateur. Ce sera l’un des inconvénients de cette course. Il n’y aura pas de place pour des spécialistes, donc le niveau global risque de baisser. Tu ne peux pas avoir quelqu’un qui s’occupe simplement du logiciel de navigation, il faut quelqu’un qui connaisse bien la météo afin d’éviter de se retrouver dans une mauvaise situation. On n’a pas encore trouvé ce compromis. On voudrait avoir les meilleurs barreurs, les meilleurs régleurs, les meilleurs navigateurs, mais on sait que ce n’est pas possible.
Penses-tu qu’une expérience de l’Imoca est nécessaire ?
Je suis assez persuadé que tu as juste besoin d’avoir de bons marins, pas forcément des marins habitués à la classe Imoca. Les très bons marins le sont quel que soit le bateau. L’expérience aide au début, en particulier au moment de faire les choix de design afin d’éviter de reproduire les erreurs commises avant. Mais au moment d’aller sur l’eau, tu as juste besoin d’avoir les meilleurs marins possible. Nous avons eu un très bon exemple avec Blair (Tuke) : les jeunes marins arrivés sur la Volvo ont très vite montré qu’ils étaient très bons.
Tu étais sceptique au début sur le changement de support…
Je suis plus excité maintenant. Les changements font toujours un peu peur parce qu’on se demande combien de bateaux seront sur la ligne de départ et combien ça va coûter. Sur les VO65 monotypes, nous n’avons pas arrêté de changer d‘avis, dans le sens où nous n’étions pas contents au début parce que, comme d’autres, le développement des bateaux fait partie de la voile de compétition. Mais la vérité, c’est que nous avons eu une superbe course, très serrée. Je ne pense pas que ce sera aussi de nouveau aussi serré. Maintenant, c’est comme ça et je suis super excité, j’espère juste que nous aurons assez de bateaux pour batailler pendant toute la durée de la course. Le seul inconvenient de ce choix de passer au prototype est que dès le premier jour, tu peux voir si la course va être très très longue pour toi ou pas…
Combien de bateaux t’attends-tu à voir au départ ?
Il y a beaucoup de rumeurs en ce moment, mais il y a un pas important entre les rumeurs et le nombre de bateaux qui seront sur la ligne de départ. Je pense que si nous avons trois à cinq nouveaux bateaux construits pour la course et trois ou quatre de la nouvelle génération actuelle des Imoca, nous pourrons être contents.
Te verra-t-on prochainement sur un Imoca ?
Nous devons d’abord en savoir plus sur notre programme, mais peut-être que nous pourrions effectivement naviguer sur d’autres bateaux, à condition que ce soient de “vrais” bateaux, dans le sens des bateaux sur lesquels nous pourrions apprendre des choses. Mais je suis sûr qu’à un moment ou un autre, je vais naviguer cette année sur un Imoca.
Tu as beaucoup d’expérience en équipage, es-tu intéressé par la navigation en solitaire ?
Non, pas vraiment, je n’y ai jamais pensé jusqu’ici.