Directeur du Team Banque Populaire, Ronan Lucas était présent mardi dernier au siège parisien du Groupe BPCE – maison-mère de Banque Populaire – pour la conférence de presse au cours de laquelle l’entreprise a “réaffirmé son engagement dans la voile jusqu’en 2024″, avec trois projets dans les cartons : un nouvel Ultim – mis à l’eau fin 2020 – et le circuit Figaro en 2019 et 2020 pour Armel Le Cléac’h, une participation au Vendée Globe 2020 pour Clarisse Crémer sur l’ex SMA. Autant de sujets sur lesquels l’intéressé revient pour Tip & Shaft.
Peux-tu nous raconter comment vous vous êtes mis d’accord avec Banque Populaire sur ce triple projet ?
Une fois digéré le fait qu’on ne récupérerait pas Banque Populaire IX, les dirigeants nous ont très vite demandé de leur proposer des projets. Nous avons donc examiné avec eux l’intégralité du champ des possibles, toutes les options qu’on peut trouver dans la voile française : celles qui ont été retenues, mais aussi le Tour de France à la voile, le Multi50… Ensuite, Banque Populaire m’a demandé de budgéter ce champ des possibles, et, en fonction des retours que je leur ai faits, ils ont décidé que les projets qui les intéressaient étaient de remettre en route un Ultim pour Armel, qu’il navigue en Figaro et qu’on participe au Vendée Globe en Imoca. La présence de Banque Populaire sur les deux derniers Vendée Globe s’étant près bien passée, c’est très naturellement et très rapidement qu’après un premier tour d’horizon, ces projets ont finalement émergé.
Comment s’est fait le choix de Clarisse Crémer pour le Vendée Globe ?
Nous avons proposé différents profils, notamment en fonction du cahier des charges de Banque Populaire qui voulait un ou une jeune pour lui donner une première chance. Très vite, son profil est arrivé au sommet de la pyramide pour plusieurs raisons : sa jeunesse, son dynamisme, l’aspect entrepreneuse et, il ne faut pas le cacher, son côté bonne communicante. Je pense que ce qui a surtout séduit les dirigeants, c’est cette alliance entre la communication et la performance, parce que Clarisse a quand même montré sur sa Mini-Transat, alors qu’elle débarquait de nulle part, qu’elle avait su construire son projet pour être performante [elle se classe deuxième en bateaux de série, NDLR]. Elle correspond bien à l’ambition qu’on a pour le Vendée Globe : depuis que je suis là, on a toujours fait des projets ultra-performants qui visaient la gagne ; là, on a envie d’un projet ambitieux, mais moins dans la compétition absolue, avec un peu moins de pression. Donc tout matche avec elle : communication, performance et jeunesse.
Avez-vous rencontré tous les skippers de cette short-list ?
Non, nous n’avons rencontré personne avant que le choix ne soit fait, même pas Clarisse, parce que nous n’avons pas voulu donner de faux espoirs aux gens qui figuraient sur cette liste. Nous avons donc préféré faire un choix d’abord, j’ai ensuite rencontré Clarisse. Elle m’a demandé un délai de réflexion, et une fois qu’elle m’a répondu, elle a rencontré Banque Populaire, ce qui a ensuite débouché sur la validation définitive de ce choix. Si ça n’avait pas été le cas, on aurait continué notre démarche et rencontré d’autres personnes.
Pourquoi avoir choisi l’ancien SMA ?
Ce qui a compté, c’est le rapport objectif/coût pour un premier Vendée Globe, sachant qu’on voulait que ce projet s’inscrive dans une enveloppe budgétaire raisonnable. Quand j’ai fait le tour des bateaux, les seuls potentiellement disponibles étaient Hugo Boss, Safran et SMA. Racheter Hugo Boss aurait peut-être été trop ambitieux pour un premier Vendée Globe. Pour une découverte de l’Imoca, on n’avait pas forcément envie de mettre la pression à Clarisse avec un bateau ultra-compétitif avec des foils. SMA nous est apparu comme un bon compromis, c’est quand même le dernier vainqueur de la Route du Rhum sans le côté usine à gaz des foils. Elle aura tout le temps de retourner plus tard sur le Vendée Globe avec l’ambition de le gagner.
Quand s’est conclue la location avec Mer Agitée et quand récupérez-vous le bateau ?
On s’est mis d’accord fin décembre. Michel Desjoyeaux nous a demandé de récupérer le bateau un peu plus vite que prévu, parce qu’il manage un autre projet [celui de Nicolas Troussel, NDLR], ce que nous avons accepté sans problème. On va donc récupérer le bateau dans les jours qui viennent [il est arrivé à Lorient ce vendredi, NDLR] et il sera équipé d’un nouveau mât monotype pour ses premières navigations en juillet.
Tu as évoqué, lors de la conférence de presse, une enveloppe globale du sponsoring de Banque Populaire dans la voile de 7 millions d’euros (TTC), quelle est la part du Vendée Globe dedans ?
Je ne donnerai pas de chiffres, mais c’est un projet raisonnable.
Pour prendre le départ du Vendée Globe, Clarisse devra se qualifier, ce qui n’est pas garanti car la concurrence est nombreuse, est-ce un motif d’inquiétude ?
Bien sûr qu’il y a de l’inquiétude, mais on n’est pas les seuls dans ce cas-là. On va faire tout faire en bon élève pour disputer toutes les courses du programme Imoca à partir de fin juillet, on ne veut pas avoir de reproches à se faire.
Vu le profil de Clarisse et le poids de Banque Populaire dans la voile, vous pourriez bénéficier d’une des quatre invitations que les organisateurs se réservent le droit d’accorder…
On ne vise pas ça, sincèrement. On va tout mettre en oeuvre pour se qualifier dans les règles sans se dire qu’une invitation va tomber du ciel au dernier moment, ce n’est pas du tout notre credo. Donc on va courir la Jacques-Vabre cette année, puis faire les 2 000 milles de qualification complémentaires, soit après la Jacques-Vabre, soit avant The Transat.
Parlons désormais de l’Ultim, quelle est votre ambition pour ce futur maxi-trimaran attendu fin 2020 ?
Nous avons une super base avec Banque Populaire IX : nous avons énormément appris lors de nos deux transats en 2017, mais on a quand même envie de le faire progresser, on ne peut pas relancer un bateau à 10 millions d’euros sans faire en sorte qu’il ne soit pas plus performant. Aujourd’hui, il est acquis qu’on peut voler, donc on va pousser le curseur du vol un peu plus loin. Ça passe bien sûr par les appendices, mais c’est aussi une question d’équilibre général, de centre de gravité du bateau, de positions du mât, des bras et des foils… On va travailler sur cet équilibre global pour qu’il soit plus facile et plus stable en vol avec une marge de sécurité encore plus importante.
Allez-vous utiliser les mêmes moules que ceux de Banque Populaire IX ?
On construit les flotteurs dans les moules de Banque Populaire IX. Pour la coque centrale, il va falloir qu’on reconstruise un moule en bois, parce que il n’y a plus de moule existant : ce sont des moules femelles en bois, qui, une fois la pièce construite, sont détruits, parce qu’ils perdent leur forme. Quant aux bras, on a le choix entre nos moules, ceux de Macif, voire ceux de Banque Populaire V. On va développer de nouvelles structures de bras avec les architectes et les calculateurs et on va voir dans quels moules ils passent. Si la structure ne passe pas, on refera un moule, mais d’après ce que l’on sait aujourd’hui, ça devrait passer.
Le choix de VPLP pour dessiner le bateau a-t-il fait débat ?
Non. C’est un choix naturel car l’urgence est déjà là en termes de design : les premiers plis de carbone doivent être posés dès avril. Nous ne sommes pas dans un projet où on a huit mois d’études avant de lancer la construction. Et on est en plus très contents de travailler avec les mêmes architectes, on n’a fait que de très bons bateaux avec eux.
MerConcept avait aussi sollicité CDK pour lancer la construction de son deuxième Ultim, comment avez-vous fait pour trouver de la place dans le même chantier ?
Aujourd’hui, pour construire une grosse machine comme ça, il y a deux super chantiers de qualité très proche, CDK et Multiplast. On a demandé un devis aux deux, et notamment interrogé CDK pour savoir s’ils étaient disponibles. Ils nous ont répondu que ceux qui signeraient en premier un contrat auraient le chantier réservé. Maintenant, on n’a voulu nuire à personne et, dans notre contrat, on a aménagé les choses pour que nos camarades de Macif puissent construire également des pièces chez CDK, parce qu’on sait qu’ils travaillent avec eux depuis longtemps. Mais ils n’avaient pas donné d’engagement ferme, ce que nous avons pu garantir à CDK vers la mi-décembre. Il faut comprendre que nous devons aller vite : nous espérons avoir une très belle course fin 2021, et pour pouvoir y participer, il faut qu’on ait un bateau le plus rapidement possible.
Va-t-il y avoir des mouvements au sein du team, notamment pour remplacer Kevin Escoffier, qui part sur un projet Vendée Globe avec PRB ?
Kevin est quelqu’un d’important au sein du team Banque Populaire, il va encore nous accompagner quelques semaines et mon petit doigt me dit qu’on naviguera certainement ensemble dans l’avenir… On est très heureux de le voir partir sur un beau challenge comme ça, avec la possibilité de jouer la gagne et, bien sûr, il va être remplacé au sein du bureau d’études, des recrutements sont en cours, parce qu’on n’avait pas prévu de refaire un bateau.
Tu parlais de très belle course fin 2021, le programme de la Classe Ultim 32/23 passe d’abord par un tour du monde en équipage ?
On verra, la classe travaille sur un programme qu’on devrait connaître d’ici la fin du mois de février. Quoi qu’il en soit, notre objectif dès 2021 sera de naviguer énormément pour fiabiliser le bateau : je pense qu’on refera une transat aller-retour rapidement après la mise à l’eau du bateau, comme on l’a fait sur le précédent. Après, on verra…
À lire en complément : Comment Banque Populaire a décidé de poursuivre son sponsoring voile jusqu’en 2024