Yoann Richomme

Romain Ménard : “Le contrat est rempli”

Directeur général de Team Spirit Racing, la structure mise en place en 2021 par Paprec et Arkéa pour accompagner le projet Imoca de Yoann RichommeRomain Ménard dresse le bilan de la campagne de Vendée Globe, terminée sur la deuxième marche du podium et se projette sur la suite.

▶ Dix jours après l’arrivée, l’équipe est-elle en phase de décompression ou encore dans l’action ?
Après avoir été sur un nuage pendant deux-trois jours, tu es vite rattrapé par la réalité. Personnellement, je suis rentré chez moi le jeudi à 23h30 et le lendemain, j’avais rendez-vous avec le comptable pour clore les comptes ! Maintenant, on essaie quand même de ne pas faire retomber le soufflé, parce que c’est plutôt agréable à vivre, et comme on a la chance d’avoir un projet signé jusqu’à la fin de l’année 2025, on pense forcément déjà aux prochains objectifs.

▶ Que retiens-tu de cette campagne qui aura été finalement assez courte ?
Je ne sais pas si « courte » est le bon adjectif, je dirais plutôt qu’elle a été très dense et c’est clairement une campagne réussie, il faut s’en féliciter. Globalement, je retiens la fierté d’avoir réussi à monter ce projet à partir de zéro pour en arriver à ce résultat, mais également le fait qu’on n’ait jamais abandonné une course en deux ans. C’est chouette de voir que Yoann – et Yann (Eliès) quand il était avec lui -, ont toujours réussi à ramener le bateau à bon port. A chaque fois que tu termines une course, même dans la difficulté, l’apprentissage est considérable, ce qui a été un élément important dans notre courbe de progression et a permis à Yoann d’être en confiance sur le bateau pour tirer dessus pendant le Vendée Globe.

▶ Si tu devais donner des conseils à une équipe pour lancer un projet de Vendée Globe, tu lui conseillerais de commencer par où ?
Il faut surtout commencer par avoir la chance de s’appuyer sur des sponsors qui ont une vraie vision et surtout la conscience de la nécessité de prendre les décisions aux bons moments. Ce qui a été clairement le cas pour nous pendant toute cette campagne. La clé d’un tel projet, c’est vraiment le timing. Ensuite, il y a bien sûr la constitution de l’équipe, ce qui n’est pas un exercice facile car il faut trouver les bonnes personnes et insuffler une culture d’entreprise, un aspect que j’avais sans doute un peu sous-estimé. Pour le clin d’œil, l’entreprise s’annonce Team Spirit, ce n’est pas le monde des Bisounours, tout n’a pas toujours été facile, mais je pense finalement qu’on a réussi à créer cet esprit d’équipe. C’est aussi une chose qui m’a marqué la semaine dernière : les gens me tapaient dans le dos en disant “Bravo pour la deuxième place !” et le lendemain, ils revenaient en disant “Vous avez une super équipe avec un bel esprit”. Et ça, ça me touche autant.

“Zéro regret”

▶ En plus du timing et de cet esprit d’équipe, quels sont les autres ingrédients de la réussite ?
C’est une question que je me pose depuis une semaine. Parfois, je me dis que ça ne se joue à rien du tout. Il y a deux semaines, Holcim PRB a arraché sa tête de mât, nous, ça nous est arrivé lors de l’avant-dernière navigation avant le départ du Vendée Globe, ça peut faire froid dans le dos ! Maintenant, il y a forcément le travail et le talent, je dirais aussi le fait d’être super organisé et vigilant sur le planning, mais également la nécessité d’avoir un fil conducteur, ce qui, je pense, a été une de nos forces. On a quand même eu pendant cette campagne des problèmes structurels pas anodins, mais on n’a jamais paniqué, on les a gérés en gardant la tête froide, car on avait les enjeux bien en tête. Et bien évidemment, il faut le marin, qui est l’homme clé. De notre côté, quand on s’est mis en quête d’un skipper, on voulait quelqu’un qui avait déjà gagné, et sur cette campagne, ça a clairement joué mentalement d’avoir un skipper qui avait confiance en lui, de la maturité, un grand savoir-faire technique, une capacité de leadership. Yoann collait parfaitement au projet, avec une attention à l’humain, une sorte de sixième sens avec les gens qui est épatante. Il a été moteur dans la construction du collectif.▶ Malgré cela, vous terminez deuxième et non premier, où sont les 22 heures d’écart entre Charlie Dalin et Yoann ?
Là aussi, ça fait une semaine que je me pose la question ! Sans pour autant me faire des nœuds au cerveau, parce que la victoire de Charlie est méritée, chacun est à sa place. Maintenant, est-ce que c’est avant le départ, pendant la course ? Je ne sais pas, on va en parler pendant le débriefing qu’on va faire tous ensemble, mais franchement, compte tenu de notre expérience et de là où on partait, je pense qu’on ne pouvait pas faire mieux. J’ai zéro regret, au contraire, je suis vraiment hyper content, notamment pour Paprec et Arkéa. Il y a trois ans, on s’était dit qu’on allait redorer leur blason pour qu’ils retrouvent du plaisir dans un projet voile après leur première expérience compliquée, aujourd’hui, on peut dire que le contrat est rempli, cette deuxième place est une chouette récompense pour eux.

▶ Passons à la suite, quel est le programme ?
D’abord, continuer à célébrer, ensuite, se mettre en mode chantier pour remettre en état le bateau, même si la job list est très restreinte, enfin faire plaisir aux sponsors avec des navigations en juin. Il sera alors temps de reprendre la saison sportive qui va être dense, avec le Fastnet en juillet, The Ocean Race Europe en août et la Transat Café L’Or en octobre.

“Notre bateau en vente fin 2025”

▶ Pourquoi The Ocean Race Europe ?
C’est une opportunité qu’on a saisie parce qu’elle répondait à plusieurs critères. Dans l’équipe, nous sommes plusieurs à avoir bien expérimenté le circuit Imoca, on avait envie d’un peu de changement. Ensuite, Yoann a toujours dit qu’il affectionnait le format équipage, c’était sympa pour lui d’y retourner, surtout après une année Vendée Globe où il n’a fait que du solitaire. Enfin, compte tenu de la croissance du groupe Paprec à l’international, et notamment en Europe, c’était l’occasion de leur proposer une course en adéquation, avec notamment une étape à Carthagène, en Espagne, qui est un gros marché pour eux. Maintenant, on va le faire en mode raisonnable : on a déjà le skipper et son binôme pour la Transat Café L’Or, on veut faire naviguer une partie de l’équipe, donc on n’a plus qu’une personne à recruter, ça ne fait pas des coûts démesurés.▶ Tu parles de binôme pour la Transat Café L’Or, le choix est déjà fait ? Ce sera encore Yann Eliès ?
Les choses ont été calées et signées avant le départ du Vendée, mais c’est trop tôt pour l’annoncer.

▶ A plus long terme, êtes-vous en ordre de marche en vue du Vendée Globe 2028 ?
Oui, clairement, ce serait une faute professionnelle de ne pas présenter les futures échéances aux sponsors, ce que nous avons fait. Je crois qu’ils y ont répondu chacun de leur côté, Paprec a affirmé sa volonté de continuer, on doit encore faire des débriefings pour voir comment on s’organise.

▶ Arkéa semble plus incertain, avec notamment un possible désengagement dans le cyclisme, avez-vous des garanties qu’ils souhaitent continuer ?
Ça leur appartient de répondre, je n’ai pas plus d’informations que toi sur le sujet, et ce n’est pas parce qu’ils se désengagent du vélo – ce que je ne sais pas – qu’ils feront la même chose dans la voile.

▶ Faut-il forcément passer par un nouveau bateau pour le Vendée Globe 2028 ? Où en êtes-vous sur le sujet ?
Oui, c’est notre conviction, donc là encore, nous sommes en ordre de marche, tant au niveau des architectes que du chantier, nous sommes prêts à tout lancer dès qu’on aura le go des partenaires, mais je ne pourrai pas t’en dire plus aujourd’hui ! En revanche, je peux t’annoncer que notre bateau actuel sera mis en vente fin 2025.

▶ Avez-vous la volonté de participer à The Ocean Race en 2027 ?
C’est attirant, après, il y a clairement une question de coûts, l’investissement est important qui, ça peut aller de 1 à 4 millions d’euros en plus, donc aujourd’hui, ce n’est pas à notre programme.

Photo : Jean-Marie Liot/Alea

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