Nouvel Imoca 11th Hour Racing en navigation

Pascal Bidégorry : “Le nouvel 11th Hour est plus engagé et plus complexe”

Pascal Bidégorry a eu un été chargé. Après The Ocean Race Europe en juin sur 11th Hour Racing 1 (l’ancien Hugo Boss de 2015), le Basque a préparé la sortie du nouvel Imoca de l’équipe américaine, l’Imoca 60 11.2, sur lequel il vient de tirer ses premiers bords et disputera la Transat Jacques Vabreavec Charlie Enright. Parallèlement, il navigué avec François Gabart sur le nouveau SVR Lazartigue. Il raconte tout ça à Tip & Shaft.

 

On imagine que tu suis la Solitaire du Figaro, que t’inspire la démonstration de Pierre Quiroga, qui vient de gagner sa deuxième étape consécutive ? On a l’impression qu’il est dans une sorte d’état de grâce que tu as connu quand tu avais gagné la Solitaire, en 2000…
Franchement, avec tous les coups de mistoufle, les cailloux, les pointes, les courants, les transitions qu’il y a eu sur cette troisième étape super compliquée, il a tout simplement été énorme, il est tout le temps parvenu à rester devant, je suis vraiment admiratif. Et effectivement, ça me rappelle un peu cet état de grâce. Maintenant – et il n’a pas besoin qu’on lui dise –, tant qu’il n’a pas passé la ligne de la dernière étape, rien n’est fait. Quand je m’étais retrouvé dans sa position, je m’étais dit que le meilleur moyen de ne pas stresser était d’être devant, et j’avais gagné la dernière étape ! Il n’a pas de questions à se poser, qu’il continue à bien faire ce qu’il fait depuis le début.

 

► Parlons du projet 11th Hour Racing Team, le nouveau bateau vient d’être mis à l’eau, quelles sont caractéristiques de cet Imoca ?
Par rapport à la dernière génération, c’est un bateau beaucoup plus basé sur la puissance, au niveau de la carène – avec un gros redan qui permet de diminuer la surface mouillée très rapidement sur les petits angles de gîte – comme pour les foils qui sont très grands et puissants. Ce qui veut dire qu’ils poussent très fort très tôt, je ne sais d’ailleurs pas comment on va faire pour gérer cette puissance et arriver à bien voler en réglant l’assiette longitudinale du bateau. Je pense qu’on va avoir beaucoup de boulot de mise au point à faire, il va nécessiter plus de temps pour apprendre à s’en servir que ceux du dernier Vendée Globe, car c’est un bateau qui va être plus performant, mais qui est plus pointu. Maintenant, c’est un peu difficile de t’en parler, parce qu’on n’a navigué que trois jours, dont un pour faire les tests de charge. Mais je pense que c’est un bateau plus puissant et plus engagé.

 

“J’ai trouvé le bateau
hyper violent”

 

► As-tu été surpris lors de ces premières navigations ?
Ce qui m’a surpris, c’est vraiment cette puissance, la forte capacité à accélérer et à décoller, on a quand même fait des pointes à plus de 30 nœuds pendant dix minutes, j’ai trouvé le bateau hyper violent. Quand tu sors de quelques jours de nav en Ultim où tu as été à 45 nœuds, c’est plutôt cool, là, ce n’est pas cool du tout ! Mais je pense que ça vient principalement de la forme de ces foils et du fait qu’ils ont vraiment été conçus dans une optique de perf. Il y aura un deuxième set de foils qui va être fait pour The Ocean Race, l’idée sur ce premier était vraiment de mettre sur la table tout ce qu’on pouvait trouver en termes de performances, et de voir comment les bonshommes pouvaient gérer l’instabilité du bateau malgré ce surplus de perf, afin de faire ensuite un bilan pour savoir si on a été trop loin. C’est vraiment une démarche de performance.

 

► C’est un bateau conçu pour The Ocean Race, donc pour un équipage, en quoi cela se voit-il ?
Le cockpit est beaucoup plus grand et beaucoup plus large, avec la possibilité de mettre une deuxième colonne. Aujourd’hui, quand tu es en solo, tout est à portée de main, là, le cockpit est divisé en deux, tu as plus de place, donc la possibilité de se mouvoir à quatre quand tu fais une manœuvre. Sinon, c’est un cockpit fermé, à la fois pour l’aéro et la protection des marins, avec des bulles sur les côtés qui sont des endroits qui pourraient permettre de barrer ou de gérer le pilote sur The Ocean Race. Aujourd’hui, on ne sait pas encore trop quelle va être la règle là-dessus ; à la base ça devait être un bateau censé avoir des postes de barre à utiliser, les choses ont depuis un peu évolué, je ne serais pas surpris qu’au départ de The Ocean Race, on puisse disposer des pilotes qu’on veut, parce qu’à quatre à bord, tu ne peux pas faire un tour du monde avec un mec qui barre tout le temps.

 

“Déchiffrer l’outil extraordinaire
qu’on a entre les mains”

 

► Quel va être l’enjeu dans les prochaines semaines pour apprendre à naviguer à deux à bord ?
L’enjeu, ça va être d’être opérationnel pour faire la Jacques Vabre, je ne suis pas en train de penser à un résultat sportif, mais à la faisabilité de tout ça. Ce qui ne va pas nous empêcher de convoyer mardi et de venir se frotter aux autres sur le Défi Azimut la semaine prochaine. Ça vient vite, mais je pense que c’est un bon moyen pour nous de franchir un pas, c’est la meilleure démarche pour avancer, j’espère qu’on va pouvoir passer dans un autre mode dès la semaine prochaine.

 

► Et sur la Jacques Vabre, quel sera l’objectif ?
Aujourd’hui, je ne suis pas en train de me dire qu’on va tous les défoncer, ça m’est arrivé à des départs de course –  non pas de le dire, mais de le penser -, là, pas du tout. On est vraiment dans une optique de travail, avec l’objectif de déchiffrer l’outil extraordinaire qu’on a entre les mains et qu’on ne connaît pas. Ce n’est pas un Apivia bis, ni un 11th Hour Racing bis, c’est un bateau plus engagé mais qui va être plus complexe à apprendre. Donc l’idée va être de fiabiliser ce beau jouet, après, on aura plus tard le loisir de se faire plaisir, au mois de novembre.

 

► Quelle sera justement la suite du programme ?

Après la Jacques Vabre, le bateau rentrera par la mer, l’équipe étudie différents scénarios. Personnellement, j’encourage Charlie à faire le retour en solo, ou au moins une partie, pour son expérience, c’est important. De mon côté, je pense que je vais rentrer en bateau, mais plutôt sur trois coques, mais tout n’est pas encore calé. On va déjà voir comment va se passer la Transat Jacques Vabre, on fera des plans sur la comète une fois qu’on sera arrivés. Et pour 2022, en ce qui concerne 11th Hour, le bateau va faire une transat aller-retour en guise d’entraînement et rester deux mois à Newport, parce que c’est un projet américain.

“Tu sais ce que ça va être,
toi, the Ocean Race ? 

 

► Dont l’objectif est The Ocean Race, est-ce au programme pour toi ?
Oui, bien sûr que je m’inscris dans ce projet, maintenant, je vais te poser une question toute simple : tu sais ce que ça va être, toi, The Ocean Race ? Non ? Moi non plus. Donc, je ne me pose pas aujourd’hui des questions auxquelles je n’ai pas de réponse, on verra en temps voulu, mais oui, c’est l’objectif. Après, je ne te cache pas que je travaille aussi pour pouvoir être présent sur le prochain Vendée Globe. Aujourd’hui, je suis occupé du lundi matin au dimanche soir depuis des mois, ça m’est juste arrivé de temps en temps de prendre une ou deux heures de la semaine pour penser à mes projets. C’est trop tôt pour en parler, mais ce n’est pas juste une vue de l’esprit d’imaginer Pascal Bidégorry sur un bateau sur le Vendée Globe en 2024. C’est un vrai objectif pour moi, qui ne m’empêchera pas de faire The Ocean Race en totalité ou en partie, j’ai encore envie de faire des courses de bateau et d’en profiter un maximum.

 

► Tu as aussi navigué cet été avec François Gabart sur son nouvel Ultim SVR Lazartigue, c’était comment ?
Génial ! J’ai adoré. L’équipe de MerConcept a fait un boulot incroyable. Au niveau perf pure, le gap n’est pas forcément énorme avec le précédent (Macif devenu Actual), en revanche, il vole beaucoup mieux, il a une capacité à voler dans un peu de mer qui m’a vraiment bluffé. J’ai une grande faiblesse pour cette façon de naviguer et l’utilisation de ces bateaux, c’est ce qu’il y a de plus fort et ça ne me rappelle que de bons souvenirs. Ce n’est vraiment que du plaisir, de la voile à l’état pur, ces bateaux volent à toutes les allures, la stabilité est impressionnante. Il y a de la technologie, du fun, de la vitesse, c’est le pied total !

 

Photo : Amory Ross / 11th Hour Racing

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