La page du 8e Vendée Globe à peine tournée, la perspective de l’édition 2020 donne lieu à une véritable frénésie sur le marché des 60 pieds Imoca qui s’arrachent comme des petits pains…
“Tu verras, en juin, il n’y aura plus de bateaux à vendre pour le prochain Vendée Globe !” s’inquiétait au début du printemps un coureur au fait du marché des Imoca d’occasion. Il a presque raison : Tip & Shaft fait le point sur ce qu’il reste sur les étagères pour 2020… et elles sont quasi-vides.
On connaît les principales transactions : Banque Populaire vendu à Bureau Vallée pour Louis Burton (qui a revendu son plan Farr à Erik Nigon), Maître Coq au team Initiatives Coeur (dont l’ancienne monture a été revendue à Yannick Bestaven), Quéguiner-Leucémie Espoir à Alain Gautier pour Isabelle Joschke, La Mie Câline à Manuel Cousin, Le Souffle du Nord à Enda O’Coineen, Edmond de Rothschild à Boris Hermann, Safranà Roland Jourdain et Kaïros pour Morgan Lagravière, MACSF à Alan Roura. Près de la moitié de la flotte du dernier Vendée Globe a changé de main en 5 mois, du jamais vu !
Car d’autres transactions moins connues ont eu lieu récemment. Ainsi Romain Attanasio prendra possession Newrest-Matmut, au retour de la Transat Jacques Vabre. “J’y participerai sur mon bateau actuel avant de le revendre à un amateur italien“, nous a confirmé le skipper de Famille Mary-Etamine du Lys. Du coup, Fabrice Amédéo, qui ambitionne d’être au départ du prochain Vendée Globe, cherche activement une solution pour remplacer l’ex-Gitana 80.
Kilcullen Voyager-Team Ireland, le plan Owen-Clarke d’Enda O’Coineen, a été quant à lui racheté par Arnaud Boissières avec au programme “pose de foils chez Mer Agitée, mât-aile avec outriggers et safrans relevables, le bateau devrait être remis à l’eau à la mi-mars 2018“, explique l’Arcachonnais qui envisage de disputer le Rhum 2018 puis la Barcelona World Race et nous a confié… être également propriétaire d’un deuxième Imoca : l’ex-Aviva, racheté avant que Kilcullen n’arrive sur le marché ! Cet autre plan Owen-Clarke, initialement acheté par Didier Elin pour Alessandro Di Benedetto pour le dernier Vendée Globe, est donc à vendre…
Un autre marin est doublement propriétaire d’un Imoca : Enda O’Coineen, qui, en plus du Souffle du Nord, qu’il doit ramener de Nouvelle-Zélande, où il subit de lourdes réparations, afin de boucler sa boucle cet hiver, dispose de l’ex-Great American IV de Rich Wilson (encore un plan Owen-Clarke). “Enda l’a acheté par sécurité, au cas où les réparations du Souffle du Nord n’aboutiraient pas ou prendraient plus de temps que prévu“, explique Marcus Hutchison, qui gère le projet du skipper irlandais dont l’objectif est de finir son tour du monde interrompu pendant le Vendée Globe avant de passer la main. En attendant, le bateau est à louer pour la Transat Jacques-Vabre, puis les deux Imoca seront à vendre ou à louer au printemps l’an prochain.
Pour trouver leur bonheur, les candidats au prochain Vendée Globe vont donc fouiller dans les coins, tel Jorg Riechers, qui a racheté la coque de l’ex-Acciona (toujours un plan Owen-Clarke) de Javier Sanso, qui avait perdu sa quille dans la remontée de l’Atlantique du Vendée Globe 2012-2013. “Après la Mini-Transat sur le dernier plan Bertrand, nous visons une mise à l’eau en juin 2018 et la Barcelona World Race, affirme le coureur allemand. Je souhaite mettre ensuite des foils pour le Vendée Globe 2020.”
Reste le cas de No Way Back, le foiler VPLP-Verdier de Pieter Hereema, à vendre 3,2 millions d’euros avec énormément de matériel, qui intéresse beaucoup de monde. Selon nos informations, une première vente, annoncée prématurément, n’a pas abouti et le marin hollandais est désormais en négociations avancées avec un nouvel acheteur. “Quand tu vois les prix des bateaux d’occasion aujourd’hui, tu te dis que la solution, c’est peut-être de construire un bateau neuf“, s’interroge Kito de Pavant, qui cherche depuis 6 mois à remplacer son plan VPLP-Verdier, abandonné dans le grand Sud cet hiver, pour courir Route du Rhum, Barcelona et peut-être Vendée Globe.
C’est précisément cette réflexion que mènent ensemble Antoine Mermod, ancien chef de projet de No Way Back, le cabinet VPLP et le chantier CDK, qui dévoilent leur projet en avant-première pour Tip & Shaft. “Nous sommes partis d’un constat : il n’y a plus beaucoup de bateaux d’occasion sur le marché et un bateau neuf va coûter de l’ordre de 4,5 à 5 millions d’euros, explique celui est devenu par ailleurs président de l’Imoca au printemps. En vendant No Way Back, j’ai vu pas mal de candidats qui pouvaient disposer de 3 à 4 millions d’euros de budget mais ne se sentaient pas capables de mener un projet de construction, qui nécessite aujourd’hui une grosse équipe et un bureau d’études pour le développement.”
L’idée est donc de proposer un bateau neuf “clé en main” (accastillage, électronique, “tout ce qui est attaché au bateau“, sauf les voiles) pour un objectif de prix d’environ 3,7 millions d’euros HT. Pour parvenir à ce tarif, CDK réutilisera le moule de coque Banque Populaire et de Safran, mais proposera un nouveau moule de pont et des appendices dernier cri, dessinés par VPLP. “L’idée c’est de faire un peu plus simple, un peu plus fiable et un peu plus performant que le vainqueur du dernier Vendée Globe“, résume Quentin Lucet, en charge du projet chez VPLP. Selon ses promoteurs, ce type de projet peut être géré par une équipe réduite de 3 à 4 personnes.
Condition sine qua non pour baisser les coûts : le projet ne démarrera pas tant qu’au minimum, deux sisterships ne seront pas commandés d’ici le dernier trimestre de cette année. “Le premier pourrait être livré à l‘automne 2018, à temps pour la Barcelona World Race, le second au printemps 2019“, juge Philippe Facque, le patron de CDK, qui vise aussi la clientèle étrangère. Si un troisième bateau est signé, les économies d’échelle seront répercutées aux deux premiers. “C’est un fonctionnement d’avenir, analyse Antoine Mermod : peu de gens ont à la fois le budget nécessaire et surtout le niveau technique suffisant pour construire des bateaux neufs dernier cri.“